Virginie LOUIS - La Grande Époque le 2 avril 2005
Selon le WOIPFG, la mise sur pied de centres de « lavage de cerveau » à l’échelle nationale est en fait un prolongement du programme de « rééducation par le travail » ou laogai. Elle permet d’intensifier de manière significative cette répression en chaque point du pays.
C’est là un aspect qui n’a pas échappé au groupe d’experts du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU qui, dans le rapport publié au terme d’une visite de douze jours en Chine en septembre dernier, critique sévèrement l’absence de législation chinoise garantissant les droits humains fondamentaux tels qu’ils sont promulgués dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que le manque de contrôle judiciaire sur les soi-disant programmes de « rééducation par le travail ».
Explosion du nombre de centres de « lavage de cerveau »
La WOIPFG rapporte pour sa part qu’un nombre très important de centres de « lavage de cerveau » ont été créés ces dernières années un peu partout à l’intérieur du pays : on en trouve dans les villes, les banlieues et les villages de la campagne mais aussi à l’intérieur des bureaux de police, des entreprises et services de l’Etat, écoles et universités comprises.
Ces centres portent souvent des noms qui laissent songeur : « Ecole d’éducation en droit », « Ecole de rééducation en douceur », « Centre d’édification et de transformation », « Centre d’amour et de soin », etc.
De la « rééducation par le travail »
C’est dans les années 1960 que le parti communiste chinois a mis sur pied le système de la « rééducation par le travail » inspiré directement de celui créé en Union soviétique à l’époque de Staline afin de supprimer les dissidents. Au début des années 1980, le régime a beaucoup investi dans la construction de camps de « rééducation par le travail » destinés alors aux délinquants dont les infractions n’étaient pas assez graves pour être condamnés à mort. Or, ces camps - de même que les hôpitaux psychiatriques - sont devenus ces dernières années les instruments principaux utilisés par le PCC pour réprimer les dissidents.
Pour être envoyé en « rééducation par le travail », aucune condamnation et aucun procès ne sont exigés. Cela est décidé en à peine quelques minutes, le temps pour l’officier de police d’approuver la décision. Ce système - qui est dénoncé par de nombreuses ONG - est donc totalement arbitraire et viole les droits humains les plus élémentaires à très large échelle.
Les centres de « lavage de cerveau » ont repris à leur compte un grand nombre de méthodes mises au point à l’intérieur du système de « rééducation par le travail ». Par ailleurs, selon la WOIPFG, aucune procédure n’est exigée pour ouvrir un centre de « lavage de cerveau » ; aucun document n’en spécifie la nature, l’autorité ni l’administration ; il n’y a pas de règlement régissant l’organisation ou la surveillance. N’importe qui peut être interné et ce, sans qu’il soit nécessaire de produire le moindre document juridique justifiant la détention ; les pratiquants de Falun Gong, par exemple, sont arrêtés sans aucune procédure légale, envoyés dans ces centres et forcés de payer les frais de leur « rééducation », des frais extrêmement élevés pouvant aller jusqu’à plus de 10 000 yuan (2).
Un spécialiste de la Chine - qui souhaite garder l’anonymat - compare ces centres aux camps de travaux forcés et aux hôpitaux psychiatriques. Il s’agit, pour lui, d’institutions de « correction de la pensée » efficaces et peu coûteuses. Elles permettent d’éluder la question des procédures judiciaires qui requièrent la collecte de preuves criminelles, la déposition, l’audition, la défense, la condamnation et la procédure d’appel.
Le « lavage de cerveau en douceur »
Ce que l’on appelle « la transformation en douceur » est une méthode insidieuse fréquemment utilisée tant dans les centres de détention que dans les centre de « lavage de cerveau ». Les gens qui y travaillent font semblant de « prendre soin » des détenus : ils cherchent en fait à trouver leurs points faibles et à comprendre leur psychologie. Par exemple, « L’école de rééducation en douceur » de la ville de Fushun (dans la province de Liaoning) crée une atmosphère paisible pendant plus d’une semaine avec le pratiquant détenu illégalement. Le personnel peut, par la suite, « adapter » son travail de « transformation » en fonction des réactions observées chez celui-ci.
A certain moment, on a recours à la famille du détenu et à ses amis pour tâcher de le « transformer » en faisant pression sur lui. Les pratiquants doivent alors souvent faire face à des appels émouvants ou à des menaces de mort, de suicide ou de divorce. Cette tactique affecte gravement le psychisme de certains et a pour but de les faire « craquer ». En cas d’échec, on passe à la « transformation de force ».
« Lavage de cerveau forcé »
Si, après cette période préliminaire, les pratiquants ne veulent toujours pas abandonner leurs valeurs et convictions profondes, ils subissent le « lavage de cerveau forcé ». Celui-ci est constitué - entre autres - de longues périodes d’enfermement dans l’obscurité sans le moindre contact extérieur, de privation de sommeil, le tout entrecoupé de séances de tortures, de coups et de menaces comme cela est attesté pour le centre de Wuchang dans la province Hubei, toujours selon le rapport de la WOIPFG.
Dans le centre de Dongshang dans la province de Canton, les pratiquants sont privés de sommeil 24 heures sur 24 et forcés de regarder des vidéos calomniant le Falun Gong ; les responsables du centre essayent ensuite de les obliger à signer une déclaration indiquant qu’ils renoncent à pratiquer la méthode tout en les brutalisant. Ce type de « lavage de cerveau forcé » est extrêmement répandu. Selon la WOIPFG, il concerne près de 90 % des personnes qui ont été « transformées », c’est-à-dire qui ont fini, après avoir « craqué » psychiquement, par renoncer à leur pratique et à leurs croyances.
Selon les recherches effectuées par le professeur J. Allan Hobson, docteur en psychiatrie à l’Université de Harvard, une personne privée de sommeil pendant 5 à 10 jours, voit son cerveau perdre petit à petit ses fonctions normales. Elle commence à perdre la raison et a l’impression d’entendre des voix imaginaires et d’avoir des hallucinations.
Un policier du camp de « rééducation par le travail » de Xin’an confirme ce fait avec cynisme. « Nous utilisons, affirme-t-il, les mêmes méthodes que pour les espions. Ce que nous voulons, c’est provoquer leur effondrement psychique. »
La WOIPFG cite le cas de Mme Zhu Xia, pratiquante de Falun Gong de Chengdu dans la province du Sichuan. Envoyée illégalement dans un camp de « rééducation par le travail », elle y a été détenue pendant 18 mois et a subi successivement trois phases de « lavage de cerveau » – à Beixian, Ponzhon et Xinjin. Suite aux tortures, brutalités, pressions psychologiques et à la privation de sommeil endurées, Mme Zhu a été atteinte de graves troubles mentaux, ce fait a été constaté dès son retour à son domicile le 2 avril 2004 : en proie à des accès de délire, celle-ci semblait entendre des voix, elle se mettait soudainement à pleurer et à rire sans raison. Elle faisait ses besoins partout et criait souvent avec frayeur : « Est-ce que vous allez me violer ? »
La torture physique est évidemment quelque chose de monstrueux mais la persécution mentale qui résulte des techniques de « lavage de cerveau » est d’une certaine façon encore plus terrible et insidieuse puisqu’elle tend à détruire une personne psychiquement au plus profond d’elle-même et, de la sorte, l’a fait mourir à petit feu.
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