Une vision en détail – la genèse d’un chef-d’œuvre animé

Le réalisateur Leon Lee parle de son chef-d'œuvre animé Ragdoll
 
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Le court métrage d'animation primé du réalisateur Leon Lee, Ragdoll, a été acclamé par la critique et le public dans plusieurs festivals importants l'année dernière et continue de toucher des gens du monde entier par son histoire émouvante et sa beauté visuelle.


Ragdoll est l'histoire d'une fillette chinoise qui devient orpheline lorsque sa mère est brutalement persécutée par le régime communiste chinois pour sa foi en Falun Gong. La fillette grandit dans un camp de travail où elle fabrique des poupées de chiffon tout en rêvant d’être magiquement réunie avec sa famille perdue.


Cinéaste sino-canadien basé à Vancouver, Lee a été nominé pour deux Canadian Screen Awards et a remporté de nombreux prix pour ses documentaires et ses films qui dénoncent des problèmes de droits de l'homme. Son premier film, Human Harvest, a reçu plusieurs distinctions internationales, dont le prestigieux Peabody Award en 2015. Le documentaire, qui a révélé le commerce illicite d'organes en Chine, a été diffusé dans plus de 30 pays.


Dans cette interview exclusive avec le magazine Magnifissance, Lee partage l'inspiration et le processus pour donner vie à son film Ragdoll en utilisant le stop-motion ( en français l'animation en volume), l'une des techniques cinématographiques les plus difficiles.

Le réalisateur Leon Lee sur le plateau de Ragdoll.

Pour Ragdoll, vous avez choisi d'utiliser le stop-motion ce qui signifie que chaque image du film a dû être réalisée individuellement à la main. Pourquoi avoir choisi cette méthode ?

Je me suis lancé en sachant que le stop-motion serait très difficile. Mais avec le recul, j’ignorais à quel point. Pour vous donner une idée, j'avais initialement prévu de terminer le film en quatre mois. J'étais tellement sûr du délai que j'ai engagé toute l'équipe et loué un studio. J'ai finalement réuni tout le monde sur place et j'ai dit : " Travaillons jour et nuit. Un bon effort, et dans quatre mois, nous aurons notre film. " Mais qu'est-ce que j'en savais ? Au final, il a fallu quatre ans pour produire 18 minutes d'animation.


Mais j'ai su très tôt que je voulais animer Ragdoll. J'ai choisi le stop-motion parce que j'aimais le lien entre la poupée de chiffon animée et les scènes en prises de vue réelles où l'on voit une vraie fille fabriquer la poupée de chiffon. J'ai également opté pour l'animation parce que le tourment d'un enfant serait difficile à supporter pour le public dans un film en prises de vue réelles.


Comment avez-vous trouvé l'histoire de Ragdoll ?

Elle s'inspire de faits réels. J'ai lu des articles sur des prisonniers de conscience en Chine qui ont été forcés de fabriquer des poupées dans un camp de travail de Shanghai. L'histoire d'une femme qui s'est échappée des camps et qui a trouvé les poupées qu'elle avait été forcée de fabriquer sur un site Internet italien a constitué une partie de mon inspiration centrale pour le film. J'ai également interviewé plusieurs orphelins dont les parents ont été persécutés en Chine. L'un d'entre eux a raconté une histoire similaire sur le travail forcé, et j'ai donc combiné son histoire avec celle de la poupée de chiffon italienne pour créer un seul récit.

Le réalisateur Leon Lee


La plupart de vos films traitent du sort des prisonniers de conscience en Chine, notamment des pratiquants de Falun Gong. Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur ce sujet ?

J'ai la chance de travailler et de créer au Canada. Je parle souvent en privé avec des cinéastes de Chine continentale. Ils veulent s'exprimer mais ne le peuvent pas. Les conséquences de raconter des histoires comme Ragdoll sur une grande plateforme en Chine sont impensables et dangereuses.


J'ai appris à connaître de nombreuses personnes courageuses qui ont souffert là-bas, mais qui restent attachées à leurs convictions. Quand ils me racontent leur histoire, je me sens obligé de m'exprimer.


Pour moi, c'est facile. Je me contente de m'asseoir et d'écouter. Mais pour eux, c'est difficile parce que c'est leur vie. En plus de revivre le traumatisme, c'est un risque pour eux de partager leur histoire avec moi. Leurs familles en Chine pourraient subir de terribles conséquences si le régime l'apprenait.


Au fil des ans, de plus en plus de personnes sont venues me voir avec des histoires à partager. Leur courage, leur détermination, leur capacité à rester positif et plein d'espoir dans les moments les plus sombres, tout cela m'inspire vraiment. Ils risquent tout pour se battre pour la liberté et la justice. C'est incroyable et émouvant. En tant que créateur, c'est une source d'inspiration sans fin.

Newton scénarise une scène.

Outre le temps qu'il faut pour créer chaque image, l'animation en stop-motion présente-t-elle d'autres difficultés ?

Je vais vous donner un exemple. Si vous voulez qu'un journal en stop-motion descende dans la rue, vous devez vous assurer que le journal lui-même, à partir d'un accessoire, est capable d'être manipulé des centaines ou des milliers de fois et rester intact. De plus, l'objet que vous avez plié, touché ou pressé doit conserver cette forme suffisamment longtemps pour que vous puissiez prendre une photo. Voici un autre exemple, pour avoir de la " neige " le jour de l'anniversaire du personnage, nous avons essayé toutes sortes de possibilités jusqu'à ce que nous trouvions finalement un matériau très spécifique que nous avons dû faire venir du Japon.


Le défi n'est pas seulement le temps et l'effort, c'est aussi l'argent. Ragdoll s'est avéré être une entreprise très coûteuse. Prenez la poupée, par exemple. Elle a besoin de toutes ses articulations pour faire des mouvements naturels. Les accessoires de ce type doivent être de bonne qualité, afin d'éviter de perdre un bras ou un doigt au milieu de la production. Il y a beaucoup d'accessoires de ce genre dans l'histoire et ils coûtent tous de l'argent.

Le réalisateur Leon Lee examine les storyboards de Ragdoll avec le directeur artistique Sean Newton.


Quel est votre secret pour avoir mené à bien un projet aussi difficile ?

J'ai commencé à faire des films en 2006, et j'ai depuis appris quelques leçons précieuses. La première est de se concentrer sur la tâche à accomplir. Les films en stop-motion sont particulièrement difficiles. Mais si l'on se concentre sur la tâche à accomplir et que l'on procède étape par étape, tout projet peut être mené à bien. Je dois toujours garder à l'esprit que quelle que soit la quantité de travail, elle est limitée.


Une autre leçon est qu'il peut être facile de perdre de vue la chance que j'ai. Je vis dans un pays libre et je fais le travail que j'aime. Ma passion est de raconter des histoires déchirantes sorties clandestinement d'endroits lugubres. Lorsque je suis frustré ou découragé, je me souviens des personnes réelles qui se cachent derrière ces histoires. Comparés à ce qu'ils ont vécu, mes problèmes ne sont rien.


Cette histoire est tirée du numéro 108 de Magnifissance
(href=https://magnifissance.com/beautiful-minds/a-vision-in-detail/)

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