Une conversation avec Lech Walesa

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Lech Walesa est l’ancien dirigeant de Solidarnosc [Solidarité], le premier syndicat indépendant de Pologne à l’époque du communisme. Il a remporté le prix Nobel de la paix en 1983 et a joué un rôle déterminant dans la transition de la Pologne du communisme à la démocratie, devenant le premier président postcommuniste du pays en 1990.

Nous discuterons de la fin du communisme en Pologne, de la guerre Russie‑Ukraine et de la bataille pour la liberté à Cuba, en Chine et ailleurs.

Jan Jekielek : Monsieur le Président, Lech Walesa, nous sommes heureux de vous avoir sur American Thought Leaders.

Lech Walesa : Moi aussi je suis heureux d’avoir l’occasion de m’exprimer. Dans la mesure où mon temps sur terre touche à sa fin, je veux transmettre ce qui a été intéressant dans ma vie.

Monsieur le Président, en 2015, vous avez écrit ceci : « Tout comme autrefois Dieu m’a mis à la tête d’un mouvement qui a renversé le communisme en Pologne et en Europe, il me place aujourd’hui pour soutenir tous ceux dont le combat n’est pas encore terminé. » Pouvez‑vous expliquer ce que vous entendez par là ?

Eh bien, je le confirme évidemment. J’ai essayé de bien remplir mon rôle. J’ai essayé de remplir mon rôle et mon syndicat Solidarnosc a contribué à mettre fin au communisme soviétique.

Je comprends donc que vous êtes motivé pour aider les autres qui se trouvent dans une situation similaire à celle de la Pologne à l’époque. Pouvez‑vous nous en dire plus à ce sujet ?

En bref, chaque fois que je suis invité ou sollicité, dès que j’en ai l’occasion, je réponds présent. C’est ma responsabilité en tant que personnalité ayant reçu le prix [Nobel]. Je participe à différents événements, dans différents endroits, à différents moments. Aujourd’hui, je suis très actif dans les questions Ukraine‑Russie. Évidemment, je suis un peu moins présent en ce qui concerne Cuba. Avant, je travaillais beaucoup avec Cuba. Mais le fait est qu’à Cuba, tout ce processus, la bataille pour la liberté, avance à un rythme plus lent.

Parlons donc de Cuba. Nous reviendrons sur l’Ukraine ultérieurement. Il y a plus d’un an, il y a eu des protestations assez importantes à Cuba. Et ces protestations se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui, bien que la majeur partie de notre société ne soit pas au courant. Selon Monsieur Orlando Gutierrez‑Boronat, qui vous a invité [ici], c’est peut‑être le meilleur moment pour les Cubains de réussir à opérer des changements dans leur système.

C’est ce que je pense aussi. Les jours du communisme sont comptés partout où il existe, car il est inefficace. Il part de principes relativement bons, mais c’est impossible à mettre en œuvre. C’est pour cela qu’il s’effondrera toujours. Par contre, j’ai toujours prévenu les Cubains : mettre fin au régime est une chose, trouver des solutions et maîtriser la situation après sa chute en est une autre. Et je leur ai recommandé de se préparer, de se préparer en anticipant des questions concrètes, sur la manière de privatiser, de résoudre les conflits. Parce qu’il y aura énormément de conflits. Il s’agit tout de même d’une génération entière élevée sous le communisme… et il faudra privatiser… privatiser à‑tout‑va pour mettre en œuvre le capitalisme. Donc il y aura d’immenses mouvements de contestations. Si les Cubains ne se préparent pas [à cette situation], les obstacles seront très nombreux.

Lorsque les gens sont éduqués pendant de longues années dans un système communiste, quel est, selon vous, l’impact global sur leur société ?

D’abord et avant tout, le communisme tue l’esprit d’initiative personnelle, tout dépend toujours des autres. Fondamentalement, c’est une philosophie qui n’a rien à voir avec le capitalisme, où les individus sont responsables d’eux‑mêmes et doivent se débrouiller tout seuls. Dans le communisme, c’est l’État qui organise tout. C’est précisément pour cela qu’il est si difficile pour les gens de s’adapter, de changer leur façon de faire, de changer leur façon de penser.

Vous dites donc que l’esprit d’initiative est l’élément le plus important ? Qu’y a‑t‑il d’autre ?

Bien sûr, il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en jeu, mais l’esprit d’initiative, c’est le plus important. Cela tient au fait que le capitalisme repose fondamentalement sur l’esprit d’initiative, sur l’ingéniosité… sur le bon sens. Bien qu’il défende des principes plus nobles, le communisme échoue parce qu’il étouffe l’esprit d’initiative et tout dépend toujours des autres. En conséquence, il s’est effondré une fois et s’effondrera à nouveau. Le vrai problème, c’est le prix que cela nous coûte et le temps que nous perdons en attendant qu’il s’écroule.

Pour préparer cette interview, j’ai recherché une lettre que vous avez publiée en 2015. Vous avez écrit : « Le communisme, en tant que système dépourvu de valeurs humaines, est incompatible avec le progrès de la civilisation. Depuis le début, il est voué, tôt ou tard, à la faillite. »

Je n’ai jamais eu aucun doute là‑dessus. Par chez nous, nous avons réussi à provoquer sa chute. Cuba est un peu à la traîne. Mais, finalement, ce pays aussi y parviendra. Le système communiste est à bout de souffle.

