Time Magazine : Otages de l'État - Un meurtre qui a choqué la nation dénonce la brutalité du système des détentions extrajudiciaires Chinois

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La fin aurait-elle été différente, la vie de Sun Zhigang aurait pu être un exemple témoignant du progrès de son pays. Ce jeune homme de 27 ans, fils de charpentier avait quitté son lointain village natal situé à Hubei dans le centre de la Chine pour aller à l’université de la capitale provinciale de Wuhan. Il obtint son diplôme des beaux arts, et alla s’installa à Guangzhou où il dégota un job comme dessinateur graphique et la chance de pouvoir percer dans une nouvelle ville chinoise en pleine expansion. A Peine trois semaines après avoir commencé sa nouvelle vie la chance l’abandonna. En chemin vers un cyber café il fut arrêté par la police pour un contrôle d’identité. Quand Sun dit qu’il avait oublié ses papiers chez lui, ils l’emmenèrent vers le poste de police le plus proche. Le jour suivant quand son patron et ses amis arrivèrent avec les papiers nécessaires, Sun avait été transféré dans un centre de détention pour vagabonds. Deux jours plus tard, le 20 mars, il mourait dans l’infirmerie du centre, victime de coups violents.

La semaine dernière dans un procès à huit clos, un tribunal de Guangzhou rendait justice en condamnant à des châtiments particulièrement durs – dont deux peines de mort- ceux supposés coupables de la mort de Sun. Parmi eux une infirmière supposée avoir donner l’ordre à d’autres détenus de battre Sun, ainsi que les détenus s’étant exécutés. Mais le principal coupable de la mort de Sun est toujours en liberté. La majeure partie du blâme pour la mort de Sun devrait retomber sur un système de détentions administratives peu connu, c'est-à-dire une détention sans passer par le système de justice criminelle, par lequel des citoyens chinois peuvent être emprisonnés tout simplement pour s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Ce système appelé par euphémisme « Détention et Rapatriement » existe pour renforcer les lois permettant d’empêcher les populations rurales appauvries de venir sur peupler les villes de plus en plus prospères du pays. Officiellement les centres de détention et rapatriement (C et R) s’occupent de la détention des vagabonds, mendiants, et des sans papiers afin de les renvoyer dans leurs villes natales respectives. En réalité, comme le signalent les experts des droits de l’homme et ceux qui en ont fait l’expérience personnelle c’est un outil terrifiant, arbitraire utilisé à outrance par le pouvoir en place, qui au pire, prend l’image d’un arrangement de kidnapping et de chantage.

Parce que la plupart des 3 millions de personnes qui se retrouvent aux centres de C.-et-R. tous les ans appartiennent à la population fluctuante des travailleurs itinérants du pays – la plus basse dans la pyramide des classes en train de réapparaître rapidement en Chine – les abus tendent à passer inaperçus sauf dans les cas les plus frappants. Bien que plusieurs des ces cas aient été cités dans la presse nationale, ils provoquent rarement des appels à la réforme.

Jusqu'ici, depuis que fin avril un journal de Guangzhou, le Southern Metropolis News (les Nouvelles méridionales de la Métropole), a écrit un article détaillé sur le cas de Sun, les médias chinois, les cercles universitaires et les salles de chat Internet ont été envahis par des demandes de réforme et même d’abolition du système. Le statut du Sun en tant qu'universitaire à l’avenir prometteur plutôt qu’aide fermier au chômage a déclenché un vaste scandale " Tu a été emprisonné parce que tu n’as voulu être ni un animal de compagnie ni un esclave » dit une parmi d’autres des éloges funèbres envoyées sur Internet à Sun. La récente expérience du SARS qui a réveillé un vif sens d’intérêt public pour un bon gouvernement a donné du poids au tollé général. Deux groupes de notables basés à Beijing ont envoyé une pétition au Congrès Populaire National de Chine demandant une enquête sur la mort de Sun et stipulant que le système C-et-R est illégal du point de vue d’au moins deux lois chinoises. « Ce cas est devenu un événement national. » dit Xiao Han, l’auteur d’une des pétitions. « Le gouvernement n’a d’autre choix que d’en tenir compte »

