Le 5 décembre 2001
BBC Monitoring
Le gardien international des médias Reporters sans frontières (RSF) a demandé au gouvernement de Jiang Zemin d’arrêter d’intimider les journalistes étrangers qui tentent de faire des reportages sur le mouvement spirituel Falun Gong, qui est interdit en Chine. Depuis que la Chine a promis de laisser les journalistes travailler librement pendant les Jeux Olympiques de 2008 à Beijing, le secrétaire général de RSF Robert Ménard a dit que les autorités devraient cesser d’arrêter les correspondants étrangers. Avant la prochaine session de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, RSF a dit qu’il ferait appel au rapporteur spécial pour la liberté d’expression afin de dénoncer l’attitude des autorités chinoises envers les journalistes étrangers. Ce qui suit est le texte d’un communiqué de presse en anglais par RSF, daté du 4 décembre, sous-titré comme rapporté :
Le 20 novembre 2001, Jutta Lietsch, correspondante du journal allemand Leipziger Volkszeitung et collaboratrice au quotidien Tageszeitung, Wen-chun Fan, caméraman de la chaîne de télévision CNN, Stefan Niemann, correspondant à la chaîne de télévision ARD à Beijing et son assistant ont été détenus et interrogés par la police alors qu’ils couvraient la démonstration des 35 disciples occidentaux du mouvement spirituel Falun Gong sur la place Tiananmen à Beijing. L’équipement du caméraman a été saisi. Les autorités ont accusé les trois journalistes de ne pas avoir demandé d’autorisation pour faire ce reportage. Ils ont été relâchés deux heures plus tard, mais leur matériel, particulièrement leurs films, cartes de presse et permis de séjour ne leur ont pas été rendus. Jutta Lietsch a été invitée au Ministère des Affaires Etrangères dans l’après-midi, où on lui a dit que les autorités ne tiendraient pas compte de leur offense si les journalistes ne rapportaient pas les événements dont ils avaient été témoins. Suite à l’article publié dans la presse allemande, les autorités ont qualifié le correspondant d’ARD de « fauteur de trouble » et menacé de lui confisquer sa carte de presse pendant deux mois, afin de l’empêcher de travailler. Les autorités ont également saisi la carte de presse du journaliste de CNN Wen-chun Fan pour deux mois. Elles ont également pris des mesures semblables contre Stefan Niemann.
Reporters Sans Frontières (RSF) a protesté contre cet interrogatoire et ces menaces, et contre la façon qu’ont les autorités chinoises d’essayer d’empêcher les journalistes étrangers de faire des reportages sur les activités du Falun Gong.
Pendant les deux dernières années, les autorités chinoises ont tracassé les journalistes qui enquêtaient sur cette organisation criminalisée par le gouvernement. Le 22 juillet 1999, les autorités de Beijing ont interdit le mouvement spirituel après l’avoir inculpé de [terme calomnieux par le régime de Jiang Zemin omis]. En 28 mois, la répression lancée par le gouvernement a causé, selon le Falun Gong, la mort d’au moins deux cent cinquante personnes et la détention de cinq cent milles personnes, pour des périodes variables. Depuis le début de l’année 1999, les correspondants de la presse étrangère en Chine ont été intéressés par le phénomène du Falun Gong, un mouvement inspiré par le Taoïsme, le Bouddhisme et aussi par la méditation traditionnelle chinoise, le Qi gong. La pleine attention des médias s’est focalisée dessus depuis la démonstration du 25 avril 1999, quand des milliers de disciples du Falun Gong ont envahi le siège du gouvernement central à Beijing.
Depuis que la campagne d’éradication a été lancée contre le Falun Gong par les autorités, les journalistes étrangers ont eu systématiquement des bâtons dans les roues sur ce sujet. Des photographes et des caméramen étrangers ont été empêchés de travailler sur et autour de la place Tiananmen où des centaines de disciples du Falun Gong ont fait des démonstrations les années passées. Selon les estimations de RSF, au moins 50 représentants des médias ont été interrogés. Certains d’entre eux ont été battus par la police. Les correspondants qui ont essayé de couvrir les activités du mouvement interdit ont eu des ennuis avec les services de sécurité. En dernier lieu, beaucoup de disciples de Falun Gong ont été emprisonnés parce qu’ils avaient été interviewés par des journalistes étrangers.
La police est toujours présente aux alentours de la place Tiananmen, prête à interroger tout photographe ou caméraman qui pourrait tenter de prendre quelques photos de disciples faisant pacifiquement des démonstrations contre l’interdiction de leur mouvement.
