Cain et Abel : Une parabole pour notre temps

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Caïn a commis le premier meurtre, mais il a choisi de faire le mal. "Caïn ou mon châtiment est plus grand que je ne peux supporter " (Genèse 4:13), vers 1899, par Edwin Roscoe Mullins. Glasgow Botanic Gardens, Kibble Palace. (CC BY-SA 4.0)


William Blake écrivait dans son poème “Auguries of Innocence,” (Augures d’innocence) :

    Tels naissent pour les délices,
    Tels pour nuit qui ne finisse. (traduction Pierre Boutang)


Le voilà, le mystère insondable qui a déconcerté l'humanité depuis ses débuts : Comment se fait-il que certains soient sauvés et que d'autres soient damnés ? Comment cela peut-il être juste ? Et pour être clair, ce n'est pas une question spécifiquement chrétienne. Toutes les religions orthodoxes (bien que certaines sectes tentent de s'y soustraire), d'hier à aujourd'hui, défendent l'idée qu'au moment de la mort, un jugement, puis une séparation, qui a des conséquences éternelles, survient. Les anciens Egyptiens le croyaient, et même les bouddhistes modernes le croient en ce sens que la réincarnation a lieu. Qu'est-ce que la réincarnation sinon une source de douleur et donc de punition ? Mais à notre époque moderne, si l'on croit en une vie après la mort - et en l'immortalité de l'âme - ce qui est le plus important, c'est "l'injustice" de cette situation : Dieu ne peut pas - et comment pourrions-nous croire en un dieu qui condamne les gens à l'enfer.


Il y a un sens profond dans cette opposition binaire : une vie positive contre une vie négative. Mais à quoi ressemble une vie positive ou négative ? Eh bien, nous avons des indices dans l'histoire archétypale de cette polarité du bon et du mauvais garçon dans le récit biblique d’Abel et de Caïn.


Caïn est le premier enfant d'Adam et Eve, le premier couple humain. Il est le premier meurtrier de l'histoire de l'humanité, et il a aussi la distinction douteuse d'être le troisième être humain à tomber directement sous la malédiction de Dieu à la suite de ses actes (sur les traces de ses parents, donc). Caïn a aussi la distinction d'être le premier être humain qui est né, par opposition à être créé directement par Dieu, et bien sûr son frère, Abel, par contraste, a été le premier humain à mourir.


Les premières funérailles

Il y a une merveilleuse sculpture de Louis-Ernest Barrias appelée "Les premières funérailles", qui capture toute la pitié et la tragédie de cette histoire : Adam porte le cadavre d'Abel dans ses bras, tandis qu'Eve, sa mère, se penche dans l’affliction et tente en vain de caresser les cheveux du jeune homme.


Adam et Eve tiennent leurs fils mort Abel. « Les Premières Funérailles, » 1878 par Louis-Ernest Barrias, Plâtre, Musée des Beaux-Arts de Lyon. (Domaine public)


Voici la première conséquence réelle de l'histoire qui a commencé dans l’Eden avec la consommation du fruit défendu. Et cela nous amène au problème plus profond, à savoir le problème du mal lui-même et pourquoi un soi-disant bon Dieu pourrait permettre au mal de se produire en premier lieu.


Répondre à cette question - ce qu'on appelle techniquement la théodicée - dépasse le cadre de ce court article, sauf pour dire, bien sûr, que c'est ce que la Bible entière (Ancien et Nouveau Testament) étudie du début à la fin ; la question, en fait, ne disparaît jamais. Pas à l'époque, pas maintenant. Abraham demande : "Le juge de toute la terre n'est-il pas juste ?" et Job : "Pourquoi les méchants vivent-ils encore ?" et même Ponce Pilate témoigne sans le savoir en demandant : "Qu'est-ce que la vérité ?


Le mal est donc un problème, un mystère même, qui nécessite une explication, et nulle part ailleurs plus qu'au premier meurtre de l'histoire de l'humanité : Pourquoi Cain tue-t-il son frère ? Pouvons-nous jamais être sûrs de son mobile ? Et si nous ne le pouvons pas, nous avons une situation analogue à celle d'"Othello" de Shakespeare où Iago commet des crimes terribles apparemment sans motif, et c'est peut-être le pire de tous les maux : son inutilité et sa malignité déterminée.


