Le 9 février, 2001
Andrew Mitrovica
Jeff Sallot
Les officiers fédéraux du service de contre espionnage disent qu'ils ont découvert un complot bien-financé par le gouvernement chinois visant à secrètement museler la critique du record des droits de l’homme de Beijing dans les media d’informations de langue chinoise au Canada, au lendemain du massacre de la Place Tiananmen de 1989.
Le complot, impliquant les investisseurs par procuration essayant d'acheter le contrôle des sorties médiatiques de langue chinoise, semble avoir eu peu de succès, si on en juge par la couverture indépendante de la plupart de ces journaux et radio-diffuseurs, disent les sources de contre espionnage.
Néanmoins, les officiers disent que des informateurs et des écoutes téléphoniques ont révélé l’ image troublante et détaillée d'un pouvoir étranger qui essaie secrètement de manipuler les débats politiques parmi les Canadiens de descendance chinoise.
D’autre part, les officiers disent que leur rapport hautement secret fut ridiculisé et enterré par d'autres branches du gouvernement fédéral en 1994, l’année même où le Premier Ministre Jean Chrétien lança son importante campagne d’amélioration des relations économiques avec Beijing.
Gordon Smith, le Ministre délégué aux Affaires Étrangères de l’époque, se rappelle le rapport de l’Intelligence service de la Sécurité Canadienne. " Je l'ai pris au sérieux et je l'ai trouvé plausible." Mais la Chine n'était pas le seul pays à faire de telles choses, a -t-il dit.
Les inquiétudes du CSIS à propos des tentatives de Beijing de contrôler les médias de langue chinoise sont bien fondées, selon plusieurs membres haut placés de la communauté canadienne-chinoise.
Michael To, le représentant canadien du Conseil Mondial des Organisations Chinoises Pro-démocratiques, indique le cas de deux anciens journalistes d’un journal de la communauté Chinoise à Ottawa qui ont été forcés de démissionner après que l'Ambassade Chinoise se plaint au sujet des articles qui critiquaient le record (des abus) des droits de l’homme de Beijing.
Le CSIS est tenu par la loi d’enquêter sur les tentatives clandestines de puissances étrangères d’ influencer les événements au Canada. Les officiers de CSIS ont senti que les activités secrètes du gouvernement chinois pour contrôler la couverture des journaux de langue chinoise et la diffusion d’informations étaient clairement sous mandat de l'agence.
Le rapport secret de 1994 fut le résultat d’ années de travail par le CSIS du bureau chinois et impliquait une petite équipe d’officiers à Ottawa et dans plusieurs autres villes. Le CSIS a rassemblé beaucoup d’informations de sources humaines, a examiné des états de comptes bancaires et a conduit des écoutes téléphoniques. Les officiers étaient satisfaits d’avoir la preuve que Beijing se servait de myriades de compagnies mandataires et de riches expatriés chinois afin de manigancer un contrôle des opérations médiatiques, ont dit les sources de contre intelligence.
Le rapport incluait " l’évidence irréfutable, incluant les opérations bancaires prouvant que [ les agents de Beijing] étaient fortement impliqués dans l’achat systématique des médias (de langue chinoise) du Canada ", a dit un certain vétéran de l’investigation.
L’investigation était si délicate que la vie-même des informateurs de l’agence a souvent été menacée pendant l’enquête prolongée, ont dit les sources.
Le gouvernement chinois n'était pas intéressé à convertir les sorties des médias en outils manifestes de propagande pour le régime Communiste dirent les sources. Mais plutôt, Beijing voulait empêcher les médias de langue chinoise au Canada, qui touchent des centaines de milliers de Canadiens chinois, de critiquer le régime, en particulier après le massacre de la Place Tiananmen.
Un agent de la contre intelligence a dit que Beijing utilisait souvent des procurations pour assurer un contrôle sur les médias de langue chinoise dans les pays étrangers. Les agents travaillant pour le gouvernement chinois approchaient les riches hommes d'affaires chinois, favorables au régime, pour l’achat des sorties médiatiques, a expliqué un vétéran du CSIS
En fait, en 1993, on rapportait que Chinavision, une station de télévision par câble à Toronto aujourd’hui désuète et consacrée à la programmation en langue chinoise, avait des liens avec Beijing. Les rapports financiers indiquaient que Chinavision avait reçu au moins $300.000 de compagnies basées en Chine pour l'achat de matériel.
En ce temps-là, un ancien cadre supérieur allégua que la station de télévision s'alignait avec le régime communiste et recevait les conseils du département de propagande de Beijing.
