La communauté internationale des transplantations dénonce les abus en Chine

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Après des années d’accommodement, une position plus critique émerge


Site Internet chinois qui annonce des transplantations pour les étrangers, ce qui contrevient aux engagements de la Chine envers la communauté médicale internationale. (capture d’écran/www.cntransplant.com)


Deux des plus importantes organisations internationales en matière de transplantations d’organes ont écrit une lettre ouverte au dirigeant chinois, Xi Jinping, qualifiant le système chinois de transplantations de corrompu et «méprisé par la communauté internationale», tout en appelant le dirigeant du Parti communiste à effectuer de profondes réformes.


La publication de la lettre signée conjointement par la Transplantation Society et le Declaration of Istanbul Custodian Group, qui paraît dans l’édition du mois d’avril de la revue Transplantation, représente une rupture marquée avec l’approche délicate et non conflictuelle adoptée depuis plusieurs années par l’establishment international des transplantations envers la Chine. Auparavant, les voix critiques étaient en grande partie étouffées par les promesses de coopération et le tintement des verres de cocktail des réceptions diplomatiques.


Pas plus tard qu’en novembre dernier, de hauts responsables de la communauté internationale des transplantations – dont certains ont signé la lettre ouverte – ont été photographiés en position de demi-cercle à la manière des équipes sportives en compagnie de fonctionnaires chinois œuvrant dans le domaine.


Quelque chose s’est passé entre novembre et février en Chine.


Durant cette période, des ébauches de la lettre circulaient, démontrant une détérioration des relations entre les médecins internationaux et les représentants du Parti communiste chinois (PCC).


«Cette lettre est le reflet de l’avenir incertain en Chine. Elle demande des réponses claires et met un terme aux promesses trompeuses de la Chine telles que nous les connaissons», affirme Torsten Trey, directeur exécutif du groupe de défense médical Doctors Against Forced Organ Harvesting, qui suit la question de près.


«De plus, cette lettre est également le témoignage des médecins qui veulent sincèrement voir la fin des prélèvements d’organes non éthiques en Chine», ajoute M. Trey.


Bien qu’il s’agisse d’un pas en avant, certains observateurs estiment que la lettre ne va pas assez loin, car elle n’aborde pas le cas des prisonniers de conscience.

«L’épée de la justice»

La Déclaration d’Istanbul représente la position éthique fondamentale de la communauté médicale internationale sur les transplantations d’organes et stipule que l’exploitation des prisonniers pour leurs organes est «incompatible» avec ses objectifs.


Il s’agit de la principale pomme de discorde entre le monde et la Chine, alors que le Parti communiste continue d’exécuter des prisonniers pour leurs organes, tout en vacillant entre les promesses de mettre fin à cette pratique et les plaidoyers pour la défendre.


Les auteurs de la lettre utilisent la propre rhétorique de la Chine pour l’épingler quant à son incapacité à se conformer aux directives éthiques internationales, de même qu’à ses propres directives, sur les transplantations d’organes. Le China Daily, l’organe officiel de langue anglaise du régime chinois, est cité à l’effet que le système judiciaire doit «tenir l’épée de la justice et la balance de l’égalité» pour la Chine. Le «rêve chinois», soit le slogan de l’administration de Xi Jinping, n’est rien d’autre qu’un «appel à la culture des droits de la personne», avance la lettre.


Les responsables chinois avaient en effet accepté, en novembre dernier, un cadre légal qui établirait des qualifications pour les médecins en transplantations et qui interdirait le commerce des organes. Après coup, 38 hôpitaux auraient promis de cesser de s’approvisionner en organes de prisonniers exécutés.


Ce fut un «pas encourageant vers un système de transplantations en Chine qui soit transparent, équitable et éthique», affirme la lettre. Cette dernière salue même le travail de Huang Jiefu, l’ex-sous-ministre de la Santé et l’architecte du système de transplantations chinois. Il est aussi le représentant du régime chinois pour s’occuper des médecins étrangers préoccupés par l’éthique.

Ménage dans leurs formulaires

Il a donc été troublant pour les gens préoccupés par l’éthique lorsque, le mois dernier, Huang Jiefu a lui-même défendu l’approvisionnement en organes chez les prisonniers exécutés.


«Les organes judiciaires et les ministères de la santé locaux devraient établir des liens et permettre aux prisonniers dans l’antichambre de la mort de donner leurs organes volontairement et être ajoutés au système informatisé d’allocation d’organes», a déclaré M. Huang, dans des commentaires paraphrasés par le Beijing Morning Post et repris à plusieurs endroits sur le web chinois.


Ceci aurait pour but d’intégrer le système illicite d’organes de prisonniers exécutés à un éventuel système de dons volontaires basé sur l’altruisme, un peu comme on retrouve dans plusieurs pays développés.