Actuellement, il y a un mouvement de protestation en continu à Cuba. Selon certains témoignages, il pourrait prendre de l’ampleur. En même temps, des fonds assez importants arrivent de l’étranger pour renforcer le régime. Cet argent vient des pays libres. Que pensez-vous de tout cela ?

Eh oui ! Justement ! C’est ça le capitalisme, un marché libre à la recherche du profit. Donc, vu sous cet angle, le communisme semble équitable, tandis que le capitalisme non… parce qu’il est question de faire de l’argent par tous les moyens. Mais autant le communisme idéal, correct, est impossible à mettre en œuvre, autant le capitalisme peut toujours être adapté [selon les situations]. Par conséquent, le communisme échoue parce qu’il est irréaliste. C’est [une doctrine] naïve.

Pour que je comprenne bien… En quoi le communisme est‑il plus équitable ?

C’est au niveau des principes. De mon côté, j’ai quand même un peu analysé les travaux de Lénine, de Marx, d’Engels, etc. Et ils ont conçu ce système pour qu’il sonne bien. Par contre, on ne peut absolument pas l’appliquer dans la vie quotidienne. C’est, comme je l’ai dit, quelque chose de naïf, de vague, et finalement cela conduit à des abus de pouvoir. C’est un système qu’on ne peut absolument pas contrôler correctement. Le capitalisme, en revanche, s’autorégule et c’est le marché qui le contrôle. Par conséquent, même si ces principes sont moins bons, en pratique il est meilleur.

Monsieur le Président, avez‑vous un message pour le peuple cubain ?

En ce qui concerne la victoire, vous allez certainement gagner ! Mais vous allez avoir de plus grands problèmes après la victoire qu’avant. Parce que c’est une génération entière qui a été élevée différemment, avec une façon spécifique d’aborder la vie. Le capitalisme ne leur plaira pas… au début. Et donc il faut proposer de bonnes solutions, avoir des gens bien préparés qui seront là pour résoudre ces problèmes et prouver que ce système fonctionne. Je me souviens des problèmes que nous avons eu en Pologne au début. J’ai été à un rassemblement où il y avait 50.000 personnes et bien que j’aie vaincu le communisme, ils voulaient me lyncher ! Quelqu’un dans la foule m’a lancé : « Sous le communisme, c’était mieux que maintenant ! »

Difficile à croire.

Oui, mais j’avais l’esprit bien vif à cette époque et je lui ai répondu du tac au tac : « Mon ami… Est‑ce que vous savez conduire ? Est‑ce que vous avez un permis de conduire ? » Il a répondu oui. « Ah : C’est bien ! Parce que voyez‑vous, le communisme c’était comme de conduire une voiture qui roulait seulement en arrière et à 5 km/h. Bon on a fait un petit tour… très bien ! Mais avec le capitalisme on peut enfin conduire en avançant… et à 100 km heure ! Si vous savez conduire, vous savez très bien qu’on ne peut pas reculer et avancer en même temps. Vous devez d’abord vous arrêter avant de rouler dans la direction opposée. Et là maintenant, la Pologne est à l’arrêt pour redémarrer plus vite et mieux. » Et d’un coup la foule a changé, alors qu’ils voulaient me lyncher, ils ont commencé à chanter et à m’acclamer.

C’était en quelle année ? En 1989 ?

Oh non… C’était au début, en 1980.

Oh, en 1980, d’accord.

Oui, au début. Mais en 1989, il y avait encore des situations de ce type. Donc les Cubains doivent être préparés pour trouver des réponses dans la seconde, parce que la foule une fois qu’elle s’énerve, on ne peut plus l’arrêter. Il faut tout de suite l’arrêter. Donc il faut être préparé, avoir des réponses pertinentes, directes et convaincantes, sinon tout peut dérailler.

Parlons un instant de Mikhaïl Gorbatchev qui est décédé récemment. De nombreux médias aux États‑Unis, au Canada et ailleurs lui accordent beaucoup de crédit pour avoir mis fin au communisme. Et je voulais savoir ce que vous en pensez.

Gorbatchev était mon ami. J’avais une certaine admiration pour lui. C’était un des esprits les plus intelligents de notre époque.

Il avait compris une chose concernant toute cette bataille… Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en tant que premier secrétaire, la bataille était déjà très avancée, il avait compris qu’il ne pouvait pas sauver l’Union soviétique de l’effondrement. C’était impossible d’arrêter cela. Et c’est pourquoi il n’a pas essayé de stopper [la chute] de l’Union soviétique.

Son but, c’était de préserver la Russie au maximum. À cet effet il allait partout et il disait : perestroïka, glasnost [reconstruction, transparence]. Il était sympathique avec toute la communauté internationale, il professait de belles paroles… Alors tous les dirigeants se sont dit : « Il y a eu Staline… un criminel ! Et puis il y a eu… il y a eu Brejnev aussi ! Mais Gorbatchev, lui, c’est une très bonne personne ! Bon d’accord, on va lui laisser gérer la Russie ! » Et ces dirigeants ont laissé Gorbatchev prendre en main la Russie et ils ont laissé la Russie tranquille !

Mais en réalité après l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie aurait dû rendre des comptes ! Grâce à son comportement, Gorbatchev a calmé le jeu. Tel était son but. Mais Gorbatchev disait aussi : « La Russie se relèvera et un nouveau dirigeant comme Staline ou Poutine arrivera et tout ce que nous perdons avec la chute de l’Union soviétique pour l’instant, il le remettra en place. »

Et c’est exactement ce qui se passe maintenant.

