Tout risquer pour joindre les correspondants étrangers à Pékin (suite et fin)

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Suite de la Deuxième partie

Une torture sinistre, le coût pour avoir échappé à la censure

Un par un, tous ceux qui travaillaient à organiser des interviews avec les médias occidentaux ont été finalement arrêtés.


Yu a écopé de 10 ans de prison pour avoir organisé des rencontres avec des journalistes étrangers et mis en place un canal de cryptage des données permettant une communication sécurisée sur Internet.


Il est resté 11 mois dans un soi-disant centre de formation du système juridique, où il a été brutalement battu. C’était un centre spécifiquement mis en place à des fins de lavage de cerveau sur les pratiquants de Falun Gong.


"Ils me frappaient violemment les côtes ... Ils étaient si furieux qu'ils semblaient en proie au délire", a dit Yu. "Mais à ce moment là je n'avais pas peur. Je savais que ce que je faisais portait atteinte à la persécution, j'étais heureux. "


Les gardiens de prison se relayaient pour frapper Yu au visage. Ses oreilles bourdonnaient à force de gifles continuelles. Mais il souriait et les regardait droit dans les yeux. Il leur a demandé quels étaient leurs noms.


Il n’y a eu aucune réponse.


"J'ai ri, et je leur ai demandé, vous osez me frapper, mais vous n'osez pas me dire vos noms? Est-ce que votre mère sait comment vous gagnez votre vie ? Avez-vous une petite amie? Est-ce qu'elle sait ce que vous faites? » s’est souvenu Yu.


Là encore, ses questions sont restées sans réponse. Mais les gardes ont semblé trouver son regard inquiétant, ils lui ont enfoncé leurs doigts dans les yeux. En dépit de la douleur oculaire intense, Yu a continué à les regarder dans les yeux. Certains ont commencé à le frapper moins fort.


"À ce moment-là ils me sont apparus pathétiques. Tout ce qu'ils faisaient était de suivre les ordres. Ils n'avaient pas la liberté de prendre des décisions par eux-mêmes ", a dit Yu. "Ce sont des lâches. Ils sont incapables de raisonner. "


Les gardes ont continué en écrivant des insultes sur des bouts de papier, crachant dessus puis les lui collant sur le visage. "J'ai souri et leur ai dit, ne vous contentez pas de cracher, pourquoi ne pas utiliser une punaise pour épingler ces papiers sur mon corps pour revivre un peu la révolution culturelle ?", s’est-il souvenu.


Du 13 août 2002 à juillet 2003, Yu a été détenu au centre de lavage de cerveau.


" Il y a eu de nombreux moments où je ne pouvais pas dire si quelque chose avait lieu ou non dans la réalité, " a-t-il dit. " Pendant deux mois, ils ne m'ont permis de dormir qu’une heure par jour. "


Il était menotté à un lit. Il dormait sur une planche de bois en guise de matelas ; quand bien même son coude droit s’était disloqué sous les coups, les gardiens ont tiré son bras gauche dans la direction opposée afin de menotter ses deux mains au lit. "C’était si douloureux que tout mon corps avait des sueurs froides" s'est souvenu Yu.


Ses pieds étaient attachés à une corde. Il est resté quatre jours dans cette position. Il devait déféquer et uriner dans son lit.


Ils l'ont laissé de temps en temps sortir du lit au cours des 100 jours suivants. Il n'avait pas le droit de se laver. On ne lui donnait que deux tasses d'eau par jour à boire. Il crachait son eau potable sur sa main pour se laver le visage.


Yu se réveillait chaque matin avec des yeux larmoyants." " Ce n'étaient pas des larmes dues à l'émotion. C'était la réaction physique de mon corps dû au fait de ne pas pouvoir me laver le visage pendant si longtemps, j'avais des secrétions durcies autour des yeux. "


Il n'a pas été autorisé à prendre de douche pendant cinq mois. Yu a dit que sa peau commençait à ressembler à des écailles de poisson.


Du 21 juillet 2003 au 21 juillet 2004, il a été détenu dans diverses cellules. Certaines si bondées que lui et une cinquantaine d’autres personnes dormaient dans une pièce de 40 mètres carrés.


Du 21 juillet 2004 au 20 février 2012, il a été emprisonné à Tianjin, sous l’autorité du Bureau de l'administration pénitentiaire de Pékin. Ils étaient réveillés à 4h30 du matin pour courir dehors dans l'obscurité par un froid rigoureux. Puis ils devaient " étudier" leurs matériaux de rééducation.


