La brillance de " Bartolomé Bermejo : Maître de la Renaissance espagnole "

Une exposition exceptionnellement rare d’un virtuose énigmatique
 
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"Résurrection" vers 1470-1475 par Bartolomé Bermejo. Huile et or sur panneau de peint 90,17 cm. par 68,58 cm (Musée national d’art de Catalogne 2019)


LONDRES —Il arrive parfois qu'une peinture me bouleverse à en avoir le souffle coupé. Chacun des sept chefs-d’œuvre rares dans " Bartolomé Bermejo : maître de la Renaissance espagnole " à la Galerie Nationale de Londres a eu cet effet.


Environ un tiers (sept) des peintures de Bartolomé Bermejo sont exposées, dont six n’avaient jamais quitté l’Espagne auparavant. Tout restera visible jusqu’au 29 septembre. Sont inclus dans l’exposition ses premiers et derniers tableaux documentés, " Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan " (1468) et la " Pietà Desplà" (1490), avec un merveilleux manuscrit détaillant le paiement du tableau de Saint Michel.

 
Document d’archive rendant compte du paiement partiel de l’acompte à Bermejo pour le "Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan " de Bermejo, daté du 5 février 1468. Manuscrit de 23,495 cm sur 16,98625 cm sur 7,925 cm. (Collège Royal Seminario de Corpus Christi, Valence)
 
Document d’archive rendant compte du paiement partiel de l’acompte à Bermejo pour le "" Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan" , daté du 5 février 1468. Manuscrit de 23,49 cm sur 16,98 cm sur 7,93 cm. (Collège Royal Seminario de Corpus Christi, Valence)

Chacune des sept peintures est étonnante : c’est comme la découverte d’un trésor perdu. On pénètre en effet dans le petit espace de l'exposition avec le sentiment d''entrer à l’intérieur d’un coffre aux trésors. Les murs d’un pourpre profond de la galerie faiblement éclairée évoquent une expérience intime, plantant le décor des sept tableaux qui scintillent tels des joyaux.


Chaque peinture dévotionnelle transmet les moindres détails, de riches velours, soies et cottes de mailles à des perles chatoyantes, en passant par des pierres précieuses et des armures. En examinant attentivement le "Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan." on peut même voir le maillage du tissu, et sur le plastron doré de Saint Michel, un reflet de Jérusalem.


 
" Saint Michel triomphant du diable avec le Donateur Antoni Joan ", 1468, par Bartolomé Bermejo. Huile et or sur panneau 1,80 m par 0,82 m. (La Galerie Nationale de Londres).


"C’est un peintre si merveilleux techniquement. Je pense que cela ressort vraiment de cette exposition qui ne contient que très peu d’œuvres mais toutes d’une très grande qualité", a déclaré Letizia Treves, conservatrice de l’exposition dans une interview téléphonique.


D'après Treves, le but de l’exposition était de "mettre en contexte notre tableau [ " Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan" ]." Même si le Bermejo, de la Galerie nationale, est salué comme le meilleur exemple du début de la peinture espagnole en Angleterre, Treves dit qu’il n’y a pas de contexte réel dans la collection.


L’exposition nous permet également de rencontrer l’un des peintres les moins connus d’Espagne. C’est seulement à la fin du XIXe siècle que la " Pietà Desplà " de Bermejo et les vitraux de la chapelle baptismale de la cathédrale de Barcelone lui ont été attribués. La plupart des œuvres de Bermejo ont été redécouvertes au début du XXe siècle. Né à Cordoue, il a principalement travaillé dans les villes de Tous, Valence Daroca, Saragosse et Barcelone.


Treves en révèle davantage sur ce grand peintre espagnol peu connu.


The Epoch Times : Veuillez nous parler de Bartolomé Bermejo.

Letizia Treves : Ce qui est intéressant à propos de Bermejo, c'est que nous savons très peu de choses sur lui. On ne sait même pas quand il est né ni quand il est mort. C'est vraiment un mystère. Il est extrêmement énigmatique.


Je soupçonne qu’il y a d’autres peintures de lui, probablement non attribuées, considérées comme anonymes et néerlandaises, car il est évident qu’il est fortement influencé par cela dans son travail. J’espère qu’on en découvrira davantage. Pour le moment, il y en a moins de 20.


Du peu que nous savons et des quelques tableaux que nous avons, il semble qu'il ait eu une carrière plutôt itinérante. Il se déplaçait beaucoup, peut-être plus que la plupart des artistes. Il était difficile pour les artistes à l'époque de déménager parce qu'ils ne pouvaient vraiment exercer leur art que dans la ville où ils étaient résidents permanents.


Au moment où Bermejo se rendait dans une autre ville, il devait faire équipe avec un peintre local, si bien que le peintre local serait pour lui une sorte de garant.


On pense généralement qu’il pourrait avoir été un " converso ", un Juif converti au Christianisme, et que sa carrière itinérante est en quelque sorte liée à l‘inquisition qui persécutait les Juifs et les conversos précisément durant cette période. Il peut ne pas avoir été un converso de la première génération ; cela pourrait avoir été un parent ou même un grand-parent.


La raison qui nous amène à penser qu’il a pu l'être n’est pas juste sa carrière itinérante, mais il est fortement lié à des conversos connus ; l’un était sa femme. D’après l’un des rares documents que nous avons concernant sa vie, nous savons que sa femme avait été traduite devant l’Inquisition et jugée, si vous préférez, pour ne pas connaître sa foi au-delà de la deuxième ligne. A cette époque, il n’y aurait pas eu de mariages mixtes, il semble donc très probable que Bermejo lui-même était aussi un converso.

