C’était le plus grand défi lancé aux autorités officielles de la Chine depuis la manifestation de Tienanmen en 1989. Le 1er juillet, un demi million de personnes est sorti dans les rues dans l’ancienne colonie britannique, pour protester contre ces nouvelles et dures lois sur la sécurité nationale, dont beaucoup craignent qu’elles n’entravent la liberté dans cette ville pleine de vie. La manifestation pacifique, jour pour jour six ans après le retour de Hongkong à la Chine, montre au Chef Exécutif Tung Chee-hwa qu’une crise politique grandissante s’installe au fur et à mesure que la frustration populaire s’accroît face aux performances de cette administration impopulaire et au manque de réforme politique.
Ayant chaud et fatiguée, mais exultante après une marche de plus de quatre heures dans cette chaleur étouffante, la jeune étudiante en assistance sociale de l’Université Baptiste Charis Yau espère que Tang et son gouvernement comprendront la profonde hostilité du public vis-à-vis de ces lois. « Nous voulons montrer la puissance du peuple » dit-elle. Chung Wan-sung un autre étudiant fait écho au sentiment de beaucoup d’autres marcheurs en réclamant une réforme politique. « Le processus n’est pas juste », dit l’étudiante de 22ans. « Les citoyens doivent être les maîtres de la société. Le gouvernement ne nous écoute pas alors nous descendons dans les rues ».
Tandis que les nouvelles lois sur la sécurité étaient les véritables catalyseurs de l’énorme protestation qui a abasourdi les organisateurs ainsi que le gouvernement, il était clair que le mécontentement de la population contre Tung et son équipe face à la récente crise du Syndrome Respiratoire Aigu a été un facteur majeur dans pour l’assistance. Hongkong a été déclaré zone libre du virus mortel pour le moment, pourtant l’économie locale est dans le marasme, le chômage a augmenté de 8% et un déclin accablant du marché immobilier continue à éroder la richesse des propriétaires immobiliers. Des slogans sur posters, banderoles ou T-shirts, certains inhabituellement grossiers pour Hongkong, ridiculisaient Tung et ses hauts fonctionnaires les appelant à démissionner. Le Chef de la Sécurité Regina Ip, qui a défendu agressivement les nouvelles lois en était la cible principale.
Cependant, en dépit de la condamnation locale et d’outremer, le 09 juillet le gouvernement a l’intention de promulguer les nouvelles lois dont les critiques disent qu’elles donneront aux autorités le pouvoir de réduire au silence les opposants politiques et de contrôler la presse sous le prétexte de protéger la sécurité nationale. Dans une déclaration publiée après que des centaines et des milliers de personnes, la plupart vêtues de noir, aient tourné autour de son bureau pendant a peu près six heures dans la zone d’affaire du centre de Hongkong, Tung a dit qu’il était « préoccupé » par l’ampleur de la protestation mais il refuse de revenir en arrière. Tung dit « Les droits et les libertés dont jouit le peuple de Hongkong ne seront pas affectés ».
Pour certains manifestants, la marche rappelle des souvenirs cuisants de la manifestation sanglante de Tienanmen du 04 juin 1989, qui amena plus d’un million de personnes à sortir dans les rues, de la colonie britannique d’alors, en soutien aux victimes de Beijing. La plupart des protestataires du 01 juillet sont conscients que les nouvelles lois proposées pour Hongkong ont un rapport direct avec ces événements. Apres les bouleversements de Tienanmen et les protestations associés de Hongkong, la Chine avait insisté sur le fait que la constitution lors de la passation des pouvoirs devait inclure une disposition qui obligerait l’administration locale future d’introduire de nouvelles lois de sécurité nationale. C’est cette disposition, l’article 23, qui est derrière l’actuelle vague de dissidence
Par coïncidence, le dirigeant Chinois qui joua un petit, mais dramatique rôle dans les protestations de Tienanmen, le premier Ministre Wen Jiabao, était en visite à Hongkong pour l’anniversaire de la passation, quand les manifestants ont commencé à se regrouper dans les rues. Wen, à l’époque soutien de l’ancien Chef du Parti Communiste Zhao Zhiyang, était avec Zhao quand celui-ci rendit visite aux étudiants à Tienanmen en amont de la répression.
