李白, Lǐ Bái (701-762) ou Lǐ Bó, ou encore 李太白 Lǐ Táibó, son nom de plume, est un des plus grands poètes chinois de la dynastie Tang. Il passa la plus grande partie de sa vie à voyager à travers la Chine. Influencé par la pensée Taoiste, il était sensible aux aspects fantastiques de la nature sauvage. Son œuvre exprime sa personnalité, qui refusait les contraintes. Sa vie plus ou moins légendaire a inspiré pièces et récits.
Li Bai chantant un poème (http://fr.wikipedia.org/wiki/Li_Bai) |
Ascension en rêve du Mont Tianmu*
Ecrit par Li Bai qui vécut sous la Dynastie Tang
Un visiteur marin parlera du Japon,
dont les eaux et les brumes découragent l’approche
Mais le peuple de Yueh parle de notre Mère Céleste la Montagne,
pourtant visible à travers ses nuages d’épaisseurs variables.
En droite ligne vers les cieux, son sommet pénètre le ciel,
Elle coiffe les cinq Sommets Sacrés, et projette une ombre sur toute la Chine,
Avec sa Chaîne de Terrasses merveilleuses longue de cent miles,
Qui à cet endroit amorce un tournant vers le sud-est.
…Mon Cœur et mes rêves sont à Wu et à Yueh
Et toute la nuit, sous la lune ils traversent le Lac Miroir.
Et la lune éclaire mon ombre
Et mon chemin vers le fleuve Yan…
L’ermitage de Xie est toujours là
Et l’appel des singes s’entend clairement au-dessus des murmures de l’eau verdoyante.
Je porte des bottes trouées,
Et monte une échelle de nuage bleue,
À mi-chemin un océan ensoleillé,
Dans l’espace un chant de coq sacré,
Des myriades de cimes et davantage de vallées mais nulle part de route.
Les fleurs me séduisent, les roches me calment. Soudain la journée est finie.
Sur la montagne et sur le fleuve, les ours, les dragons tempétueux,
Effraient la forêt et font trembler les cimes.
Une pluie noire assombrit les nuages,
Les torrents palissent sous le crachin blême
Les Dieux du Tonnerre et de la Foudre fracassent toute la chaîne.
La porte en pierre se brise en deux,
déchargeant dans la fosse des cieux une ombre impénétrable.
…Mais à présent le soleil et la lune illuminent la chaîne d’or et d’argent,
Et drapées de vêtements d’arc-en-ciel, chevauchant le vent,
Arrivent les reines de tous les nuages,
Descendant l’une après l’autre,
Des tigres pour luthistes et des phénix pour danseurs
Comme des champs de chanvre, rangée après rangée, les silhouettes des fées se déploient.
Je bouge, mon âme s’envole,
Je me réveille avec un long soupir,
Dans les nuages perdus que sont mes oreillers et ma paillasse.
…Il en va toujours ainsi de la joie humaine.
Dix mille choses s’enfuient pour toujours comme de l’eau qui ruisselle vers l’est.
Aussi je prends congé de vous, je ne sais pour combien de temps.
…Mais laissez moi, sur ma verte pente, élever un daim blanc,
et chevaucher jusqu’à vous quand j’en éprouve le besoin.
Ah, comment pourrais-je solennellement faire des courbettes aux hommes de haut rang et aux fonctionnaires
Qui ne souffriraient jamais de se trouver face à un honnête homme.
LI Bai est connu comme le Poète immortel. Le poème cité ci-dessus est l’un des plus connu et appartient à ses chefs-d’œuvre. C’est une perle dans la couronne de la poésie traditionnelle chinoise. Toute personne qui s'intéresse à LI bai doit absolument lire ce poème, parce qu’il est rempli de scènes mystérieuses et merveilleuses et d’images exquises. Sa dernière phrase qui est la plus connue et qui sort du commun : "comment pourrais-je solennellement faire des courbettes aux hommes de haut rang et aux fonctionnaires qui ne souffriraient jamais de se trouver face à un honnête homme " a été récitée pendant des siècles. Ce poème fascinera tout ceux qui le lisent,- fonctionnaires de haut rang, commerçants, joueurs, célébrités et élites, tous seront fascinés par ce poème qui encourage à devenir un homme honnête agissant avec dignité. Peut être résonnera t il à l’oreille des gens du monde entier ! Il aide à mettre le doigt sur les choses profondes de la vie.
Tous les érudits littéraires chinois ont salué ce poème. Parce que son titre est " Voyage en rêve" , beaucoup de gens pensent que le " rêve" en est le thème principal. Ils pensent que le poète a voulu faire passer ses idées via un rêve imaginaire.
