Les espions chinois prennent pour cible une résidente de Toronto

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo


Le déserteur Hao Fengjun cache son identité en s’entretenant avec une journaliste.
Photo: La Grande Époque
TORONTO –Jillian Ye s’apprêtait à écouter l’enregistrement d’un document secret sorti clandestinement d’une agence de la Sécurité d’État chinoise, s’attendant peut-être à entendre des informations privées. A sa grande surprise, ces informations la concernaient directement.

«Pas possible», s’est exclamé madame Ye, brillante conseillère en base de données vivant dans le secteur est de Toronto, «Ils [les espions] sévissent partout au Canada […] je ne sais quoi dire.»

Le document, obtenu par La Grande Époque la semaine dernière, est intitulé «Intelligence 274(2003), série nkf03292» et est daté du 1er septembre 2004. Il rapporte les plans détaillés de madame Ye pour démarrer une entreprise en communication. À ce moment-là, selon madame Ye, la compagnie n’avait pas encore commencé ses activités et elle avait seulement discuté du sujet en privé.

«Cela m’amène à me demander comment ils obtiennent toutes leurs informations et avec quelle intensité ils nous surveillent», dit-elle.

Le document était destiné au vice-directeur d’un département et remis au ministère des Affaires étrangères en Chine. Il a aussi été envoyé aux bureaux de la Sécurité publique de Beijing, Tianjin, Jiangsu, Shandong, Guangdong et dans d’autres provinces chinoises.

Une cible inattendue

Jillian Ye, 39 ans, est une femme de petite taille, pétillante et à la voix douce d’origine chinoise. Elle est arrivée au Canada au début des années 90 pour compléter une maîtrise en sciences informatiques à l’ University of Western Ontario. Elle est ensuite devenue citoyenne canadienne.

Madame Ye n’a pas d’histoire d’implication dans la politique chinoise ni même dans l’organisation communautaire. Au premier coup d’oeil, elle semble être la personne la moins intéressante pour les services secrets du gouvernement communiste chinois.

C’est ainsi, bien entendu, si vous ignorez qu’elle pratique le Falun Gong.

La famille de madame Ye était une des premières à débuter la pratique du Falun Gong au Canada au milieu des années 90. Le Falun Gong est une discipline spirituelle qui combine des étirements de type yoga, de la méditation et des principes moraux basés sur l’authenticité, la compassion et la tolérance. À ce moment-là, la pratique était acceptée par le gouvernement chinois. Il faisait d’ailleurs la promotion de la pratique et sa réputation grandissait rapidement.

Toutefois, alors que la popularité du Falun Gong continuait de croître en Chine, l’organisation d’Etat qui surveillait la pratique y a vu une opportunité de faire des profits. Le fondateur du Falun Gong a voulu maintenir la gratuité des activités et s’est retiré de la Société de recherche et de la science du qigong.

Soudainement, le régime chinois s’est retrouvé dans une impasse. Selon son estimation, il y avait plus de 70 millions de citoyens chinois qui pratiquaient le Falun Gong en 1998. Les autorités exigent que toutes les pratiques spirituelles et religieuses soient sous le contrôle de l’État, mais le Falun Gong n’était plus sous son égide. L’ancien président chinois, Jiang Zemin, a commencé à percevoir cette pratique comme une faille béante dans l’emprise que le régime exerce sur l’idéologie du peuple. Il a banni la discipline en juillet 1999 et a enclenché une campagne semblable à la Révolution culturelle pour l’éradiquer. La persécution se poursuit jusqu’à maintenant et a déjà causé 2500 morts confirmées.

De retour au Canada, madame Ye et des milliers de pratiquants du Falun Gong ont commencé à plaider leur cause auprès du gouvernement et des médias pour aider à mettre fin aux tortures et meurtres qui balayaient la Chine. Les efforts parfois bien en vue de Jillian Ye pour exposer la persécution en ont fait une cible de premier choix pour le réseau d’espionnage de la Chine à l’étranger.

