La radio en ondes courtes, seul média non censuré en Chine

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Nde : Cet interview de la Grande Epoque fait suite à l'intention exprimée de Radio France Internationale de couper ses diffusions en ondes courtes en direction de la Chine pour ne plus être disponible que sur Internet et montre comment dans un pays où la liberté d'expression n'existe pas, la radio en ondes courtes reste le seul moyen d'information non censurée.

Michel Wu, ancien rédacteur en chef à RFI et chef du service en mandarin, et Marie Chen, représentante en France de la radio Sound of Hope, radio libre qui émet en ondes courtes en Chine répondent aux questions de la journaliste


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LGÉ : Sound of Hope diffuse ses programmes en région parisienne1 mais aussi en Chine par les ondes courtes. Marie Chen, pouvez-vous nous présenter cette radio ?

Marie CHEN : Sound of Hope est une radio libre qui établit un pont entre les cultures de l’Orient et de l’Occident. Nous diffusons une information objective défendant les valeurs de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme.

SOH couvre effectivement presque toute la Chine par les ondes courtes et moyennes surtout les petites et moyennes villes et les zones rurales.

Nous diffusons globalement 24h/24 en direct en langue chinoise. Notre force : nous avons des journalistes dans de nombreux pays et la diffusion se fait selon les horaires diurnes des différents pays d’Est en Ouest. Par exemple, Taiwan, pendant la journée, diffuse sur l’actualité taïwanaise puis lorsque le jour se lève, ici en Europe, on prend le relai sur l’actualité européenne.

En plus du mandarin, nous diffusons aussi en coréen, en anglais, en allemand, en espagnol et en français.
 
LGÉ : Par quel moyen obtenez-vous les infos de Chine ?

Marie CHEN : Nous obtenons des informations de première main car ce sont les Chinois qui, au péril de leur vie, nous renseignent sur l’actualité par téléphone. Les mouvements sociaux par exemple sont innombrables. Les gens nous appellent et nous rapportent les faits.


LGÉ : Le régime n’a-t-il pas essayé de brouiller les ondes ?

Michel WU : Brouiller une radio coûte presque aussi cher que d’en créer une. Il y a maintenant une vingtaine de radiodiffuseurs vers la Chine. S’ils veulent brouiller toutes les radios, ils peuvent alors oublier leurs chaînes nationales. La radio est le moyen le plus efficace.

Quand j’étais enfant, pendant l’occupation japonaise, souvent après le dîner, mes parents m’envoyaient jouer. Ils ne me donnaient pas d’explication. Alors un jour, par la fenêtre, – à cette époque les fenêtres n’étaient pas vitrées, elles étaient fermées par du papier – j’ai fait un petit trou et j’ai pu observer mes parents l’oreille collée à la radio. Plus tard, j’ai compris qu’ils écoutaient Voice of America. J’avais été très marqué à cette époque.

L’internet est contrôlé, on peut savoir facilement ce que font les internautes. La radio, c’est génial, c’est le plus grand espoir !


LGÉ : L’audience de SOH augmente de façon exponentielle. Quelles sont les réactions de vos auditeurs ?

Marie CHEN : En effet, nous avons enregistré une très forte augmentation l’année dernière, et cela sans compter l’internet. Nous estimons 200 à 300 millions d’auditeurs en Chine continentale, toutes couches sociales confondues.

Le commentaire qu’on entend le plus souvent de la part de nos auditeurs c’est : ‘Vous êtes notre seul espoir. Vous êtes notre lumière’. Chaque jour, nous recevons un nombre considérable de réactions : ‘Vous nous représentez, vous êtes notre voix à l’extérieur’. ‘C’est grâce à vous que nous existons’. ‘Nous espérons que dans un futur proche vous pourrez être basés en Chine’. ‘Je vous écoute chaque jour et j’aimerais bien vous envoyer de l’argent pour vous aider mais c’est très difficile ici’.

Récemment un capitaine au long cours a entendu l’éditorial des Neuf commentaires sur le Parti communiste chinois diffusé sur la radio. Dès qu’il est descendu dans un port, il a cherché à se le procurer et il a rapporté toutes ces informations à ses proches et à ses collègues.

LGÉ : Quel genre de programmes diffusez-vous ?

Marie CHEN : Nous diffusons des programmes sur la politique et l’économie de la Chine. Nos experts chinois, taïwanais, occidentaux décortiquent les chiffres donnés par Pékin et dressent leur propre analyse de la situation. Ces experts sont majoritairement des Chinois qui ont vécu en Chine et qui donnent un point de vue tellement différent. Des dissidents qui ont souffert du régime interviennent aussi sur nos ondes et font part de leur vécu.

Michel WU : SOH a été créée par des Chinois qui ont fait leurs preuves. Ils ont maintenant des dizaines de millions d’auditeurs en Chine. Moi j’écoute souvent Sound of Hope sur le site web, c’est la seule radio chinoise qui parle de la situation en Chine sans aucune gêne. C’est cela le plus important car tout le monde veut entendre des informations objectives et véridiques. Quelles que soient les idéologies, les différents points de vue, nous ne voulons que la vérité ! Nous les Chinois, en avons assez de cette propagande  de Pékin. Je recommande vivement SOH.

