Un défi clandestin au statu quo de la Chine

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Au moment où Obama planifie sa visite en Chine en Novembre, il devrait prêter attention au mouvement Tuidang qui montre que le peuple chinois comprend ce que sont les droits de l’homme et les libertés civiles.

Le 23 octobre 2009

Washington – La photo de première page de l’édition du journal du soir de Jinzhou du 27 septembre était quelque peu inhabituelle. En anticipation du 60ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en Chine, elle montrait une rue bordée d’énormes drapeaux rouges flottant au vent.

Cela aurait pu à peine se démarquer des publications de tout autre quotidien d’état ce jour là sauf un détail important. Dans le coin inférieur gauche de la photo, griffonnés sur un porte vélo, huit caractères minuscules mais clairement lisibles : « Le ciel condamne le Parti communiste ; démissionnez en et soyez bénis. »

Des écrits similaires qui osent défier le mandat divin des dirigeants de la Chine apparaissent régulièrement dans toute la Chine, sous forme de banderoles dans les parcs des villes, postés sur les forums Internet, ou écrits à la main sur des billets de banque. Tout cela témoigne d’un mouvement qui a silencieusement balayé la nation. Appelé Tuidang, qu’on peut littéralement traduire par « se retirer du parti, » le mouvement encourage les gens à démissionner publiquement de leur appartenance aux organisations communistes ? Les implications sont multiples. C’est la première fois depuis les années 1980 que la Chine a connu un mouvement dissident aussi vaste et aussi organisé – du moins un mouvement souterrain.

Dès le lendemain, le journal de Jinzhou a fait l’objet d’une enquête du gouvernement. Son site internet a été fermé, et le journal mis hors circulation.

L’incident représente une analogie pertinente pour l’état parti communiste aujourd’hui. Derrière la pompe et le pouvoir percent le ressentiment, le mécontentement et les questions. En 60 ans de gouvernement communiste, la Chine a enduré un bouleversement social qui a laissé de profondes blessures psychiques. Mais dans le climat totalitaire du pays, les gens ont peu d’endroits où discuter ouvertement l’histoire de leur pays ou faire la paix avec le propre rôle qu’ils y jouent. La Chine n’ayant pas eu d’opportunité pour la vérité et la réconciliation, ses citoyens trouvent leurs propres moyens de faire cela.

Cela explique peut-être l’extraordinaire appel du mouvement Tuidang, dont les organisateurs disent qu’il compte plus de 60 millions de participants. Il a commencé à la fin de 2004, lorsque le journal chinois dissident basé à New York, DaJiYuan (Epoch Times, affilié au mouvement spirituel Falun Gong) a publié une série d’éditoriaux polémiques détaillant l’histoire du Parti communiste en Chine. Ils ont aussi proclamé que le pays ne serait vraiment libre ou prospère que lorsqu’il serait débarrassé du parti, lequel, avançait-il allait à l’encontre des valeurs culturelles et spirituelles de la Chine.

Des millions de copies ont réussi à circuler en Chine continentale via les emails, les faxes et les maisons d’édition clandestines. Certains lecteurs chinois disent que le texte a finalement confirmé ce qu’ils ont suspecté tout du long – à propos du Grand Bond en avant, du massacre de Tiananmen, de la Révolution culturelle. Cela leur a offert une reconnaissance que leurs mémoires étaient bien réelles et leurs souffrances partagées.

Mais en dépit des apparences, ce n’est pas un mouvement politique dans le sens habituel du terme. À la différence du mouvement étudiant de 1989, ou du plus récent manifeste de la Charte 2008 – lesquels adoptaient tous les deux le langage de la démocratie occidentale – le mouvement Tuidang emploie un langage chinois et une signification distincts. Plus confucéen qu’humaniste, marquant souvent son point en s’inspirant de la spiritualité Bouddhiste ou Daoiste. Dénoncer le parti n’est donc pas simplement de l’activisme politique, mais s’appuie sur une signification spirituelle, comme un processus de purification de la conscience et de reconnexion aux valeurs éthiques traditionnelles.