Toujours est-il que peu s’attendent à un changement rapide du système. C-et–R est aussi vieux que la République Populaire. Il a toujours existé sous une forme ou une autre depuis sa création en 1950 afin d’éliminer les troupes nationalistes des villes fraîchement libérés par les communistes. Et malgré que les autorités chinoises puissent reconnaître que la mobilité de la populace est nécessaire à l’accroissement économique, elles craignent qu’une libre circulation n’inonde les villes de réfugiés de la campagne frappés par la pauvreté. En plus le système C-et-R offre aux autorités une manière commode de se débarrasser de toutes sortes d’indésirables. Ceux qui font le voyage à Beijing pour présenter une pétition au gouvernement central ou pour se plaindre de la corruption locale tombent en général entre ses griffes. » Puisque la Chine n’a aucun mécanisme ni corps juridique pour veiller à ce que ses politiques gouvernementales adhèrent à ses propres lois» dit un notable de Beijing qui a demandé à rester anonyme, « rien ne changera jusqu’à ce que quelqu’un de très haut placé le veuille ».

Pour le moment, la façon dont le procès de la famille de Sun contre le gouvernement s’est conclu semble un indicateur plus parlant de ce qui est à venir. La pression venant des medias a signifié qu’un nombre sans précédent d’employés de l’état était discipliné. Mais le gouvernement provincial de Guandong a publié une déclaration disant que ses procédures de C-et-R sont en accord avec la politique nationale. Le père de Sun a reçu un règlement de $ 53 000 - et une escorte policière pour l’empêcher de s’entretenir avec les médias sur le sujet, a-t-il dit à Time. NIcolas Becquelin le directeur de recherche de l’Organisation des Droits de L’homme basée à New York en Chine a observé « Un bouc émissaire a du être trouvé pour un problème qui dépasse largement ce cas. Le procès a été incroyablement rapide et comme d’habitude opaque. Il a permis aux autorités impliquées de passer pour responsable sans réellement changer quoique ce soit. »

Les conditions à l’intérieur des centres C-et-R sont si épouvantables, même selon les sinistres standards des institutions pénales de la Chine, qu’elles ne resteront pas secrètes pour toujours. Tong YI une avocate militante des droits de l’homme basée à New York et enfermée dans un camp de travail de sa ville natale de Wuhan et dans le centre C-et-R de Beijing avant d’obtenir le droit d’asile aux Etats-Unis, décrit des scènes atroces d’enfants et d’ adultes en bonne santé enfermés avec des malades mentaux. « La vie au centre était chaotique et sordide, se rappelle-t-elle « Il n’y avait pas d’eau potable, juste un robinet pour 100 personnes et la nourriture était encore plus rare et de mauvaise qualité que dans le camp de travail où j’ai été. Les coups donnés par le personnel du centre et les détenus étaient monnaie courante, dit Tong ; les détenus étaient enfermés jusqu’à ce que leur famille puisse réunir l’argent de la caution pour les faire sortir. En effet juste un jour après le verdict de l’affaire Sun, Guo Xianli, un comptable du centre C-et-R de la province de Hunan, a révélé que ses collègues ont formé une équipe de « kidnapping et de chantage » avec la police de la ville provinciale de Lianyuan qui a rapporté en quatre ans $400 000. Guo a dit au journal Sanxiang Métropolis qu’ils piégeaient des paysans en déplacement en leur promettant des repas gratuits. « Ils ne peuvent pas sortir sans payer. S’ils crient trop le personnel les bat tellement qu’ils n’oseront plus jamais demander à retourner chez eux.

De tels procédés semblent courants. Dehors devant le portail du centre C-et-R dans la banlieue de Beijing, Liu Yan attend sous la pluie espérant avoir des nouvelles de sa fille de 28 ans qui est venue au sud de la province du septentrionale de Heilongjang, pour travailler dans une usine de tricot. Il a perdu contact avec elle il y a plus d’un mois, mais il y a seulement une semaine il a reçu un coup de fil d’un employé du centre lui disant que sa fille avait été arrêtée et qu’il devait venir à Beijing payer $600 - plus de la moitié du revenu annuel moyen d’un ménage rural – et la récupérer. « Le policier a dit que si nous ne payons pas ils la garderaient ici pendant six mois ».dit la femme de Liu. Nous essayons de faire baisser le prix. Ils ne nous ont pas laissé parler à notre fille. Nous ne savons plus quoi faire. Comme un fourgon blanc s’arrêtait pour déverser un autre groupe de détenus menottés, Liu et sa femme entrèrent pour négocier la liberté de leur fille. Avec un peu de chance, leurs économies la sauveront

----avec le reportage de Gough/Guangzhou

http://205.188.238.181/time/asia/magazine/article/0,13673,501030623-458835,00.htm

Traduction non officielle de l’anglais

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