Le Wall Street journal : N’oubliez pas les dissidents chinois

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Dans les années 70, la République populaire de Chine a fait appel aux intellectuels américains déçus par le communisme soviétique. Des journalistes, des universitaires, des artistes et des chefs religieux ont fait le voyage. Leur compte rendu admiratif révèle, comme le décrit Paul Hollander dans son livre "Political Pilgrims"("Pélerins politique") que la plupart des visiteurs ont vu ce qu’ils voulaient voir et en tout cas pas plus que ce que leur hôte chinois leur a permis de voir.

Aujourd’hui les gens qui visitent la Chine ne cherchent pas à trouver un modèle de communisme réussi. Après tout, même Ronald Reagan a appelé la Chine un "soi-disant pays communiste." Dans la plupart des cercles politiques étrangers, trop s’étendre sur le caractère du communisme chinois est considéré légèrement maladroit.

En effet, les journaux occidentaux en général ne permettent pas d'identifier Hu Jintao comme le secrétaire général du Parti communiste chinois, même si c'est de ce poste et non de la présidence qu’il tire son autorité et son pouvoir. Le passage par les campagnes de la masse totalitaire de l'époque de Mao et les réformes économiques et politiques mineures de la fin des années 70 et 80 sous Deng Xiaoping, ont convaincu de nombreux observateurs que la croissance économique mènera le pays inexorablement vers une libéralisation de son système politique.

Toutefois, comme les "pèlerins" de la première époque, les visiteurs d'aujourd'hui ne voient pas le tableau complet. À la fin des années 90, alors qu'elle était secrétaire d'État américaine, Madeleine Albright a visité un centre de formation judiciaire à Beijing. Lors d'une séance de photos, elle était rayonnante en tenant à la main un exemplaire du China Daily. Le titre vantait l'engagement de la Chine pour l’état de droit. Mais au fin fond du texte se trouvait ce que le journal indentifiait comme les éléments clés de l'état de droit. L'un d'eux étant la suprématie du Parti communiste.

La Secrétaire d'État Albright est tombée dans un piège courant. Le China Daily est l’organe de propagande en langue anglaise du Parti communiste chinois. Son contenu est soigneusement géré et vise d’éminents visiteurs étrangers. Bien que les photographies et la couverture du récent tremblement de terre du Sichuan aient donné l'impression d'un assouplissement dans le contrôle de la presse, il n'était que temporaire et a été freiné peu de temps après. Au cours des manifestations tibétaines en Mars et Avril, le langage soigneusement modulé utilisé par les dirigeants chinois sur la scène mondiale a été abandonné en faveur d’une ère de dures dénonciations, de style "Révolution culturelle", du Dalaï Lama et des Tibétains.

Les dirigeants de la République populaire de Chine contrôlent toujours ce que le peuple chinois lit et regarde à la télévision sur tout sujet où ils sentent que leurs intérêts sont en cause. Toutes les publications et les médias audiovisuels sont agréés par le gouvernement. Les journalistes sont tenus de subir un endoctrinement marxiste et peuvent faire l'objet d'autocritique. Une attitude ou un comportement politiquement insuffisant peut donner lieu à des poursuites et une surveillance. Le département central de propagande du parti dicte également par message et par fax des directives disant aux journalistes comment traiter les questions sensibles comme la flambée du SRAS et l’anniversaire du massacre de la place Tienanmen.

Les directives et les listes noires sont gardées secrètes, peut-être afin de maintenir leurs objectifs déséquilibrés ou donner une image d'ouverture que les autorités chinoises souhaitent présenter au reste du monde. Un journaliste, Shi Tao, qui a relayé le contenu d'une telle directive à un site Web chinois à l'étranger, est en prison pour 10 ans pour avoir divulguer de tels «secrets d'État».

L'Internet - par lesquels certains citoyens chinois peuvent accéder à des sites Web d’outremer - n'a pas significativement érodé le contrôle de l'information. Le gouvernement chinois a un formidable pare-feu pour bloquer les sites auxquels il ne veut pas que ses citoyens aient accès. Des milliers de censeurs assurent la surveillance et recommandent le blocage des sites. Bien qu’un citoyen persistant puisse arriver à dévier la technologie qui bloque les sites étrangers, les autorités compensent cela en rendant le système lent et lourd.