Poutine est arrivé, et le voilà en grand sauveur de la grande Russie ! Et le voilà qui remet en place tous les anciens réseaux [communistes] d’une main de maître ! Il y parvient avec brio d’ailleurs !

Monsieur le Président, juste pour être clair, vous êtes en train de dire que le plan de Gorbatchev depuis le début, c’était de préparer le terrain pour que les forces [communistes de l’URSS] puissent se relever un peu plus tard ?

Oui… C’était vraiment une stratégie très intelligente, qui voyait sur le long terme. Une stratégie pour protéger la Russie, pour attendre qu’elle se renforce un peu jusqu’à ce qu’un nouveau dirigeant de type Staline ou Poutine reprenne tout ce qui avait été concédé. Je respecte Gorbatchev, parce qu’il a quand même joué un rôle positif… mais on lui a forcé la main ! Il s’est vu forcé de jouer ce rôle. Du coup, il a misé sur le long terme. Et sa façon de faire a en effet été très efficace pour préserver la Russie au maximum et pour finalement faciliter subtilement l’émergence d’un Poutine récupérant tout ce que l’URSS avait perdu.

Il y a un certain nombre de personnes en Occident qui ne comprennent pas vraiment pourquoi les Polonais sont si déterminés à aider l’Ukraine, à secourir les Ukrainiens en ce moment.

Les raisons sont simples. Nous savons que la Russie ne digère pas la chute de l’Union soviétique. Nous [les Polonais], nous avons réussi à nous enfuir hors de son contrôle, mais l’Ukraine y est encore. Moi, en tant que président, je voulais que la Pologne, l’Ukraine et la Biélorussie entrent ensemble dans l’OTAN et l’Union européenne. Mais je ne pouvais agir qu’en coulisse, secrètement. Donc j’avais prévu de faire avancer la situation durant mon deuxième mandat présidentiel. Malheureusement, j’ai perdu l’élection et tout s’est écroulé. C’est une mauvaise chose que cela soit arrivé car il faut sauver l’Ukraine. Mais, encore une fois, il faut envisager le problème de deux manières. Aujourd’hui nous devons faire face aux conséquences de l’agression russe, au fait qu’ils les affament et qu’ils les massacrent. Donc il faut les aider, il faut leur donner des armes, etc. Cependant tout ça, ce ne sont que les conséquences !

La cause profonde de toute cette guerre, c’est que le système politique de la Russie est mauvais ! Ce n’est pas un Poutine ou un Staline qui est à blâmer, c’est tout le système politique. Si la Russie avait un système politique dans lequel le président ne pouvait faire que deux mandats de cinq ans au maximum, un gang aussi puissant n’aurait aucun moyen d’émerger. Ni le chef d’État, ni ses complices ne seraient aussi puissants. Tous ses fameux complices sauraient que l’influence du chef ne durerait que dix ans. Ils se diraient : « Oulala, quand le numéro 1 va tomber dans dix ans, tous mes réseaux, mes soutiens vont s’écrouler et ils vont commencer à me demander des comptes ! » Et donc il n’y aurait pas un tel banditisme.

Nous devons parler aux Russes. Il faut les prendre un par un et leur rappeler qu’ils sont eux aussi victimes de massacres et qu’ils continueront à l’être, et qu’ensemble nous sommes prêts à les aider pour qu’ils changent de système. La Russie est pays magnifique avec des gens merveilleux ! Seulement ils ont un système politique terrible… Il faut les éveiller au fait que la Russie est en réalité composée de plus de 60 nations semblables à l’Ukraine. Ce sont des nations qui ont été conquises de la même façon que l’Ukraine. La Russie a toujours asservi les autres nations, les autres pays, et les a russifiés. D’ailleurs, le monde dans son ensemble fonctionne à peu près de la même manière, évolue de façon similaire.

Bref, maintenant que la Russie est trop grande et que son système est trop dangereux, nous devrions encourager ces nations à réclamer leur souveraineté. La Russie ne compterait alors que 50 millions d’habitants environ, et elle ne serait plus aussi dangereuse. Les Russes nous seraient reconnaissants si nous les aidions à changer de système politique. Ce serait plus sûr pour le monde entier.

Donc, il faut se battre à deux niveaux. Premièrement, il faut essayer de les influencer pour qu’ils changent le système politique, où le président ne fait que deux mandats de cinq ans maximum, et c’est tout. Pas de ceci cela ! Et si cela ne suffit pas, alors nous devrions encourager ses nations à réclamer leur statut d’État et leur souveraineté.

C’est tout simplement fascinant. Pensez‑vous réellement que toutes ces nations sont prêtes à entreprendre ce genre d’actions ?