De nouveau, ils n'étaient pas autorisés à prendre de douche. Malgré le manque d'hygiène, on leur faisait manipuler de la nourriture qui serait vendue au public. Yu dit que cela arrive souvent lorsque les gens sont détenus.


Certains des compagnons de prison de Yu devaient ranger des biscuits sur des plateaux en papier avant qu’ils ne soient mis sous plastique, tandis que Yu devait emballer des bonbons. "Les produits alimentaires fabriqués en Chine ne sont vraiment pas hygiéniques. Vous ne savez pas qui les a fabriqués et dans quelles conditions. " Yu devait emballer les bonbons de façon que cela ait l'air d'avoir été fait par une machine. La forte pression nécessaire provoquait le décollement des ongles, s’est-il souvenu.


Il a enduré une torture bestiale, comme être forcé d' écouter les sons de haut-parleurs à plein volume au point d’en avoir la nausée et une sensation d'oppression dans sa poitrine. Cette torture a duré de 6 heures à 22 heures tous les jours pendant une semaine.


À d'autres moments, il devait nettoyer les fosses septiques.


"Le but était de détruire mon amour-propre, ma dignité", a indiqué Yu.


Trouver refuge aux Etats-Unis

Après être sorti de prison en 2012, Yu a fait une demande de passeport. "Dans des conditions normales, je n'aurais pas été en mesure d'obtenir un passeport, mais ils étaient devenus plus indulgents avec nous craignant que des gens instruits, des gens étant allés à Tsinghua et ayant été emprisonnés ne puissent en influencer d'autres en Chine ", a-t-il expliqué.


Et c’est ainsi que Yu, âgé de 41 ans, est arrivé à New York avec sa femme et leur fils de 15 ans le 13 mai.


Évoluant parmi la foule à Manhattan, Yu ne ressentait rien. Ses émotions étaient atones. Ce n’est que cinq jours plus tard qu’il a réalisé qu’il était libre.


Lui et sa famille ont levé une banderole ensemble en participant à un défilé de la Journée du Falun Dafa dans Flushing.


" C’était la première fois que j’ai senti pouvoir respirer librement ", a-t-il dit.


Après avoir quitté son environnement violent en Chine, Yu a expliqué qu’il fait à présent face à un nouveau défi, en lui-même cette fois-ci.


Aujourd’hui Yu ne peut toujours pas dormir sur le dos à cause des blessures à ses côtes. "Mais la partie la plus difficile n'est pas de subir la persécution. Le défi est ce qui vient après ", a-t-il dit "Je dois m'assurer de ne pas devenir l'un d'entre eux [gardiens de prison], de ne nourrir dans le cœur ni haine ni violence."


"Je peux empêcher la violence de grandir en l'empêchant d'abord de grandir dans mon esprit", a-t-il dit. " Je dois garder à l'esprit que ceux qui sont vraiment mauvais sont ceux qui ont ordonné la persécution, pas nécessairement ceux qui l’ont exécutée, ils ont été formés à suivre les ordres, sans réfléchir.


"Je veux changer les cœurs, et la seule façon de le faire est de les émouvoir, en leur montrant qu'il est possible de ne pas avoir de haine, en leur montrant comment des êtres humains sont censés vivre", a déclaré Yu.


Quant aux pratiquants en Chine qui ont été arrêtés après les entretiens, certains sont encore en prison aujourd'hui. Il y en a aussi dont on n'a plus rien su depuis.


Yu Chao à Bryant Park, New York, le 24 mai 2013. (Samira Bouaou/ Epoch Times Staff)


S’asseyant dans Bryant Park pour une photo, Yu a souri avec une douceur particulière, sans mélancolie. Comme si les plus de 10 ans de violence à son encontre n’avaient pu lui faire perdre sa paix intérieure, la paix de qui a trouvé la signification de la vie. Et cela valait bien tout ce qu'il avait enduré a-t-il dit.


Passant devant une statue de Gertude Stein dans le parc Yu a demandé qui elle était. Il appartenait désormais à une nouvelle culture, une nouvelle histoire. Et dans sa nouvelle vie, Yu a dit qu'il continuerait à faire tout son possible pour aider à secourir les pratiquants de Falun Gong encore persécutés en Chine. Pour lui, cela commence par agir avec un cœur ne gardant aucun ressentiment, aucun esprit de vengeance.


Version anglaise :
Risking it All to Reach Foreign Correspondents in China

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