En décembre 2004, un mois après que les articles aient été publiés par le journal dissident, ses éditeurs, commençaient à recevoir des déclarations de lecteurs exprimant leur souhait de désavouer leur appartenance au Parti communiste, à la Ligue de la jeunesse, ou aux Jeunes Pionniers, quelquefois après que celle-ci ait techniquement expiré. Aujourd’hui, des déclarations représentant une soixantaine de millions de personnes ont été envoyées au journal, qui les publie sur une base de données en ligne.

L’authenticité des déclarations est impossible à vérifier indépendamment. La plupart des gens les signent en utilisant des alias afin de protéger leur sécurité, et il n’y a pas de provisions pour empêcher les affichages frauduleux.

Mais la question n’est vraiment pas le nombre. Pour ceux qui envoient effectivement leurs déclarations de désaveu du parti, l’affichage offre une plate forme rare pour soulager les frustrations, discuter les idées, partager les histoires de souffrance, ou trouver le pardon.

Beaucoup comportent des récits de victimisation personnelle sous le Parti communiste. Prenez par exemple Ding Weikun, un vétéran du parti de 74 ans de la province rurale du Zhejiang. En 2003, le gouvernement de a ville s’est acoquiné avec des développeurs privés pour s’emparer des terres des fermiers locaux. Les fermiers ont protesté, a écrit M. Ding, et les voyous armés ont été appelés en renfort pour les réprimer. « J’ai assisté au massacre et vu blesser des dizaines de villageois, sur le champ, » notait il. Le vieil homme a essayé de chercher justice en en appelant au gouvernement local, mais il a été arrêté et condamné à la prison par le même parti qu’il avait servi pendant 40 ans.

Tandis que certains écrivent à propos de leur souffrance personnelle, d’autres parlent de leurs crimes. Pour eux, démissionner du parti revient à chercher l’absolution.

“J’ai toujours pensé que j’étais quelqu’un de bien, mais à regarder en arrière, je réalise que je m’étais peu à peu perdu moi-même, » a écrit Xiao Shenbo, un ancien membre du parti de la province du Liaoning dans le nord est de la Chine. « Mon esprit et mon cœur se sont peu à peu corrompus. Je déclare invalide tout ce que j’ai dit et fait dans le passé. C’étaient des décisions prises par ignorance dû aux mensonges et à la propagande du [Parti communiste]. »

M. Xiao ne spécifie jamais ses crimes, mais termine sa publication par une demande de pardon : “Dieu, veuillez me donner cette chance ! Je suis passé par un douloureux examen intérieur, et j’ai l’intention de changer mes manières de faire et de compenser pour ce que j’ai fait. »

Le Parti communiste a réagi par un prévisible et phénoménal dédain. Les termes relatifs au mouvement sont parmi les plus vigoureusement censurés sur l’Internet chinois, et au moins 71 personnes ont été emprisonnées pour avoir été trouvées en possession de cette littérature ou pour avoir favorisé sa propagation. Ce qui signifie que l’activiste qui a vandalisé le porte vélos dans la ville de Jinzhou, si on le trouve, risque de sérieux ennuis.

Le parti a peut-être une bonne raison d’être anxieux. Pendant des décennies, son pouvoir a reposé sur une capacité à censurer l’information, le contrôle de la mémoire publique, et à réprimer tout point de vue dissident. Les déclarations des participants offrent un rare aperçu et une vision pénétrante sur les sources du mécontentement en Chine.

Le mouvement Tuidang montre aussi la manière dont le peuple chinois comprend les droits de l’homme, les libertés civiles et la démocratie, et comment ils peuvent réconcilier ces idées avec un point de vue confucéen plus traditionnel. Il pourrait peut être même servir de précurseur à un autre mouvement pour la démocratie.

Mais quoi qu’il en soit, le mouvement met assurément au défi le point de vue populaire selon lequel la plupart des Chinois se satisfont du statu quo. Alors que le Président Obama prépare sa visite de novembre, voilà des raisons d'envisager de s’engager davantage auprès du peuple chinois, et pas seulement auprès de son gouvernement.

Aujourd’hui, alors que de plus en plus de citoyens chinois se rappellent leur passé, ils pourraient bien aussi changer le futur de la Chine.

Article original à http://www.csmonitor.com/2009/1021/p09s01-coop.html

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.

Contacter les éditeurs :[email protected]

* * *

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.