J’ai personnellement essayé de les pousser à le faire, mais des gens puissants m’ont arrêtés parce qu’il s’avérait que les armes les plus dangereuses ne se trouvaient pas en Russie, mais dans ces républiques. Ces républiques ignoraient qu’elles possèdaient de telles armes, tout comme la Pologne ignorait qu’elle détenait un grand nombre d’armes nucléaires à l’époque. Aujourd’hui, nous découvrons tous ces silos et nous comprenons qu’il y avait énormément d’armes nucléaires sur notre territoire. Par conséquent, si ces nations avaient recouvré leur liberté, cela aurait été dangereux car elles n’auraient pas contrôlé ou entretenu ces installations de stockage et cela aurait pu conduire à une explosion. C’est pourquoi il était nécessaire d’attendre. Aujourd’hui, Poutine a fait une terrible erreur, la quasi‑totalité du monde s’est ralliée contre lui, et maintenant nous pouvons reprendre ce que j’ai déjà tenté à l’époque. Nous pouvons aider toutes ces nations à changer leur système politique ou les encourager à reconquérir leur liberté.

Donc, selon vous, quand la Russie était fragmentée en petit pays, tout le monde s’entendait ?

Non, le monde a toujours été divisé ! Par contre, au cours de son développement l’intellect a évolué. Au début nous avons inventé des vélos et un peu de technologie. À ce niveau, les États‑nations étaient assez grands, et ils l’ont été jusqu’à la fin du XXe siècle. Mais entretemps nous avons inventé Internet, les avions, et maintenant il y a toute cette histoire de pandémie. Tout cela nous oblige à fonctionner avec des structures plus grandes, les États‑nations sont trop étriqués, ça ne suffit plus. Aujourd’hui, il existe deux façons d’élargir les territoires : l’Occident le fait par le biais de l’OTAN, de l’Union européenne et de l’ONU, et nous intégrons ces structures par des voies démocratiques. C’est une façon de faire. Puis il y a la façon de faire russe et chinoise qui consiste, comme dans le cas de l’Ukraine, à recourir à la force, à s’emparer de territoires en détruisant tout et à s’agrandir de cette manière. Quelle façon prévaudra ? Celle pacifique de l’OTAN, l’Union européenne et la démocratie, où tout le monde peut adhérer, ou la façon russo‑chinoise d’annexion par la force et d’assimilation obligatoire ?

Si je comprends bien, la Pologne a toujours peur d’être entraînée dans cette « structure russe » (faute d’un meilleur terme) ?

Bien sûr ! Pendant près de 50 ans, nous y étions et nous n’en pouvions plus ! Et ça suffit ! Ce système, comme je l’ai dit, comporte des principes intéressants, mais ils sont impossibles à mettre en pratique. Nulle part dans le monde le communisme n’a été mis en œuvre avec succès, parce que ce n’est pas viable. Le capitalisme, par contre, propose des principes moins nobles, basés sur la concurrence. Il n’est pas aussi idéaliste, mais il est réalisable en pratique et il fonctionne, car on laisse les gens tranquilles, et les gens sont performants quand ils sont libres. En réalité, le communisme est systématiquement voué à l’échec car il ne peut pas suivre le rythme du développement.

À l’heure actuelle, les États‑Unis et certains autres pays mobilisent d’énormes quantités d’argent pour soutenir l’Ukraine. Ne pensez-vous pas que c’est limité ?

Comme je l’ai dit précédemment, il faut considérer cette question sous deux aspects. L’une consiste à aider avec des armes, de la nourriture, etc. C’est très bien, mais il ne faut pas oublier que même si l’Ukraine gagne, dans un maximum de dix ans, la Russie se relèvera et refera exactement la même chose ! C’est parce que le système le lui permet ! C’est pourquoi il est tout à fait louable de vouloir aider en collectant des fonds et en fournissant des armes, mais en même temps, il faut se battre pour changer le système afin que la Russie ne soit plus une menace dans dix ans, afin que le prochain Staline ou Poutine ne répète pas le même scénario dès que la Russie aura repris des forces. Nous avons une donc double mission. D’un côté il faut contrer les impacts immédiats, et de l’autre il faut nous attaquer à la cause profonde et voir sur le long terme. Cette cause profonde, c’est un système délétère qui permet l’émergence de dirigeants comme Staline, Poutine, etc.

Bien. Monsieur le Président, en parlant de la Russie, de son expansion, vous avez mentionné la Chine. Ces pays suivent un schéma similaire en quelque sorte.

C’est‑à‑dire que la Chine… la Chine fait les choses de manière plus intelligente ! Par ce qu’elle utilise plusieurs façons pour étendre son influence. C’est ce qu’on voit en Afrique et dans de très nombreux pays. Le fait que la Chine utilise d’autres moyens que la coercition pour étendre son influence, initialement cela ne devrait pas poser de problème.

Ce qui est gênant, c’est que le système politique chinois est mauvais et dangereux. C’est comme en Russie, c’est un gang autour d’un chef de type Poutine. En Chine, si le système se limitait à deux mandats présidentiels de cinq ans, personne ne serait en mesure de créer un gang aussi puissant.

Le problème, c’est quand un système politique encourage le mal. Ce système politique est alors dangereux. Ce n’est pas une question de Poutine ou de Staline, c’est une question de système qui permet à des personnalités de ce type d’arriver au pouvoir.