Les témoignages obtenus par RSF des correspondants de presse étrangers sont accablants pour les autorités chinoises.
Menaces et filatures
Le 28 octobre 1999, le Falun Gong a décidé d’organiser une conférence de presse secrète pour quelques médias internationaux. Une douzaine de journalistes étaient présents, parmi eux des agences de presse étrangères. Les orateurs du Falun Gong ont eu suffisamment de temps pour expliquer la nature de leur mouvement et dénoncer la répression à laquelle ils sont soumis. Le jour suivant, les médias dans le monde entier ont rapporté cette conférence de presse – une véritable humiliation pour les services de sécurité chinois qui voulaient se venger. La police chinoise a détenu cinq correspondants de la presse étrangère et saisi leurs cartes de presse. Durant de longs interrogatoires, ponctués par des menaces, les journalistes ont été accusé de fabriquer des « reportages illégaux ». Ils ont été forcés à signer une lettre dans laquelle ils reconnaissaient avoir travaillé illégalement. Durant les mois suivants, la majorité des journalistes étrangers intéressés par le Falun Gong ont été filés, interrogés et souvent menacés. Un correspondant d’un quotidien américain se souvient : « J’étais constamment suivi. Parfois de loin, parfois de près. Les policiers étaient très agressifs. Je ne pouvais même pas travailler ou rendre visite à des amis, parce que je craignais que ça ne leur cause des problèmes. On surveillait constamment mes contacts et il m’était impossible de rencontrer des membres du Falun Gong par crainte qu’on les arrête. » Un autre journaliste basé à Beijing a dénoncé ces pratiques qui le forçaient toujours à « quitter la maison par la porte de derrière, louer un taxi et vérifier mille fois si nous n'étions pas suivis avant de rencontrer quelqu’un. »
Transmettre des informations, particulièrement aux journalistes étrangers travaillant à Beijing, a également été la cause de nombreuses arrestations de disciples. Zhan Xueling, citée dans une série d’articles écrits par Ian Johnson, correspondant à Beijing du Wall Street Journal, a été arrêtée par la police le 24 avril 2001. Elle a été condamnée à trois ans de camp de travail quelques semaines plus tard. Le journaliste du quotidien américain a rapporté dans un article, récompensé par le Prix Pulitzer, que la jeune femme accusait la police de la province de Shandong (dans l’est du pays) d’avoir battu à mort sa mère, également pratiquante de Falun Gong. Ian Johnson ne confirme pas que l’arrestation de Zhang Xueling était liée à son article, mais il est sûr qu’après avoir reçu le Prix Pulitzer pour ses articles sur le Falun Gong, « la police chinoise voudrait plutôt lui rendre la vie impossible à Beijing. » Il est maintenant correspondant à Berlin.
Gu Linna, un membre du Falun Gong, a été condamnée à quatre ans de prison pour avoir transmis des informations aux journalistes étrangers au sujet d’une centaine de membres forcés à subir un internement psychiatrique. Cette ancienne présentatrice de la chaîne de télévision de la province du Hebei a également pris part à l’organisation de conférences de presse pour les journalistes étrangers.
Interrogatoire et violence
Durant les deux dernières années, des dizaines de journalistes, parmi lesquels des photographes et des caméramen d’agences de presse, ont été interrogés par la police alors qu’ils tentaient de couvrir les activités du Falun Gong à Beijing. Environ vingt journalistes de l’AFP ont été arrêtés par la police. AFP, Reuters, AP et CNN ont tous été éjectés de la place plus ou moins violemment ou exposés à devoir défiler dans les fourgons de police convertis en poste de police mobiles. La presse étrangère est donc "« persona non grata » sur et autour de la place Tiananmen.
Un photographe d’une agence de presse étrangère à Beijing, natif de Chine, est systématiquement chassé de la place Tiananmen. Un journaliste français d’une agence de presse, interrogé en 2000 sur la place Tiananmen, a été privé de sa carte de presse pendant plus de dix jours.
Un photographe d’une agence de presse rapporte : « Pour les premières démonstrations, nous avons décidé d’être présents en permanence dans le coin. Nous faisions des tournus. Aussitôt qu’un groupe de Falun Gong commençait une démonstration, les policiers regardaient s’il n’y avait personne avec un appareil photo ou vidéo. Vous deviez être rapides pour éviter l’interrogatoire. Quand ils vous attrapaient, ils ouvraient d’abord votre matériel et vous prenaient votre carte de presse. Si vous aviez de la chance, ça ne durait que quelques heures, ou alors plusieurs semaines. En tout cas, ils vous empêchaient de travailler. » En juin 2001, Steven Shaver, un photographe d’AFP, a été interrogé et frappé par les policiers pendant le concert ‘Les trois ténors’ en faveur de la candidature de Beijing aux Jeux Olympiques de 2008, alors qu’il était en train de photographier l’arrestation d’une personne par la police. Comme d’habitude, les autorités chinoises ont retenu contre lui les charges de « travail illégal ».
