Baltimore Sun : La Chine recouvre du SRAS grâce au chant patriotique des médias

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Le Gouvernement lance 'La Guerre du Peuple' pour rassembler la nation par le moyen de la propagande
Par Gady A. Epstein

Sun Foreign Staff
Publié originellement le 23 mai 2003

BEIJING – Voici certains des faits à propos de l’épidémie de SRAS en Chine. Le gouvernement de la Chine a caché le tout début de la propagation de la maladie, aidant à créer une crise de la santé publique et montrant qu’elle n’était plus au courant des besoins de ses citoyens.

Mais voici les faits tels que les a présentés le gouvernement chinois. Ça a été le gouvernement central qui est venu à la rescousse, réparant les erreurs des fonctionnaires locaux qui avaient échoué à saisir la magnitude de la menace.

Les docteurs et les infirmières ont vu, impuissants, leurs collègues mourir du SRAS à cause du piètre contrôle de l’infection, bien que le gouvernement ait été averti plusieurs mois auparavant de la nature contagieuse du virus.

Mais dans l’essor des chants télévisés et les odes poétiques dans les journaux, ces « guerriers de blanc vêtus » et ces « anges » ont fièrement risqué leurs vies pour le plus grand bien de la République Communiste Populaire, bâtissant avec leur chair et leur sang une nouvelle Grande Muraille. »

“Il doit y avoir des morts dans une guerre difficile, chaque soldat fera face à la mort à tout moment,” dit un poème typiquement militaire louant les employés de la santé, publié le week-end dernier dans le journal du Parti Communiste le People’s Daily. «Malheureusement, nous pouvons un jour être infecté par le virus, et devoir abandonner notre garde, alors sourions calmement, et prenons la « fierté » pour épitaphe.

De nombreux observateurs de la Chine ont exprimé l’espoir que l’irruption du SRAS serait le Chernobyl de la Chine, empêchant une miraculeuse conversion à l’ouverture d’un gouvernement avec presque 54 ans d’histoire de strict contrôle politique et médiatique.

Au contraire, le gouvernement a reculé les pendules, donnant un coup de manivelle pour que les engrenages de sa machine de propagande fonctionnent à plein rendement et remballant la rhétorique de l’époque de Mao en un effort concerté pour rassembler la nation dans une « Guerre Populaire » contre le SRAS.

C’est l’équivalent chinois de l’humeur nationale aux Etats-Unis après les attaques du 11 sept. La guerre au Sras est la guerre au terrorisme, les employés de la santé sont les combattants du feu et les officiers de police qui risquent leurs vies pour sauver les autres, et le président Hu Jintao est le président Bush assurant sa place de leader dans l’ urgence nationale.

"Les médias d’Amérique après le 9/11 et les médias chinois après la déclaration du SRAS sont complètement similaires,” a dit Li Xiguang, un professeur de journalisme et directeur du Centre des Etudes de Communications Internationales à l’Université Tsinghua de Beijing. « Je pense que le public a besoin de ça … Ils ont besoin de l’assurance, de la confirmation finale du gouvernement que tout va bien, qu’il n’y a pas de danger, tout est sous contrôle du gouvernement."

Une différence essentielle toutefois, c’est que dans la version américaine la propagande nationaliste après le 11 sept était menée par une demande publique de héros face à une attaque extérieure, et les médias avaient la liberté d’enquêter et de rapporter les erreurs faites par le gouvernement. Le public américain s’est rassemblé autour des équipes de secours et du président, et nombre de médias agitaient les drapeaux pour les soutenir – par choix.

Contrôle officiel

Le Parti Communiste Chinois, par contraste, a utilisé son monopole de contrôle des médias pour fabriquer des héros et des scélérats pendant 54 ans et le fait souvent pour détourner l’attention des problèmes qu’il a aidé à créer et ne peut pas résoudre.

Bien que les dirigeants aient montré bien plus de tolérance ces dernières années pour une presse agressive essayant de vendre des articles, cette liberté ne s’étend pas aux questions politiquement sensibles qui projettent sur les dirigeants une lumière négative.

Pendant des années, des journaux audacieux ont testé les limites pour voir jusqu’où ils pouvaient aller, mais les médias d’état opèrent sous la menace constante de la censure, la discipline, la suspension ou la fermeture si leurs publications vont trop loin.

Un hebdomadaire de Guangdong, le World Herald du 21ème siècle, a reçu l’ordre de suspendre sa publication en mars, après avoir imprimé un commentaire signé encourageant la réforme politique et qui critiquait l’ancien leader suprême Deng Xiaoping. Il n’a pas encore repris la publication.

Les éditeurs en chef de deux autres publications, l’hebdomadaire Beijing's China News et le Southern Weekend de Guangdong, ont été réassignés cette année après avoir offensé de Hauts-Fonctionnaires par leurs articles politiques.

Les Haut dirigeants ont ordonné que les médias d’état ne rapportent pas la propagation du SRAS dans le sud du Guangdong, d’où on croit qu’elle a surgi l’automne dernier, et dans toute la Chine. A l’exception d’une brève période d’ouverture dans le Guangdong à la mi-février, les média n’ont fourni quasi aucune information sur le SRAS, et le programme de télévision le plus regardé a ignoré le sujet jusqu’au début du mois dernier.

Les dommages causés par de tels contrôles semblent n’avoir modifié que les tactiques du gouvernement mais pas ses buts sous-jacents. Le Ministère de la Propagande a levé l’interdiction sur le SRAS mais a dicté que la couverture devrait adopter un ton positif.