L'autocensure et l'intimidation jouent également un rôle important dans le maintien de la sécurité Internet. De nombreuses sociétés Internet suppriment volontairement le contenu que les autorités jugent politiquement problématique. Les entreprises américaines comme Google, qui adapte son moteur de recherche chinois à la demande et Yahoo qui a coopéré à l'enquête du journaliste Shi Tao utilisent aussi cette fonction de censure. Le parti peut beaucoup compter sur ces pressions indirectes pour limiter l'influence d'Internet, mais ne lésine pas non plus pour contrôler, contraindre et réprimer.
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Les estimations du nombre de personnes employées pour surveiller l'Internet est de dizaines de milliers de . Selon Reporters sans frontières, au moins 50 cybers dissidents sont en prison. Bien sûr, rien de tout cela ne sera visible pour un visiteur étranger.

La pollution, les gratte-ciels et le développement reflètent la croissance économique rapide de la Chine mais pas le changement politique. Il n'y a pas eu de réformes politiques significatives en Chine depuis les années 80. Pendant ce temps, la croissance économique a permis une approche plus intense mais sophistiqué de la répression politique.

Depuis le massacre de Tienanmen en 1989, tout ce qui suggère un degré d'organisation, ou une coordination entre les provinces, est éliminé aussi rapidement que possible et si nécessaire sans pitié. On peut citer l'organisation religieuse Falun Gong et le Parti démocratique de Chine, dont les membres ont pu expérimenter le plus brutal des traitements que le parti communiste ait mis en place, y compris le viol, les passages à tabac, l’enchaînement et les chocs électriques, selon Amnesty International et d'autres organisations des droits de l'homme. Alors que la Chine prône son attachement à l'état de droit, les avocats qui osent défendre les victimes de persécution politique ou religieuse sont de plus en plus les cibles de la répression.

Les Jeux olympiques et leurs préparations ne mènent pas à la libéralisation de la Chine. En fait, c'est tout à fait le contraire. Les dissidents ont été séquestrés, emprisonnés ou envoyés en dehors de la ville pour la durée des jeux. La construction des sites olympiques a conduit à l'expulsion de plus d’un million de personnes. Les militants qui ont persisté à pointer le lien entre les Jeux Olympiques et l'augmentation des violations des droits de l'homme – tels que Hu Jia, Ye Guozhu et Yang Chunlin - ont été emprisonnés.

Il y a des centaines, voir des milliers d'autres prisonniers que les visiteurs des Jeux Olympiques ne devraient pas oublier. Il s'agit notamment des vétérans du Parti démocratique de Chine, comme Zha Jianguo, le défenseur des pétitionnaires Liu Jie, est emprisonné pour avoir collecté des milliers de noms sur une lettre ouverte la recherche de réformes politiques, des essayistes sur Internet comme Lu Gengsong qui ont écrit sur la corruption et le PCC. Le groupe Défenseurs des droits de l’homme en Chine énumère huit personnes dans la seule région de Beijing toujours en prison pour sa participation aux manifestations pour la démocratie à Tienanmen en 1989.

Et puis, bien sûr, il y a les morts, victimes de Tiananmen. Leur nombre exact est inconnu. Malgré le harcèlement, les menaces et les fréquentes détentions, Ding Zilin, la mère d'une victime adolescente et d'autres parents ont réuni plus de 188 noms ces 19 dernières années. Comme il fallait s'y attendre, Mme Ding a subi des pressions pour qu’elle quitte Beijing pour la durée des Jeux Olympiques.

Lorsque les Jeux Olympiques seront finis et que les foules seront rentrées chez elles, la Chine n'aura aucun intérêt à assouplir le contrôle. Pire encore, la capacité du parti à contrôler sera renforcée par la tenue des Jeux.

Le monde n'est pas seulement entrain d’envoyer des athlètes aux Jeux olympiques mais aussi une technologie de surveillance qui aidera le gouvernement à garder un œil sur son peuple pour les années à venir. Les entreprises américaines ont vendu à elles seule une technologie qui copie de façon invisible des disques durs d'ordinateur, lit les textes cryptés et effectue une analyse faciale de reconnaissance sur la surveillance vidéo.

Personne ne prétend plus être un fan du communisme chinois ou de toute autre marque de communisme. Le problème se pose lorsque les visiteurs ne parviennent pas à comprendre ce qu'ils voient - et ce qui a été caché - et se font une fausse idée du type de gouvernement qu’a la République populaire de Chine.


http://online.wsj.com/article/SB121807448819119307.html?mod=opinion_main_commentaries

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