De la même façon, Teresa Bergada, journaliste à une station de radio espagnole Radio Catalunya, a été détenue et frappée par la police en 2000, après avoir pris des photos de l’arrestation de membres du Falun Gong à Beijing. L’ambassade espagnole a dû intervenir pour assurer la libération de la journaliste.
Des équipes de télévision qui avaient décidé de prendre des images de la répression contre le Falun Gong ont fait face à un autre problème. La chaîne de télévision du gouvernement, Télévision Centrale de Chine (CCTV), la seule chaîne ayant l’autorisation d’envoyer des images par satellite, a bloqué la transmission d’images concernant le Falun Gong, sur l’ordre des autorités.
Répression contre le Falun Gong
Depuis 1999, le Falun Gong a utilisé des techniques modernes pour communiquer. Des rencontres et des démonstrations ont été organisées au moyen de téléphones mobiles et d’e-mails. Le Falun Gong a lancé des sites web et des stations de radio à l’étranger. Les autorités ont réagi très violemment en essayant de prendre des mesures punitives contre ceux qui transmettaient l’information et pour empêcher les disciples de contacter les autres groupes à l’étranger. Depuis environ deux ans, les sites web du Falun Gong sont interdits en Chine et les visiter est passible d’une peine de prison.
Les mauvais traitements attribués aux forces de sécurité ont causé la mort d’au moins deux membres du Falun Gong qui ont pris part à la diffusion ou à la copie d’informations sur le groupe tirées d’Internet. Le 27 juin 2001, Li Changjun est mort après avoir été torturé par la police en prison. Il avait été arrêté le 16 mai pour avoir téléchargé et imprimé des documents Internet sur le Falun Gong. Selon le Centre d’Information sur les Droits de l’Homme et la Démocratie, basé à Hong Kong, Li Changjun, âgé de 33 ans, travaillait pour le centre des impôts de Wuhan, dans la province du Hubei (Chine centrale) et avait déjà été arrêté plusieurs fois parce qu’il préservait sa qualité de membre avec le groupe, comme les autorités l’ont appelé. La mère de Li Changjun a dit que son fils était couvert de cicatrices et de vilaines contusions, que sa nuque et ses oreilles étaient violettes foncées et qu’il était anormalement maigre. Le 1er août 2001, Chen Qiulan, âgé de 47 ans, membre du Falun Gong, est mort d’une crise cardiaque au centre de détention de Daqing (province du Heilongjiang, nord-est du pays). Il avait été arrêté en juillet 2001 parce qu’il propageait des informations sur le mouvement sur Internet. D’autre part, le professeur Chang a été condamné à trois ans de prison pour avoir envoyé des informations à une station de radio du Falun Gong basée à l’étranger. On l’a trouvé coupable de « divulguer des secrets d’Etat ». En fait, il faisait un reportage sur la répression du mouvement.
Conclusions
Ces violations de la liberté de presse sont inacceptables. La détermination de la Chine à empêcher la presse étrangère de couvrir les activités et la répression du gouvernement sur le Falun Gong illustre parfaitement son refus de collecter les informations de manière indépendante. De cette façon, le Parti [nom du parti omis] chinois refuse à la presse étrangère le droit de couvrir les différences d’opinion, la corruption, le SIDA dans la province du Henan, les désastres naturels, le séparatisme tibétain et ouighour et enfin le Falun Gong.
RSF a demandé au gouvernement chinois d’arrêter ses intimidations contre les journalistes étrangers qui essaient d’informer l’opinion publique internationale sur la situation du Falun Gong en Chine. « La Chine s’est elle-même engagée vis à vis de la communauté internationale à laisser les journalistes travailler librement pendant les Jeux Olympiques de 2008 à Beijing. Les autorités devraient anticiper cette généreuse promesse et arrêter de gêner les correspondants de la presse étrangers » a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Avant la prochaine session de la Commission des Nations Unies sur les Droits de l’Homme, RSF fera appel au rapporteur spécial pour la liberté d’expression afin de dénoncer l’attitude des autorités chinoises envers les journalistes étrangers.
http://www.clearwisdom.net/emh/articles/2001/12/6/16562.html
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