Je vais vous lire une autre citation de cette lettre que vous avez écrite en 2015. Vous avez écrit cette lettre lors d’un forum qui se tenait en Ukraine et qui portait sur les 200 millions de personnes ayant quitté le Parti communiste. C’était le mouvement « Quitter le PCC », autrement nommé le mouvement « Tuidang ». Aujourd’hui, ce sont près de 400 millions de personnes qui ont quitté le Parti communiste chinois. Voici ce que vous avez écrit. « Ce mouvement, ce tsunami de l’histoire, comme je le crois profondément, rien ne peut plus l’arrêter. Personne ne peut arrêter un esprit de liberté et de vérité. »

Oui ! Tout à fait ! À mesure que le niveau de développement technique et intellectuel augmente, l’homme besoin de plus de liberté. C’est grâce à cette liberté qu’il devient plus inventif. Lorsque le niveau de technologie et de développement était faible, le recours à la force, les armes à feu notamment, était très répandu pour obliger les gens à faire quelque chose. Par exemple, on pouvait dire : « Si tu ne creuses pas un fossé de 10 mètres, je vais te tuer ! » Et les gens obéissaient. Et cela donnait des résultats. Cependant, aujourd’hui, si quelqu’un pointe un pistolet sur moi alors que je suis en train de taper sur un clavier… ça ne sert à rien ! Parce qu’on ne peut pas forcer l’inventivité en ayant recours à la violence ! Ça ne marche pas !

Donc nous voyons que les méthodes efficaces par le passé ne le sont plus face au développement actuel. Donc, mieux vaut ne pas les utiliser car elles sont vouées à l’échec. Aujourd’hui, il reste encore à savoir combien de temps ce type de méthodes va perdurer et le prix que nous allons payer avant de les voir disparaître.

Donc, pour les personnes qui sont engagées elles‑mêmes dans ce mouvement « Quitter le Parti communiste chinois », quel est votre message ?

Faites‑le ! Mais ce ne sera pas facile. Pensez aussi à montrer aux gens d’autres solutions. Le communisme a peut‑être même été nécessaire à un moment de l’histoire, au début de la révolution industrielle, à l’époque des premières usines quand les patrons étaient malhonnêtes et exploitaient effectivement les ouvriers. Des mouvements de masse étaient nécessaires pour corriger leur comportement. Mais aujourd’hui, avec une majorité capitaliste et un marché libre en place, nous avons beaucoup évolué et ce que défend le communisme n’a absolument plus sa place. Il bloque la créativité au nom de ce qui n’est qu’une utopie. Il faut s’en éloigner.

En ce moment, le « président » chinois Xi Jinping, dictateur dans les faits, promeut activement le communisme dans toute la société chinoise. Il impose les idéaux du communisme à la population.

Il ne sait pas faire autrement. Il a été élevé et a passé toute sa vie dans le communisme. Comment serait‑il capable d’en sortir ? La seule sortie qu’il arrivera à trouver, c’est celle de l’au‑delà ! Donc son comportement n’a rien d’étonnant !

En revanche il y a la jeune génération de Chinois. Ces jeunes voient le monde, ils savent qu’il y a Internet. Donc, tôt ou tard, ils rejetteront le communisme. Parce que ce n’est qu’une utopie, ce n’est pas réaliste. Le communisme est voué à disparaitre, même si cela prendra encore un peu de temps.

Quand on parle de la Chine communiste contemporaine, il y a deux ou trois choses qui sont, je dirais, fondamentalement différentes de ce que nous avons vu dans les années 1980‑90 en Union soviétique. La première chose est qu’il y a d’énormes sommes d’argent provenant de l’Occident qui sont acheminées en Chine pour soutenir le régime. Et la deuxième chose, c’est qu’il y a la technologie du crédit social. Je vais vous donner un exemple. Sur son téléphone, un citoyen chinois doit avoir un code Covid vert. Si c’est un code Covid rouge, il ne peut pas prendre le train, il n’a pas le droit de travailler, de nombreuses choses lui sont interdites. Et bien sûr, parfois ce code devient rouge pour des raisons politiques. C’est donc assez différent.

C’est exact. Nous vivons actuellement un changement d’époque. Jusqu’à la fin du XXe siècle, nous vivions dans un monde constitué d’États‑nations, en particulier en Europe. Cependant, nous disposons aujourd’hui d’une technologie qui exige un champ d’action plus large que celui des États‑nations. Durant la pandémie nous avons vu que le concept d’États‑nations est trop étroit.

C’est pourquoi aujourd’hui il y a deux pays en particulier qui devraient s’engager à assurer cette transition et résoudre les problèmes qui en découlent. D’un côté, il y a les États‑Unis qui devraient le faire à l’échelle mondiale. De l’autre côté, il y a l’Allemagne, qui devrait le faire à l’échelle européenne avec l’aide de quelques pays.

Ces deux pays devraient réunir une équipe de personnes concrètes et leur confier la mission suivante : dresser la liste de tous les domaines qui nécessitent des solutions dépassant l’échelle nationale. Il s’agirait de sujets comme la pandémie, Internet, les avions, etc. Une fois cette liste dressée, il faudrait diviser les problèmes en deux : ceux ayant besoin de réponses à une échelle continentale et ceux ayant besoin de solutions à une échelle mondiale.

Une fois ce tri établi, viendrait alors la troisième étape. Celle‑ci consisterait à réfléchir à des structures, des programmes, des financements, etc. Aujourd’hui, par exemple, pour les problèmes de pandémie, de migration, nous ne sommes absolument pas préparés. Si maintenant nous avions une nouvelle pandémie… c’en serait fini… fini de nous…

Quand des pays comme la Chine et l’Inde vont s’ouvrir, nous allons avoir une migration vraiment importante… La migration d’aujourd’hui ne sera rien en comparaison ! Et nous n’y sommes pas du tout préparés !