LGÉ : Dans quel contexte Sound of Hope a-t-elle été créée ?

Marie CHEN : La radio SOH a été créée en 2003 à Los Angeles par quelques personnes qui pratiquent le Falun Gong. Ils n’y connaissaient rien en technique, et n’avaient pas d’argent mais ils avaient la volonté d’informer les Chinois de Chine. La volonté de tous a été de combattre pour une bonne cause : informer sur la répression du Falun Gong en Chine et pour la liberté d’information car le peuple chinois est tellement noyé dans cette propagande que beaucoup pensent que les médias d’État disent la vérité. Alors on a loué un créneau de quelques heures sur les ondes et petit à petit nous avons pu diffuser vers la Chine et informer les Chinois.

Michel WU : Moi j’ai fait une enquête à ce sujet. De mauvaises langues pourraient dire que SOH est une radio de Falun Gong. Mais Falun Gong, c’est quoi ? j’ai fait plusieurs années d’enquête à titre de journaliste. Falun Gong c’est une communauté, la communauté qui a le plus souffert de persécutions politiques en Chine. Le reste n’est que mensonge. J’ai rencontré beaucoup de pratiquants de Falun Gong qui sont des intellectuels de haut vol, ce sont des gens honnêtes que le Parti ne peut ni acheter ni corrompre. Jamais un groupe n’a connu une telle persécution, cela fait dix ans et cela perdure !

Sound of Hope a réussi car c’est la radio qui diffuse le plus d’interviews obtenues directement depuis la Chine.


LGÉ : Comment travaillent les journalistes de Sound of Hope depuis la Chine quand on sait les risques encourus à communiquer par téléphone ?

Marie CHEN :  Ils font un travail extraordinaire. Chaque jour, ils risquent leur vie. Ils se portent volontaires et gardent l’anonymat. Il y a aussi de nombreux Taïwanais qui téléphonent en Chine et qui s’informent auprès des Chinois sur ce qui se passe dans les localités, les régions. C’est comme cela que l’information sort de Chine.

Puis, lorsque les informations sont rediffusées sur les ondes courtes, la Chine du Nord apprend enfin ce qui se passe au Sud de la Chine. Le peuple chinois a évolué. Ils ne veulent plus écouter la propagande, ils attendent une information objective et véridique.

Michel WU : Je vous donne un exemple récent : avant et après le Nouvel An, les Chinois ont crié un slogan public à Shanghai et à Canton : ‘À bas le communisme !’. Les radiodiffuseurs internationaux ont-ils le droit de répercuter cette vérité ? S’ils le font, ils risquent d’être rappelés à l’ordre par le Quai d’Orsay ! SOH ne se préoccupe pas de cela, SOH diffuse l’information. Sans cela, vous manquez à votre devoir de journaliste !

Les radiodiffuseurs internationaux doivent évoluer avec le temps et retrouver un point d’équilibre entre pragmatisme et idéalisme. Au niveau de la rédaction, on doit continuer à déployer nos efforts en ne considérant pas ce poste comme un gagne-pain. Il ne faut pas oublier que des Chinois, nos compatriotes, souffrent là-bas. Chaque jour ils attendent qu’on leur apporte les informations dont ils ont besoin. Il faut renforcer la discipline, renforcer la rigueur et se mettre en garde contre le harcèlement politique du pouvoir de Pékin. Le régime a déployé, redéployé de grands efforts pour essayer de racheter certains médias de l’Occident. Les radiodiffuseurs qui diffusent en Chine n’échappent pas à leur emprise. Tous les rédacteurs doivent être conscients qu’un jour ou l’autre, ils risquent d’être abordés par des agents de Pékin qui font pression en les écartant de la bonne voie, en leur demandant d’utiliser la propagande au lieu de faire un bon reportage.

Ainsi, il m’est arrivé en 2001 d’être invité à prendre un café par un conseiller de l’ambassade de Chine à Paris. Il m’a remis un sac rempli de documents de propagande contre le Falun Gong afin que je contribue à discréditer le mouvement.

L’émission en ondes moyennes de RFI en Ile-de-France, elle est supprimée, on n’en parle plus. Mais pour les ondes courtes en Chine, il faut retrouver, surtout à la lumière de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont la France est signataire, un nouveau point d’équilibre et surtout ne pas abandonner, car c’est la meilleure façon de soutenir le peuple chinois. En ayant à cœur les valeurs humaines, il faut continuer à faire des efforts, ne pas considérer les métiers du journalisme comme un gagne-pain mais faire consciencieusement le travail en étant très vigilant contre l’intervention et l’ingérence des agents de Pékin.


Pour en savoir plus : http://soundofhope.org

Lire l'article en entier : http://www.lagrandeepoque.com/LGE/content/view/6044/105/

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