Le 25 août 2005
Cet été, j’ai emmené une équipe de chercheurs à Pékin pour documenter les abus policiers contre les pétitionnaires en vue d’un prochain rapport de Droits de l’Homme de Human Rights Watch. Par paires et en petits groupes, pendant deux semaines, les victimes se sont traînées dans nos diverses salles de réunion, cachées dans toute la ville. Certains sur des béquilles suite aux passages à tabac en détention, d’autres qui avaient perdu des doigts sous la torture. Beaucoup avaient un regard terne acquis au cours de longs mois d’emprisonnement. Ensemble, ils formaient un flot de réfugiés internes fuyant la violence d’Etat. Dans d’épais dialectes locaux, ils racontaient leurs expériences de la violence policière, y compris les attaques de la police locale venue à Pékin pour les empêcher de présenter leur requête.
Récemment, la Chine a annoncé un nouveau programme destiné à résoudre ces problèmes : l’état renverra ces pétitionnaires rencontrer les chefs de leurs polices locales. Le programme est naïf à moins qu’il ne soit cynique : c’est comme envoyer des agneaux rencontrer des loups.
Pour être juste, dans certains cas, les chefs de la police sont d’honnêtes fonctionnaires qui agissent équitablement. Mais d’autres sont les mêmes chefs de la police à qui on a auparavant ordonné de battre les pétitionnaires, de les torturer, des les emprisonner, et de les empêcher avant tout d’aller à Pékin. Dans quelques uns des cas Ils seront les mêmes policiers qui font l’objet des plaintes d’origine.
Sans protections élémentaires contre les représailles, ce nouveau programme pourrait ouvrir la porte à une montagne de nouveaux abus. La Chine doit s’engager entre autres dans une réforme complète de sa police pour trouver une solution à long terme au disfonctionnement de son système de recours.
On ne peut pas contester que ce système de recours, une institution culturelle et légale typiquement chinoise, a besoin de réforme . Chaque année, des dizaines de milliers de fermiers et d’autres affluent à Pékin dans l’espoir que quelque fonctionnaire national intercèdera dans leurs affaires locales. Beaucoup sont victimes de la corruption officielle, du repeuplement, et de la brutalité policière. Ces « pétitionnaires », exercent un ancien droit chinois, protégé par la loi nationale, qui permet à tout un chacun de soumettre une plainte au gouvernement.
De nombreux pétitionnaires ont commencé par essayer leurs tribunaux locaux et n’ont pas obtenu justice. Pétitionner à Pékin est l’instance de dernier recours. Cependant, là non plus ils ne sont pas nombreux à trouver satisfaction. Beaucoup dépensent leurs économies d’une vie à attendre qu’un fonctionnaire veuille répondre à leurs requêtes, et finissent campés dans un bidonville d’une misère à la Dickens, connu comme village des « pétitionnaires », où ils vivent de déchets trouvés dans les ordures dans les rues. Bien que le système labyrinthique soit un fiasco pour beaucoup, il y a peu d’autres options sous le faible système légal de la Chine, et le nombre des pétitionnaires continue donc d’augmenter. Dans le premier quart de l’année 2005, le Bureau de Pétitions du Conseil d’Etat à Pékin rapportait une augmentation de plus de 90% du nombre des lettres et des visites comparée à la même période l’année précédente.
Cependant, les pétitionnaires qui vont se plaindre à Pékin peuvent ternir l’image de leurs autorités provinciales aux yeux de leurs superviseurs. Aussi, les gouvernements provinciaux envoient-ils des policiers en civil et des voyous à Pékin, où ils attendent les pétitionnaires de leur province natale. Lorsqu’ils les trouvent, ces officiers - auxquels ont donne aussi le nom de « chiens d’arrêt » - les battent souvent où les menacent. Quelquefois, ils mettent les pétitionnaires dans des voitures et les ramènent chez eux. Certains y sont alors relâchés, tandis que d’autres sont jetés en détention sans procès.
Un homme que nous avons rencontré de la province de Henan dans la Chine centrale avait pétitionné pendant des décennies et été « retrouvé » de nombreuses fois. Sa saga a commencé lorsqu’un fonctionnaire local a payé des bandits pour tuer son père afin de récupérer sa terre. N’ayant pas obtenu justice dans le Henan, il a pétitionné à Pékin. Là il s’est fait attraper par les « chiens d’arrêt » provinciaux qui lui ont mutilé à vie ses deux doigts de main du milieu, puis l’ont emmené à un centre de détention du Henan – en fait une baraque de l’armée désaffectée. Ils l’y ont gardé là pour leur faire la cuisine pendant un moment, mais après qu’un blizzard ait fait s’effondrer le bâtiment, la police lui a dit qu’il était libre de partir. Il est immédiatement retourné à Pékin pétitionner, et a dit qu’il avait été attrapé de la même façon et battu de multiples fois. Il n’ose plus quitter le village des pétitionnaires.
Son histoire était extrême, mais courante. Les pétitionnaires sont souvent emprisonnés dans les centres de détention locaux pour avoir exercé leurs droits à pétitionner garanti par la loi. Une pétitionnaire dans sa soixantaine nous a dit que lorsqu’elle avait demandé à savoir pourquoi elle était emprisonnée, « les officiers ont dit : ‘Vous n’avez rien fait d’illégal. C’est pour vous empêcher de pétitionner. »
Ironiquement et tragiquement, nombre de ces pétitionnaires ainsi maltraités pétitionnent tout d’abord pour des abus policiers. Nous avons interviewé plusieurs parents qui ont commencé à pétitionner après que leurs fils soit mort en détention policière.
Traduit de l’anglais
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