Les remarques de Huang Jiefu ont contredit les promesses faites par les autorités chinoises depuis plusieurs années. Ethan Gutmann, un journaliste d’investigation qui a écrit un livre sur le système des transplantations chinois, a déclaré «nous sommes revenues à la case départ de 2006» dans une entrevue précédente avec Époque Times. «Ils disent essentiellement qu’ils ont besoin de faire du ménage dans leurs formulaires.»


Pour ajouter à la confusion, les remarques de Huang Jiefu sont arrivées au moment où d’autres responsables promettaient de «réduire la dépendance» aux organes de prisonniers.


«Je suis au courant de ces déclarations qui semblent contradictoires», a écrit dans un courriel Dr Francis L. Delmonico, président de la Transplantation Society et un signataire de la lettre ouverte. «La lettre ouverte a été intentionnellement écrite par plusieurs dirigeants internationaux, afin de démontrer une détermination consensuelle.»


Alors que la lettre représente une approche nouvelle et plus ferme d’ organisations comme la Transplantation Society, les chercheurs en matière d’abus dans le domaine des transplantations en Chine affirment qu’elle omet des aspects importants de l’affaire. Notamment, elle n’aborde pas les prélèvements d’organes sur des prisonniers de conscience qui n’ont au départ commis aucun crime qui soit internationalement reconnu.

Omissions obscures

«La lettre ouverte suggère que la réforme du domaine des transplantations sous la direction de Huang Jiefu avance dans la bonne direction et que seulement la corruption à grande échelle nuit au progrès. Cette perspective est biaisée», écrit dans un courriel Arne Schwarz, un chercheur indépendant en matière d’abus dans le domaine des transplantations.


«Il est honteux que toutes sortes d’institutions politiques – l’Union européenne, le Congrès américain, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies – se penchent sur la question des prélèvements d’organes sur les prisonniers de conscience, mais que la Transplantation Society demeure silencieuse sur le sujet», déplore M. Schwarz.


Cette question touche principalement aux prélèvements d’organes sur les pratiquants de Falun Gong, une discipline spirituelle persécutée en Chine depuis 1999. Les chercheurs, dont M. Gutmann, font état d’une accumulation de preuves qui indiquent que des dizaines de milliers d’organes ont été prélevés sur des pratiquants de Falun Gong qui étaient emprisonnés ou détenus en raison de leurs croyances.


Les recherches de M. Gutmann démontrent que les musulmans ouïghours, une minorité turcophone dans la région du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, ont été ciblés pour leurs organes dans les années 1990. Avec l’arrivée massive des pratiquants de Falun Gong dans les camps de travail après 1999, le complexe militaro-médical a commencé à prélever leurs organes pour accumuler d’immenses profits.


Dans les années 2000, des sites Internet en Chine annonçaient ouvertement des temps d’attente d’une ou deux semaines pour l’obtention d’un organe et d’une transplantation, ce qui est impossible en Occident où le temps d’attente peut aller jusqu’à un an et les receveurs doivent attendre le décès d’un donneur. En 2006, des médecins et du personnel hospitalier partout en Chine ont admis dans des conversations enregistrées à leur insu qu’ils avaient «des organes frais de très bonne qualité […] venant de pratiquants de Falun Gong». Deux chercheurs canadiens ont compilé ces preuves dans un rapport publié plus tard dans la même année.

«La vie n’a pas de prix»

La nature scandaleuse de ces révélations, et la pression subséquente du public, a forcé certains changements dans l’approche de la Chine en matière d’approvisionnement en organes, bien que les autorités n’aient jamais admis l’utilisation des organes de prisonniers de conscience et il n’y a aucune garantie que la pratique a cessé.


Selon M. Schwarz, la coopération de la Chine avec l’Occident au cours des 30 dernières années a simplement «aidé à améliorer les résultats des transplantations chinoises, mais n’a pas encouragé une pratique plus éthique».


La lettre de la Transplantation Society exprime ce mécontentement. «Le site web de Tianjin continue de recruter des patients internationaux à la recherche d’une transplantation d’organe […] L’abus sous-jacent de ces professionnels du domaine médical et la collusion à grande échelle pour le profit sont inacceptables.»


On se réfère au cas d’un adolescent saoudien de 14 ans qui a reçu l’organe d’un prisonnier exécuté pour la somme de 200 000 dollars. Le Saoudien a toutefois contracté une maladie virale à la suite de la procédure et il est décédé quelques semaines plus tard. «Il n’y a eu aucune mesure de réparation, aucune responsabilité, ni aucune évaluation de la performance associée à cette procédure illégale et non éthique», dénonce la lettre.


Entre-temps, le site [www.cntransplant.com] continue de fonctionner.


Le site vante «le meilleur hôpital pour les transplantations conjointes des reins et du pancréas» et «l’hôpital le plus réputé pour les transplantations de reins en Chine».


«Ces hôpitaux ci-haut mentionnés, autorisés par le gouvernement de la République populaire de Chine, sont vraiment l’endroit où les patients mourants renaissent», indique le site web.


«La vie n’a pas de prix, la qualité doit être garantie.»

Version originale : International Transplant Community Raises Voice Against China’s Abuses

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