Une source du contre espionnage a dit que le CSIS fit une " représentation " à la Radio-Télévision canadienne et à la Commission des Télécommunications à propos des liens en question de la Chinavision avec Beijing. Cependant, un porte-parole pour le régulateur de la diffusion a dit que les cadres de la station ne pouvaient pas se rappeler si le CSIS les avait mis au courant .
Les concurrents de Chinavision ont bien mis le CRTC au courant des allégations " de rapport d'affaires financières douteuses " impliquant la populaire station de télévision de langue chinoise, a dit le porte-parole du CRTC, M.Denis Carmel.
Joe Chan, directeur -général du groupe de médias Fairchild, qui fait marcher quatre stations radio de langue chinoise et une station de télévision dont l’audience hebdomadaire globale touche environ 300.000 canadiens a dit que la compagnie avait acheté Chinavision après que celle-ci soit déjà en faillite en 1993. M. Chen a dit qu’il avait entendu '"des rumeurs d’industrie " que Chinavision aurait pu avoir reçu de l'argent de sociétés liées à Beijing au début des années 90. " Nous avons entendu parler de cela... quand Fairchild essayait à l’époque de s’emparer de Chinavision."
Cependant, M. Chan a dit qu'il ne pouvait trouver aucune preuve pour soutenir ces allégations. " Il est difficile de trouver la preuve. Nous sommes des hommes d'affaires prudents. Nous ne nous inquiétons pas vraiment de ce qu'ils ont fait dans le passé, " a-t-il dit.
Un vétéran du CSIS a dit que l’enquête de l'agence a démontré que l’Ambassade de Beijing d’Ottawa essayait d’exercer un certain contrôle sur les journaux de petites communautés en récompensant ceux considérés comme« amicaux » envers le régime, en faisant de la publicité pour de futurs événements d’échanges culturels, et en retirant les annonces des journaux qui publiaient des histoires critiquant la politique des droits de l’homme en Chine.
L’éditeur en chef et l’assistant éditeur des Nouvelles des CommunautésChinoises Canadiennes, un journal bi mensuel avec une circulation d’environ 6,000 lecteurs, furent tous deux renvoyés de leur poste par les directeurs de l’Association Communautaire Chinoise d’Ottawa en octobre 1998.
Anton Cheng, alors président de l’association, a dit que la dispute concernait les finances du journal. Mais le compte rendu d’un conseil d’administration durant lequel l’éditeur et l’assistant furent congédiés—et le souvenir de ceux qui y étaient présents—indiquent que les finances n’étaient pour rien dans le renvoi.
Le compte-rendu montre que l’Ambassade chinoise s’était plainte à l’association des nombreux articles dans le journal qui avaient critiqué les politiques de Beijing.
M. To du Conseil Mondial des organisations chinoises Pro-démocratiques a dit que les mises à pieds des journalistes sont des exemples clairs des tentatives de Beijing d’interférer dans les événements politiques au Canada.
Mais le gouvernement fédéral a peur d’apostropher Beijing là-dessus car il tente de promouvoir le commerce avec Beijing, d’ajouter M. To.
Sean Rowan, un porte-parole du Département des Affaires Étrangères et du Commerce International a dit que le Canada tente de fait de promouvoir le dialogue sur les droits de l’homme avec la Chine et croit que les conditions des citoyens Chinois s’améliorent avec la croissance de l’économie.
Bob Ip, un éditeur de la ville ayant le journal de langue chinoise le plus populaire Sing Tao, a dit que si Beijing s’implique en essayant d’influencer toute couverture nouvelle, alors il ne fait que refléter les actions des gouvernements occidentaux. "Il [le gouvernement chinois] ne fait qu’imiter ce que font les autres gouvernements. Ils essaient constamment de se faire valoir par l’entremise des nouvelles médiatiques."
Alvin Liu éditeur du Journal Mondial, un quotidien de langue chinoise, avec une circulation de 60.000 au Canada, a indiqué que son journal n'a pas été contacté directement ou indirectement par Beijing pour lui faire changer ses reportages. Mais, les petits journaux hebdomadaires apprécient souvent des relations avec les diplomates chinois au Canada, a-t-il dit. " Quand cela concerne des sujets chinois, ils rechercheront les consultations, voir même les instructions, du consulat chinois. "
M. To a dit que le CSIS était plus actif dans la surveillance des activités de diplomates chinois au Canada depuis le massacre de 1989 qu’il ne l’était après l’arrivée au pouvoir des Libéraux en 1993.
Dan Lambert le porte-parole du CSIS a dit que l’agence est dans une meilleure position que M. To pour juger de ce qui constitue une menace à la sécurité nationale et si le CSIS fait son job correctement. Mais, si M. To a une plainte, il devrait aller au Comité de Révision des Renseignements pour la Sécurité, un comité de chiens de garde établi par le Parlement a dit M. Lambert
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