Pour trouver les solutions à l’échelle mondiales ce sont les États‑Unis qui devraient le faire. Pour les solutions en Europe, c’est l’Allemagne avec l’aide de quelques autres pays… En réalité, ces problèmes ne sont pas si difficiles à résoudre.

En revanche pour les résoudre il faut toujours qu’il y ait deux options.

Une première option consiste à réformer les structures existantes. Par exemple, si c’est possible, on réforme l’Union européenne, l’OTAN, etc.

Mais si cette option ne fonctionne pas, alors il faut toujours qu’il y ait une deuxième option. Celle‑ci consiste, par exemple, à laisser des pays comme la République tchèque où la Hongrie déboulonner l’Union européenne ou autre… On conserve les locaux mais ceux‑ci sont investis par de nouveaux organes, une nouvelle Union ou autre.

Il faut laisser la porte ouverte à tous ceux qui souhaitent y adhérer. Mais attention ! il faut veiller à placer deux tableaux à l’entrée. Sur le premier tableau, il doit être écrit : « Si vous venez rejoindre cette structure, vous obtenez certains droits. » Sur le second tableau, il doit être écrit : « Si vous adhérez à cette structure, vous avez certaines responsabilités. » Il faut équilibrer les droits et les responsabilités pour que les situations grotesques d’aujourd’hui ne se reproduisent plus à l’avenir. En réalité, ce n’est pas si compliqué.

Parlons maintenant de l’économie… En économie, il faut regarder les pays, le monde, et voir ce que le bon Dieu a donné à chacun. Par exemple, la France a de magnifiques raisins… alors qu’elle se concentre sur la production de bon vin. L’Italie déborde de patrimoine artistique, alors qu’elle se focalise sur le tourisme. L’Ukraine possède une bonne terre arable, alors qu’elle nourrisse l’Europe. En bref, il faut aider les pays à trouver leur place.

Dans le passé, nous construisions toutes les infrastructures en fonction de besoins stratégiques ou politiques, mais aujourd’hui nous utilisons plutôt des critères économiques. Si on voulait, par exemple, construire un aéroport à Gdansk ou à Berlin, on évaluerait la situation du point de vue continental ou mondial. Voilà le type de programmation dont nous avons besoin aujourd’hui.

Actuellement nous n’avons plus de meneur ! Ni les États‑Unis ne sont plus des leaders, ni l’Allemagne n’est un leader. Par conséquent, c’est un moment très dangereux car il n’y a plus de guide pour préparer et proposer des solutions.

Oui, en effet… c’est vrai. Parlons donc de l’Allemagne. L’Allemagne, pour une raison quelconque, s’est globalement rendue dépendante de la Russie pour le gaz naturel. Mais à l’heure actuelle, Nord Stream 2 n’a pas ouvert et Nord Stream 1 garde ses vannes fermées. Il y a des débats sur les raisons. Certains disent que c’est une sorte d’accident. Mais c’est une situation catastrophique pour l’Allemagne. Pendant ce temps, la Pologne pourvoit à ses besoins énergétiques grâce d’autres ressources [comme le charbon]. Qu’en pensez‑vous ? Quel était le plan de l’Allemagne ?

Comme je vous l’ai expliqué, celui qui nous a induit en erreur, c’est Gorbatchev. Nous avons laissé la Russie tranquille. Nous avons cru que Gorbatchev et les autres allaient suivre un chemin honnête parce qu’ils avaient l’air de vouloir s’y mettre. Tout allait bien sous Gorbatchev et sous Eltsine. Mais en réalité, le seul but de Gorbatchev, c’était de sauver la Russie. Et la Russie s’est relevée. Puis Poutine est arrivé et il a mis en pièces toutes les choses positives.

Il est donc important de comprendre les mécanismes qui ont eu lieu, ce qui s’est réellement passé et qui a encore un impact aujourd’hui. Nous avons cru, et les Allemands ont cru, que la Russie avait enfin changé… qu’elle agirait de manière rationnelle et démocratique. C’est parce que Gorbatchev s’était apparemment engagé sur cette voie. Mais en réalité nous constatons aujourd’hui que sa stratégie consistait à attendre, à relever la Russie en sachant qu’un homme comme Poutine ou Staline apparaîtrait et remettrait en place tout ce que l’Union soviétique était en train de perdre. Voilà ce qui s’est passé.

Donc nous voyons qu’il y a ce mécanisme dans l’histoire… Lorsqu’un petit groupe d’individus accumule un pouvoir considérable, ils ne sont pas vraiment enclins à l’abandonner. Vous vous doutez, je suppose, de ma prochaine question. La voici. N’êtes‑vous pas inquiet de voir que, même dans les pays libres, ces structures de pouvoir, l’Union européenne par exemple, sont toujours plus concentrées entre les mains d’un petit nombre de bureaucrates non élus ? Et que pensez‑vous du fait que leur pouvoir soit renforcé par toutes ces nouvelles technologies dont nous avons parlé précédemment ? Êtes‑vous inquiet que cela puisse devenir un problème pour le monde ?

Oui… vous avez raison, c’est vrai. Mais il faut replacer cela dans son contexte. Nous vivons à l’aube d’une nouvelle ère. Le temps des pays, des petits États, des divisions ou des blocs opposés les uns aux autres, est en train de toucher à sa fin. Nous venons d’entrer dans l’air de l’intellect, des échanges d’informations, de la mondialisation. Mais c’est encore une réalité relativement nouvelle et immature. Donc une nouvelle époque commence et nous sommes en plein dans une transition. Cette étape intermédiaire, comme je le vois, c’est une époque faite pour poser les mots, discuter sur le monde qu’on souhaite façonner. Ce que nous héritons du passé n’est pas forcément adapté pour cette nouvelle ère.