Cependant, bien que le mal soit inexplicable dans un sens profond, je pense que l'histoire de Caïn et Abel nous fournit des indices significatifs. Le premier est ce qui se passe quand Adam et Ève chutent pour la première fois. Ils prennent conscience qu'ils sont nus, c'est-à-dire sans protection, à découvert, totalement vulnérables. Et il est important de réaliser que cette nudité n'est pas seulement physique mais aussi spirituelle. Ils sont devenus exposés physiquement (ils vont maintenant mourir) et aussi spirituellement, parce qu'ils sont inconsciemment coupables d'un crime odieux qui a brisé l'ordre divin. Ils ont été chassés de l'Eden.


Alors, suivant la sentence de malédiction, le Seigneur Dieu "fit des vêtements de peau pour Adam et sa femme, et les en revêtit". C'est très soudain, comme ces textes épiques et anciens ont tendance à l'être, mais on peut se demander : d'où viennent ces "vêtements de peau" ? Eh bien, nous pourrions imaginer que Dieu est un magicien conjurateur : Hey, presto, voilà des vêtements de peau. Mais peut-être que dans cette compression narrative agile se trouve l'idée que la mort se produit maintenant dans l'Eden : Des animaux morts fournissent des vêtements de peau.


Mais ce qu'Adam et Eve comprenaient donc de cette expérience était le signe sûr de Dieu qu'il fallait "couvrir" le mal d'une certaine manière ; cette couverture, bien que physique, représente aussi symboliquement une couverture de leur crime spirituel. Mais comme ils ont perdu la vie physique, la mort d'un être vivant en les couvrant agit comme une sorte de substitut ou de paiement. Et notez que ce doit être une créature vivante, pas une couverture avec une feuille de vigne ou une autre sorte de végétation, car ce ne serait pas la même chose.


Si, maintenant, nous avançons rapidement au début du drame de Caïn et Abel, nous découvrons que Caïn offre à Dieu "le fruit de la terre", alors qu'Abel offre "les premiers-nés de son troupeau et de leurs parties grasses". L'offre d'Abel est acceptée, mais celle de Caïn ne l'est pas.


Que l'offrande de fruits de Caïn soit de son meilleur ou non (car le Midrash juif dit qu'Abel offrit le meilleur de son troupeau mais que Caïn ne présenta pas le meilleur de sa moisson), il reste que le sacrifice de Caïn devait échouer, car il ne tenait pas compte de ce que Dieu avait rendu clair en Eden : à savoir que la substitution pour couvrir leur crime ne pouvait venir de la végétation mais devait impliquer le sacrifice d'un animal vivant. En effet, dans pratiquement toutes les cultures primitives, nous trouvons le sacrifice animal


Le péché est accroupi

L'offrande de Caïn était un rejet délibéré de la révélation déjà faite. Et que Caïn était et est sans excuse est rendu clair par le fait que Dieu lui dit, après que Dieu ait rejeté son offrande (Genèse 4:7), que s'il fait ce qui est juste, son "visage sera relevé", mais s'il ne le fait pas, "le péché s'accroupit à la porte". Malgré cet avertissement explicite et direct, Cain continue à assassiner son frère et à aggraver le mal en le niant : "Suis-je le gardien de mon frère ?" Il commet donc trois péchés directs, en fait : l'offrande délibérément fausse, le meurtre proprement dit et le déni insensible.


“La mort d’ Abel,” (Gen. 4:8-9) 1865, par Gustave Doré. Illustration pour la Bible. (Domaine public)


Tout cela peut sembler lointain et obscur, mais comme tant de choses dans les textes sacrés, cela nous parle aujourd'hui. Comment ? Cela nous parle en ce sens que Caïn avait suivi son propre chemin. Le fait qu'un sacrifice à Dieu était nécessaire ne faisait pas de doute ; il le savait et il y répondait, mais il y répondait dans ses propres termes. Autrement dit, il a décidé de façonner sa religion selon ses propres désirs. Le sacrifice de l'animal était la bonne façon, mais il connaissait quelque chose de mieux.