Ce mois-ci, l’officielle New China News Agency rapportait un désastre sous-marin dans lequel l’équipage a trouvé la mort, une reconnaissance d’un accident militaire extrêmement rare que certains analystes sont considéré comme un effort calculé de se montrer ouvert après l’embarras du SRAS.

Quelques autres parutions, dont le magazine Caijing basé à Pékin, une bi semestriel à petit triage, a repoussé les limites sur le SRAS ces récentes semaines en publiant des exposés sur des sujets comme les soins de santé dans les zones rurales. Mais de tels reportages se focalisent généralement sur des problèmes sociaux officiellement reconnus et ne s’aventurent pas à trop critiquer les dirigeants du gouvernement central.
Comme une campagne de guerre

Le ton prédominant des programmes et des journaux est représenté par l’avalanche de chants patriotiques et d’articles le mois dernier, montrant les hauts dirigeants conduisant des inspections dans les hôpitaux et déclarant la résolution nationale à vaincre le SRAS.

"Le gouvernement chinois a été habitué à se servir de la propagande politique pour résoudre tous les problèmes dans le passé,” a dit Chen Lidan, un journaliste professeur à l’Académie des Sciences Sociales à Beijing qui doit publier un commentaire sur le rôle de la propagande durant l’épidémie de Sras dans une revue de journalisme de Shangai."Le Parti Communiste est arrivé au pouvoir par la guerre, alors les médias ont beaucoup d’expressions de guerre ou militaires. Mais le Sras en fait a besoin de quarantaines. Il ne peut être résolu par une campagne politique des masses.."

Le succès de la campagne du gouvernement contre le SRAS peut dépendre en partie du succès de sa campagne de propagande. En offrant des chants, des poèmes et des flash d’informations liés au Sras sur presque chaque chaîne de télévision et dans presque chaque journal, Beijing a envoyé un message clair que le SRAS est une grave menace à la santé publique.

Une station de télévision nationale destinée aux régions rurales populeuses jouait un chant éduquant les paysans à propos du virus :
"Chers amis paysans, écoutez je vous prie, votre santé est aussi précieuse que l’or, le gouvernement s’en inquiète," la chanson commence . "les Symptômes du SRAS sont manifestes, une fièvre avec une toux sèche, plus des douleurs musculaires dans tout le corps. ... Si des membres de vos familles ont de tels symptômes, envoyez immédiatement chez les médecins, il faut vous mettre en quarantaine pour éviter la propagation de l’infection, ne remettez jamais au lendemain."

Le chanteur est Xue Cun, qui a aussi chanté une refrain honorant le patriotisme des paysans. Xue conclut la chansonnette folklorique en chantant « ‘le gouvernement s’inquiète [de votre santé], les installations médicales ne sont pas bonnes à la campagne, vous devez prêter attention à la prévention, un beau lendemain nous attend vous et moi. »

Au delà des effets pratiques d’un tel effort des médias, on ne sait pas bien quelle efficacité politique aura cette propagande dans une époque de communication électronique et de réformes économiques qui ont permis au public de réfléchir beaucoup plus à ce que peut raconter le Parti communiste.

Les tentatives de slogans de l’ex-président Jiang Zemin sont encore ridiculisés de façons qui auraient été impensables sous Mao Tse tung, lorsque les gens vivaient dans un monde clos, claustrophobique de la marque du parti.

Le Sras a provoqué de nouveaux plissements satiriques, dont ces petit pièces cinglantes à propos du Parti communiste, qui se fraient un chemin sur les messages textes des téléphones portables : « Le parti n’a pas pu contrôler son gaspillage sur les banquets, le Sras a résolu la question, le parti n’a pas pu contrôler son utilisation des fonds publics, le Sras l’a résolu. Le parti n’a pas pu supprimé es montagnes de documents et les mers de meetings, le Sras l’a résolu. Le parti n’a pas pu éliminé a tricherie et la dissimulation des officiels, le Sras l’a résolu. Le parti n’a pas pu arrêter la prostitution, le Sras l’a résolu. ."

Les limites de l’influence du parti ont été particulièrement claires dans les premiers mois de la déclaration du Sras. Lorsque des dizaines de milliers de chinois ont partagé l’information sur la propagation du virus via messages sur les téléphones portables, les e-mail et le chat internet, tandis que le gouvernement ne disait rien. Lorsque les officiels ont brisé leur silence ce mois ci, ils ont publiquement affirmé que le Sras était sous contrôle, même alors que l’épidémie de propageait à Beijing.

Cela a rendu furieux un médecin militaire de 72 ans à Biejing, Jiang Yanyong, qui n’a pas tardé à dire aux journalistes que le gouvernement mentait à propos du nombre de cas de SRAS à Beijing. Jiang, qui a risqué le châtiment du gouvernement pour avoir parlé, a été ignoré par les nouvelles des médias chinois jusqu’à ce que les journalistes étrangers demandent de ses nouvelles à de hauts fonctionnaires la semaine dernière.

Depuis lors, une radio chinoise a fait une interview avec lui sur sa vie, dans laquelle le point central semble être que le gouvernement n’a pas mis de restrictions sur lui. Son rôle en révélant la dissimulation du Sras est mentionné comme en passant.


Le gouvernement a de nombreuse plate-formes à sa disposition pour louer de tels héros, don’t une chaîne de nouvelles émettant 24h sur 24 inaugurée ce mois-ci, mais seuls les héros politiquement corrects sont concernés.

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