Regardez, aujourd’hui, les partis de gauche sont plus à droite que les partis de droite et vice versa. Voyez, les partis chrétiens où il n’y a pas un seul vrai croyant. Jusque‑là, ce type de situation passait encore, mais maintenant il va falloir mettre de l’ordre dans tout cela.

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul domaine que nous gérons vraiment bien à l’échelle mondiale : la signalisation routière. Mais en termes d’organisation mondiale, c’est comme si nous n’avions pas de panneaux de signalisation. Imaginez à quoi ressemblerait le monde d’aujourd’hui si tous les panneaux de signalisation et les règles de circulation étaient supprimés. Pouvez‑vous imaginer ce qui se passerait ? Eh bien c’est ainsi que va le monde aujourd’hui parce que les anciens panneaux de signalisation ne conviennent plus et qu’il n’y a pas encore de nouveaux panneaux.

Et ces panneaux n’existent pas tout simplement parce que nous entrons dans une toute nouvelle époque ! L’époque précédente était sale, avec des guerres, des tromperies, personne ne faisait confiance à personne. C’est pourquoi cette période de transition, c’est avant tout une période de mots. Il faut d’abord que je parvienne à vous convaincre, que vous parveniez à me convaincre et à partir de là on pourra commencer à construire quelque chose ensemble.

Trois grands problèmes apparaissent. Le premier problème, c’est de savoir quelles seront les valeurs de cette nouvelle ère. Chaque pays a des principes différents ou des religions, des croyances différentes. Globalement, on voit qu’il y deux tendances qui se dégagent. La moitié du monde veut construire un avenir avec toutes les libertés possibles, l’État de droit, le marché libre, etc. L’autre moitié affirme que ce n’est pas bon. L’autre moitié considère qu’il faut d’abord poser des limites, comme les dix commandements, pour ainsi dire.

Une fois que nous aurons résolu cette question, nous serons confrontés à un deuxième problème. Il faudra choisir un système économique. Il y a deux grandes options : le capitalisme ou le communisme. Le communisme n’a fonctionné nulle part, nous devons donc l’écarter d’emblée. Mais le capitalisme a aussi ses limites. Il fonctionne dans un système avec des États et des pays, quand il y a de la concurrence. Cette compétition fait beaucoup de perdants, beaucoup de gens se retrouvent au chômage.

Il faut donc un capitalisme qui préserve tous les travailleurs et leur laisse la possibilité d’être actifs. Par ailleurs, le capitalisme doit garder le marché libre, mais pour tout le reste il sera forcé de proposer des solutions qui dépassent les frontières des États‑nations, il sera forcé de proposer des solutions à l’échelle des continents ou à l’échelle mondiale. Voilà le deuxième problème.

Et enfin, il y a le troisième problème, à savoir comment gérer les démagogues, le populisme, les responsables politiques sans scrupules au sein de ces grandes structures. À noter que jusqu’à la fin du XXe siècle, nous avions le bon Dieu. Dans chaque pays, discrètement en arrière‑plan, il y avait le bon Dieu qui opérait quelque part dans l’esprit des gens. Mais nous nous en sommes éloignés. À cette époque, on redoutait le communisme et l’Union soviétique, donc il fallait s’en débarrasser et c’est ce qui a été fait. Mais comment faire aujourd’hui pour gérer des sociétés qui n’ont plus aucun frein ? Plus aucune limite morale ?

Donc au début de cette nouvelle ère, notre génération est confrontée à ces trois problèmes et nous devons y réfléchir sérieusement, en discuter.

Face à l’ampleur du chantier beaucoup sont ceux qui prétendent que nous ne pouvons pas y arriver, qu’il y a déjà eu des civilisations comme la nôtre sur cette terre… plusieurs fois… Et elles ont construit des pyramides que nous ne sommes pas capables de construire ! Malgré cela, elles se sont effondrées !

Donc, à l’heure actuelle, soit nous allons vers la destruction complète comme ces fameuses civilisations, soit nous parvenons à nous en sortir.

Oui, justement. Un certain nombre de personnes avec qui j’ai parlé sont très inquiètes. Elles pensent que si le monde s’engage dans la voie du mondialisme, de l’internationalisme, cela aboutira fatalement à une forme de totalitarisme comme en Chine communiste.

La mondialisme ! Le mondialisme ! Allez jeter votre téléphone ! Parce que le mondialisme en premier lieu, c’est le téléphone ! Allez jeter votre télévision, les avions ! Parce que c’est ça le mondialisme ! Donc le mondialisme, cela dépend de ce que nous allons y mettre et comment nous allons l’organiser. Pour l’instant nous n’en avons aucune idée. Et c’est de là que viennent toutes les inquiétudes, parce que ce n’est pas dégrossi.

La mondialisme est nécessaire pour lutter contre les pandémies, car sans le mondialisme, nous ne pouvons pas gérer les pandémies. Les avions, Internet, les téléphones portables, tout le monde en a besoin ! C’est ça le mondialisme. Les gens ont peur, car ils ne comprennent pas ce qu’est le mondialisme.