En vérité, Caïn était un fils d'Adam et Ève en ce qu'eux aussi savaient mieux que Dieu. Ils voulaient être sages et ont donc ignoré l'avertissement et mangé le fruit. Caïn était sage - à ses propres yeux - et quand cette sagesse a été directement exposée comme orgueil par Dieu, il est devenu insensé avec une rage meurtrière contre son propre frère. Dans un sens, tuer Abel était un acte d'envie, et dans un autre c'était de la rancune : Si Abel était le préféré de Dieu, alors la mort d'Abel mettrait bientôt un terme à cela !


C'est ainsi que nous constatons également une profonde impiété à l'œuvre. Car l'idée qu'Abel puisse être séparé de Dieu par un acte de meurtre montrait que Caïn ne croyait ni à l'âme immortelle ni à la puissance de Dieu pour ressusciter les morts, ou plus simplement, comme Jésus le dit dans l'évangile de Luc, "Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants". Que dans l'éternité - au-delà du voile de la chair, le vêtement de la peau - on ne peut pas se perdre et Dieu est là.


Après que Dieu ait rejeté l'offrande de Caïn, Dieu met Caïn en garde contre l'injustice ; Caïn n'écoute pas Dieu. "Caïn et Abel", 1740, par Giovanni Domenico Ferretti. (Domaine public)

Liberté et conséquences

Et voici le dernier et vraiment révélateur aperçu de l'histoire. Malheureusement, tout le monde ne trouve pas Dieu dans cette vie ou dans la suivante, car toutes les religions ou croyances ne conduisent pas automatiquement à la même destination. L'histoire de Caïn et Abel nous montre comment la liberté de la volonté est profondément ancrée dans notre ADN, pour ainsi dire, et si cela n'était pas en soi un paradoxe ultime : l'ADN ne nous contraint-il pas ? Néanmoins, Cain avait un choix à faire et il l'a fait.


Dieu est parfaitement libre. Nous avons été créés parfaitement libres, bien que nous soyons tombés loin de cette perfection de la liberté ; mais tout cela signifie que nos actions ont des conséquences, des conséquences réelles. Nous pouvons, en fait, nous damner nous-mêmes, comme le savaient les anciens Egyptiens, les Grecs et tous les autres anciens. Il y a un endroit appelé l'enfer, aussi impopulaire que ce concept soit aujourd'hui, et nous pouvons nous y envoyer. Et nous le faisons en étant sages à nos propres yeux, et en croyant que nous savons mieux que les révélations sacrées du divin dans les écritures du monde entier, en étant nos propres législateurs, comme si nous savions.


Dans le monde que nous voyons maintenant tout autour de nous, les mouvements politiques s'engagent dans le drame de Caïn : Ils savent mieux que ce qui a été révélé auparavant sur la sagesse, la moralité et la spiritualité. Chaque homme et chaque femme est capable de construire sa propre utopie, et leur utopie collective. Le communisme, par exemple, est une forme particulièrement virulente de "Caïnisme", et là où il est pratiqué, il ne se trouve pas un seul Abel qui est assassiné, mais des millions.


Mais le contraire de ce "savoir", que nous sommes appelés à pratiquer à la place, est très simple : C'est ce qu'on appelle "la foi". Et il est intéressant de noter que dans le Nouveau Testament, cela est reconnu dans l'Épître aux Hébreux où il est dit : "Par la foi, Abel offrit à Dieu un meilleur sacrifice que Caïn...". En d'autres termes, il comprenait et acceptait ce qui avait été révélé dans le jardin à ses parents.


Nous avons besoin de plus de "foi" spirituelle aujourd'hui pour cesser d'essayer d'être sages comme des dieux, et en venir ainsi à reconnaître qui nous sommes vraiment. Si cela devait se produire, nous pourrions être beaucoup plus libres de l'emprise démoniaque que le meurtre a sur nos sociétés, individuellement et politiquement.

Toutes les citations (traduites ici de l'anglais) sont tirées de la version de la Bible New American Standard.

James Sale est un homme d'affaires anglais dont la société, Motivational Maps Ltd, opère dans 14 pays. Il est l'auteur de plus de 40 livres sur la gestion et l'éducation publiés par de grands éditeurs internationaux, dont Macmillan, Pearson et Routledge. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de la Society of Classical Poets et a récemment pris la parole lors du premier symposium du groupe tenu au Princeton Club de New York.

* * *

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.