Madame Ye et plusieurs autres personnes ont toujours su que des agents secrets les surveillaient de près, mais elles n’avaient cependant jamais anticipé que ceux-ci en savaient autant.

Il y a deux semaines, Hao Fengjun, un ancien policier chinois qui avait récemment déserté en Australie, a fourni un document, qu’il a passé hors de Chine, au sujet de madame Ye.

M. Hao travaillait pour une branche du département de sécurité à Tianjin appelée le Bureau 610. Il affirme que cette agence est présente partout dans la société chinoise et à tous les niveaux du gouvernement. Selon des rapports venant de Chine, les autorités du Bureau 610 surveillent constamment, harcèlent, battent, torturent et tuent les pratiquants du Falun Gong en Chine. Selon M. Hao, l’agence envoie aussi des milliers d’espions outre-mer pour espionner les pratiquants résidant à l’étranger.

Hao Fengjun dit que le document, qui contient les moindres détails des actions de madame Ye pour acheter une maison à ses parents en août 2004, a été considéré comme une information de deuxième niveau, donnant à ce renseignement une valeur d’une centaine de milliers de yens chinois (près de 15 000 $ CAN).

En plus des rapports au sujet de Jillian Ye, M. Hao a passé hors de Chine une centaine de documents similaires lorsqu’il s’est esquivé lors d’une visite organisée en février dernier en Australie. Il y a deux semaines, il est sorti de l’ombre et a publiquement révélé ses informations sur l’espionnage. Il dit avoir été inspiré de la désertion d’un fonctionnaire du consulat chinois de Sydney qui a révélé la présence d’un millier d’espions en sol australien.

Chen Yonglin, premier secrétaire du consulat général de la Chine à Sydney, dit que le travail «pervers» qu’il était forcé de faire en surveillant et réprimant les pratiquants de Falun Gong et les activistes démocrates l’a poussé à trouver une porte de sortie.

M. Hao estime que le réseau d’espionnage au Canada est très similaire à celui de l’Australie décrit par Chen Yonglin. Il dit que les noms de code sont assignés en fonction du rôle de l’espion. Ceux en charge du Falun Gong ont le code «F101». Leur rôle au Canada était de tenir une liste des noms des pratiquants, les harceler, les menacer pour qu’ils cessent de protester contre la persécution menée par le Parti communiste chinois (PCC) et écouter leurs conversations téléphoniques.

Horreurs dans la mère-patrie

En tant que policier assigné au Bureau 610 à Tianjin, M. Hao n’a pas seulement vu les rapports d’espionnage à l’étranger, mais aussi la persécution dans son pays.

Peu après octobre 2000, il a été témoin d’un collègue qui a brutalement battu avec une barre de fer une pratiquante de Falun Gong. La victime, du nom de Sun Ti, était mère d’une adolescente de 15 ans. On a demandé à M. Hao de se taire.

Un mois plus tard, un superviseur a visité le Bureau 610 et a ordonné aux officiers de ne pas craindre le sang et la mort lorsqu’ils s’occupent du Falun Gong. Monsieur Hao dit s’être seulement fait avertir «d’empêcher que des secrets qui pourraient influencer l’opinion de la communauté internationale soient connus au sujet du gouvernement chinois».

Les allégations faites par M. Hao et M. Chen ont été niées par l’ambassadeur chinois en Australie.

Jillian Ye croit que le gouvernement canadien peut faire davantage pour bloquer les actions des agents chinois.

«Beaucoup d’immigrants chinois au Canada vivent encore dans l’ombre du Parti communiste», dit-elle. «Ils n’osent pas appuyer le Falun Gong en raison de la pression et peut-être que, pousser par la peur, ils font du travail d’espionnage.»

«Si le gouvernement canadien était plus ouvert et plus ferme dans sa critique de la persécution du Falun Gong par le PCC et par sa campagne d’espionnage au Canada, plusieurs Chinois se sentiraient plus en sécurité ici et ils cesseraient de faire ces actes de surveillance contre leur gré.»

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.

* * *

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.