Les plus grotesques, ce sont les anti‑mondialistes ! Ils organisent d’énormes rassemblements, ils dénigrent tout le monde et ensuite ils attrapent leurs smartphones pour contacter la presse et se vanter d’avoir tout critiqué. Mais en réalité, ce sont eux‑mêmes les mondialistes ! Ils devraient commencer par jeter leurs téléphones et utiliser des pigeons voyageurs, parce que les portables, c’est le mondialisme par excellence.

Cela veut dire qu’il est tout à fait possible d’imaginer que des États‑nations fondés ou enracinés dans certaines croyances et certaines idéologies puissent fonctionner ensemble dans cette structure connectée que vous décrivez ? Comment voyez‑vous cela ?

Mais bien sûr ! Voyons ! Il faut d’abord commencer par faire le tri entre ce qui est vraiment utile et ce qui ne sert à rien. Pour les avions, il doit y avoir une connexion mondiale. Les téléphones portables, il faut les organiser à une échelle mondiale, alors faisons ce qui doit être fait, ce qui est pratique et ce dont nous avons besoin. Gardons ce que nous souhaitons garder, évacuons ce qu’il faut évacuer. Ce n’est qu’une question de s’organiser avec du bon sens.

Selon vous, quel devrait être le rôle des États‑Unis dans le monde à l’heure actuelle ?

Comme je l’ai dit, l’Amérique devrait prendre la responsabilité d’organiser le monde. Je ne veux pas dire distribuer des dollars ou aller au combat ici où là. Mais aider le monde à s’organiser pour anticiper les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent. L’Amérique devrait assumer le rôle de grand organisateur du monde. Ensuite, il devrait également y avoir des organisateurs continentaux. Puisque l’Allemagne est la première économie d’Europe, elle devrait choisir deux ou trois pays et préparer de bonnes solutions pour tous les problèmes importants.

Donc, à ce niveaux‑là, soit on réforme les structures soit on les remplace. Une fois que c’est fait, on propose de nouvelles solutions et on les met en œuvre. En réalité, l’Allemagne a des craintes qui correspondent à l’ancienne époque. Mais cette époque était une époque de guerres entre les États, entre les pays. Aujourd’hui, c’est l’ère des continents et de la mondialisation. Donc, l’Allemagne doit assumer un rôle différent et mettre de côté les rivalités et les guerres.

Bien sûr… mais… et c’est là que j’essaye d’en venir… en ce moment, les États‑Unis ont un certain nombre de problèmes à régler, des défis plutôt corsés.

Ah ! dans ce cas le mieux c’est que l’Amérique délègue ses responsabilités à la Pologne, et nous, nous ferons ce qu’il faut !

[Rires] Pour en revenir un instant à la Chine, il y a actuellement beaucoup d’activité militaire de l’autre côté du détroit de Taïwan. Certaines personnes pensent que la Chine va bientôt attaquer Taïwan, que c’est imminent. Qu’en pensez‑vous ?

Comment dire… Taïwan, c’est mieux ! Les gens vivent mieux là‑bas qu’en Chine. Donc il faut que la population choisisse la meilleure Chine, et non la pire. Si la Chine continentale peut atteindre le potentiel, la production et la richesse de Taïwan., alors très bien, qu’elle le fasse. Mais elle n’en est pas capable. Malgré cela, elle s’imagine qu’elle peut prendre Taïwan et l’obliger à devenir aussi misérable qu’elle. Non ! ce n’est pas en règle ! Ce n’est pas juste.

Par ailleurs, l’expansion d’un territoire doit se faire dans la liberté, la démocratie. Il faut que les gens le veuillent. Il ne faut pas que ce soit une annexion forcée comme la Russie en Ukraine.

Quelle est, selon vous, la plus grande menace pour le monde à l’heure actuelle ?

Le manque d’efforts pour se comprendre les uns les autres. Dans l’ancienne époque, on donnait des droits sans rien exiger en retour, la liberté sans aucune responsabilité. Nous devons corriger cela aujourd’hui. Vous avez des droits, vous avez des responsabilités parce que les temps ont changé. Auparavant, il y avait des États‑nations, il y avait donc des besoins différents, et nous avons organisé le monde selon ces besoins. Aujourd’hui, nous devons le faire autrement. Il faut qu’il y ait des débats, des pourparlers, des accords et c’est de cette façon qu’il faut essayer de résoudre les problèmes. Moi j’ai une question pour les agitateurs qui veulent faire la révolution… Combien de coups devons-nous prendre encore ? Combien de sang faut‑il encore verser avant de faire preuve de bon sens ?

Monsieur le Président, ce fut un plaisir. Une dernière pensée alors que nous terminons ?

Eh bien voilà ! Il se trouve que notre génération vit dans une période de changement. L’ère des États‑nations et des blocs est terminée et l’ère de l’intellect, de l’information et de la mondialisation a commencé. Nous, qui sommes en pleine transition, nous devons réfléchir en discutant à quoi devrait ressembler le monde, identifier les opportunités de développement et évaluer les dangers. Par la discussion, nous devons élaborer des programmes et des structures pour les mettre en œuvre. Si nous ne suivons pas ce chemin, alors nous allons vers l’anéantissement.

Monsieur le Président, je suis très heureux de m’être entretenu avec vous.

Ce fut un plaisir. Merci beaucoup.

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