Zhao a été par la suite écarté pour sa sympathie envers les manifestants et est depuis lors sous arrêt virtuel à domicile Cependant, Wen a refusé de répondre aux questions sur la manifestation de Hongkong et s’en est allé plusieurs heures avant le début de la manifestation. Dans le seul commentaire qu’il a fait sur les nouvelles lois de sécurité, il a cherché à rassurer le public. « L’Article 23 n’affectera pas le peuple de Hongkong, ni les journalistes, qui continueront à jouir des différents droits et libertés sous la loi », a-t-il dit-.
Malgré ces assurances des hauts dirigeants du gouvernement et des experts légaux de l’administration de Tung, le vaste malaise généré par ces lois ne s’est pas dissipé. Beaucoup pensent qu’elles vont au-delà de ce qui est nécessaire. La plus grosse crainte étant qu’elle donne au gouvernement pouvoir de bannir toute organisation de Hongkong ayant été jugée comme une menace à la sécurité nationale sur le continent. Les critiques disent que c’est une porte ouverte pour fustiger tous les groupes qui défieraient le Parti Communiste Chinois.
Cela signifie que les groupes tel que le mouvement spirituel Falun Gong, proscrit en Chine en tant que menace à la sécurité de l’état, pourrait aussi être banni à Hongkong. Les églises de Hongkong pensent qu’ils pourraient être aussi en danger. En plus, pour renforcer encore ces craintes, c’est un fonctionnaire de la sécurité du gouvernement, plutôt que les tribunaux, qui déciderait si un groupe pourrait protester ou non contre une telle interdiction.
LES CRAINTES DE LA PRESSE
Les journalistes locaux craignent que les infractions telles que de publier des secrets d’état pourraient servir à museler la presse indépendante de Hongkong. Ils sont aussi alarmés par le fait qu’il n’y aura pas de défense de l’intérêt public autorisée pour justifier la publication d’information ou communications gouvernementales entre les pouvoirs locaux et les autorités centrales. Et les nouvelles lois permettraient également à la police de faire des fouilles dans des propriétés privées sans mandat si il y a suspicion de menace à la sécurité nationale.
Pour défendre les propositions, l’administration Tung fait allusion à des lois draconiennes similaires dans les pays occidentaux Et il peut compter aussi sur certains appuis à Hongkong. Des syndicats sympathisants ont démontré leur appui à ces mesures – entre autres par des activités parallèles le 01 juillet en insistant sur le fait que c’est le devoir patriotique de Hongkong de protéger la sécurité de la patrie. Tung peut aussi compter sur des groupes pro Beijing et pro affaires du Conseil Législatif pour faire passer la loi. Mais les opposants ripostent que Hongkong manque des contrôles et des balances d’une démocratie développée et d’un gouvernement ouvert pour protéger les gens contre ces abus de pouvoirs. Ils disent que les nouvelles lois seraient beaucoup plus acceptables si Tung avait proposé en même temps le suffrage universel. La constitution du Territoire le prévoit à partir de 2007.
En même temps que la montée des critiques locales, les gouvernements étrangers se sont aussi joints au choeur des désapprobations. La Grande Bretagne pense que ces nouvelles lois menacent la formule du « un pays, deux systèmes » dont la Chine a promis qu’elle protégerait les libertés de Hongkong pendant 50 ans après la rétrocession de 1997. A la veille de la protestation, le Ministre des Affaires Etrangères Britannique Bill Rammell a dit dans une déclaration que les dispositions permettant l’interdiction des groupes proscrits sur le continent on « brouillé la ligne de démarcation » entre les systèmes légaux de Hongkong et ceux de la Chine. Le Congrès des Etats-Unis a passé le 26 juin à la majorité une résolution demandant à Tung de laisser tomber les lois et de tenir immédiatement des élections pour toute la législature locale. Seuls 24 des 60 membres du Conseil Législatif sont à présent directement élus.
Cependant il n’y a aucun signe d’assouplissement politique en Chine qui permettrait des changements démocratiques à Hongkong. Ce qui signifie que la pression pour des changements ne va pas tarder à monter. Le danger pour Tang et les autorités de Beijing est que les habitants de Hongkong qui en temps normal sont réservés ont montré qu’ils peuvent calmement exercer leur pouvoir dans les rues si on les empêche de traiter leurs affaires. Les parties pro démocratiques menacent à présent de plus de manifestations massives quand les lois seront promulguées. Il est possible que ces lois supposées protéger la sécurité nationale aient le résultat exactement inverse.
http://www.feer.com/articles/2003/0307_10/p016region.html
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