 
" Pietà Desplà ", 1490, de Bartolomé Bermejo. Huile sur panneau de peuplier, 1.68 m sur 1,89 m (avec cadre). (Guillem F-H / Cathédrale de Barcelone)


Dans le dernier tableau documenté de Bermejo, "Desplà Pietà" (1490) de la cathédrale de Barcelone, l'archidiacre du tableau est Lluís Desplà, le donateur qui a commandé l'œuvre. Il était basé à Barcelone et était un farouche opposant à l'Inquisition, donc on pense qu'il a pu fournir à Bermejo une sorte de protection à Barcelone et lui a certainement donné d'autres commandes, y compris la conception de vitraux.


Une autre chose étrange à propos de Bermejo, d'après le peu que nous connaissons, il semble qu'il travaillait principalement pour une clientèle privée, et non pour des monastères ou de grandes églises.


Peut-être est-ce aussi le signe qu'il était un converso. Je pense aussi que son style de peinture vraiment unique a probablement séduit des particuliers.


 
" Résurrection ", vers 1470-1475 par Bartolomé Bermejo, Huile et or sur panneau en pin, 0,90 m par 0,62 m (Musée National d’Art de Catalogne 2019


 
"Ascension", vers 1470-1475 par Bartolomé Bermejo. Huile et or sur panneau de pin, 0,90 m par 0,62 m. (Musée National d'Art de Catalogne 2019)


The Epoch Times: J'ai lu qu'il était l'un des meilleurs portraitistes d'Espagne. Pouvez-vous s'il vous plaît, nous en dire plus à ce sujet ?

Letizia Treves : Le portrait n'était pas une spécialité des artistes espagnols du XVe siècle. Je pense qu'il y a un document qui dit que le roi et la reine d'Espagne se plaignaient qu'ils ne pouvaient pas trouver de portraitistes décents en Espagne. Ils ont dû les faire venir d'ailleurs en Europe.


Je pense que ce qui est si étonnant chez Bermejo, c'est que ses personnages et ses portraits sont exceptionnels. Ceux-ci sont intégrés dans un travail dévotionnel. Quand on les fait exploser comme des détails, ils fonctionnent comme des portraits autonomes, mais ils fonctionnent aussi de manière très importante dans chacun de ces trois chefs-d'œuvre : le "Desplà Pietà", le "Triptyque de la Vierge de Montserrat" et "Saint Michel triomphant du diable avec le donateur Antoni Joan". Le donateur est très présent physiquement devant la figure religieuse à laquelle le retable ou le tableau a été dédié.


Le "Triptyque de la Vierge de Montserrat " (probablement de 1470-1475) a été spécialement peint pour le marchand de drap italien, Francesco della Chiesa, qu'on voit à genoux dans le tableau. Le tableau a été accroché à Valence, mais à sa mort au début du XVIe siècle, il a été renvoyé à sa famille dans le nord de l'Italie à Acqui Terme, où il se trouve depuis.


 
" Triptyque de la Vierge de Montserrat ", probablement de 1483-1484, de Bartolomé Bermejo. Huile sur panneau de chêne, 1,56 m par 1 m (panneau central) ; 1,56 m par 0,49 m (panneaux latéraux). (Musée National du Prado, Madrid / Diocèse de Acqui-Cattedrale N. Signora Assunta, Acqui Terme)


En fait, ce qui est charmant, c’est que l’une des ailes de ce triptyque est actuellement endommagée par les flammes des bougies. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans l’aile gauche se trouve un endroit où il a été brûlé par les flammes des bougies allumées devant le tableau. Mais cela vous rappelle que ces objets étaient des objets dévotionnels; ils étaient utilisés. Les donneurs se seraient agenouillés devant eux et auraient prié.


De même, la " Pietà Desplà " de la cathédrale de Barcelone a été peinte pour la chapelle de Desplà dans sa maison attachée à la cathédrale. Elle est maintenant accrochée dans la cathédrale elle-même, dans la pièce où se trouve la tombe de Desplà. Elle est donc toujours très liée au lieu pour lequel elle a été peinte. Je dois dire qu’il a fallu user de persuasion pour convaincre la cathédrale de Barcelone de l'envoyer à Londres. Elle n'avait jamais été envoyée à l'étranger.


La "Pietà Desplà " et le "Triptyque de la Vierge de Montserrat " n’ont jamais été vus au Royaume-Uni.


Je pense personnellement que l’une des choses les plus réussies de l’exposition, et l’une des choses dont je suis le plus fière, est que parfois, moins, c’est plus. Vous pouvez en dire tellement avec trois chef-d’oeuvre majeurs. Je pense qu'avec ces trois tableaux (la " Pietà Desplà ", " Le triptyque de la Vierge de Montserrat " et "Saint Michel triomphe du diable "), vous voyez vraiment une trajectoire dans les œuvres de l'artiste, mais vous pouvez aussi voir ce qu’il tente de réaliser dans chaque tableau.


Je pense qu’il est quelqu'un de très singulier en Espagne. Il est extrêmement difficile à cataloguer. J’ai trouvé fascinant de travailler sur Bermejo parce que je me suis rendue compte qu’il n’y a à cette époque en Espagne personne qui lui ressemble.


Pour en savoir plus sur "Bartolomé Bermejo : le Maître de la Renaissance Espagnole " à la Galerie nationale de Londres, visitez le site NationalGallery.org.uk


Cet interview a été édité pour plus de clarté et de concision.

Traduit de l'anglais :
https://www.theepochtimes.com/the-brilliance-of-bartolome-bermejo-master-of-the-spanish-renaissance_3012205.html

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