Li Bai a écrit ce poème alors qu’il avait été exilé de la ville de Chang’an (qui à l’époque était la capitale de la Dynastie Tang) par l’empereur, car il avait offensé certains nobles. Les gens croyaient que Li Bai avait fait un rêve, et qu’il exprimait par ce rêve sa nostalgie d'une vie de liberté ainsi que son dédain de la politique répugnante, de la puissance et de la renommée. Ils applaudissaient sa nature noble mais éprouvaient aussi de la pitié pour lui. Certaines personnes ont même fait des commentaires tendancieux, à leurs yeux ce poème se fait l’avocat de la poursuite de la liberté et de l'individualisme. À travers les siècles il y a eu plusieurs discussions sur le style artistique de ce poème. L’opinion la plus largement reconnue dit que Li Bai a employé une technique romantique exagérée, qui lui a permis de créer un monde imaginaire magnifique et voilé. Pour eux tout ce que le poète a exprimé était purement le fruit de son imagination.
Pourquoi les gens étaient-il aussi sûrs que les scènes décrites dans ce poème étaient purement fictives? Les rêves d’un homme ordinaire sont en général fragmentés et leur souvenir en est vague et sans couleur. La majorité des gens n’ont jamais fait de rêve aussi réel qui aurait pu leur faire croire être entré réellement dans un monde incomparablement noble. C’est pourquoi la plupart des gens pensent que ce poème est purement basé sur l’imagination et que c’est le fruit d’un raffinement artistique.
Ce qui en fait un bon poème est que le poète nous a présenté une histoire plausible. L'apparition d’un monde nouveau a choqué le poète lui-même. Le monde qu’il a rencontré était si réel et merveilleux qu’il s’est senti perdu quand il est revenu dans le monde humain. Il avait compris le but final de la vie. Cette expérience est extraordinaire car le poète est en fait entré dans un monde qui était sur un plan plus élevé que le notre, autrement dit dans une autre dimension. Il a rassemblé et s’est rappelé ce qu’il a vu et entendu là-bas et a transposé sa compréhension et ses ressentis dans un poème.
Le paysage qu’il a vu dans son rêve n’était pas vague du tout. Ces mots brossent progressivement un pays de merveilles splendides. Au début le poète écrit : "Un visiteur marin parlera du Japon, Inaccessible derrière ses eaux et ses brumes ". Puis il décrit comment à ce moment il est entré dans cette dimension : "Mon cœur et mes rêves sont à Wu et à Yueh. Et toute la nuit, sous la lune ils traversent le Lac Miroir.. " , et il grimpe : "Et monte une échelle de nuage bleue, " . Les pratiquants qui ont expérimenté la sortie de leur Yuanshen du corps pour se promener dans les espaces, ont éprouvé la sensation de voler dans le ciel et cela est une chose assez courante dans le milieu des pratiquants.
Aussi il est assez facile de comprendre les sentiments de Li Bai. Après que ces scènes extraordinairement belles soient apparues devant les yeux du poète, " Des myriades de cimes et davantage de vallées mais nulle part de route. Les fleurs me séduisent, les roches me calment. Soudain la journée est finie", le poète est fasciné et d’autres scènes encore plus magnifiques émergent: " Les Dieux du Tonnerre et de la Foudre fracassent toute la chaîne. La porte en pierre se casse en deux, Remplissant la fosse des cieux d’une ombre impénétrable. Avec un bruit de tonnerre terrifiant, la porte des cieux s’ouvre dévoilant le soleil et la lune qui brillent." Aux yeux du poète "Et drapées de vêtements arc-en-ciel, chevauchant le vent, Arrivent les reines de tous les nuages, Descendant l’une après l’autre, Comme des champs de chanvre, rangée après rangée, les silhouettes des fées se déploient" représentait une scène vivante et passionnante des cieux ".
Mais le rêve s’arrête brusquement."Je bouge, mon âme s’envole, Je me réveille avec un long soupir. " Après la vision grandiose des êtres angéliques s’alignant dans les cieux, le poète revient dans le monde humain avec un profond soupir. La prétendue réalité et le prétendu bonheur ressemblent vraiment à un rêve. Tout dans le monde humain est aussi fugace que l’eau qui coule. Le poète espérait pouvoir laisser ce monde illusoire et matériel pour aller visiter les déités sur les montagnes vertes sur le dos d’un daim. Il réalisait que les choses fondamentales l’amenant à la vie éternelle étaient plus importantes que le gain et la perte du monde humain et là était la raison de sa tristesse.
Ce poème est si magnifique, clair et fluide. Il n’exprime pas la déception de Li Bai. Au contraire c’est la sublimation du poète après qu’il ait trouvé la vraie signification de la vie, et qu'il ait eu un aperçu du monde véritable et grandiose des immortels, du salut qui l’attend quand il aura laissé ses attachements humains et lâché prise après cette vision de la vérité.
La vraie signification de la vie est de retourner à sa vraie nature et de suivre le Tao (La Voie de la Nature et de l’Univers). L'homme moderne ne peut absolument pas comprendre cette sublimation. Au contraire il pense que c'est une retraite négative hors de la société. Quand les gens lisent les deux dernières lignes du poème ils sont en même temps choqués et encouragés parce que leur vraie nature a été touchée et non parce que ce sont des cris d’insatisfaction.
Beaucoup de poètes du temps passé étaient des pratiquants. Ils pouvaient donc voir les autres espaces quand ils étaient en méditation ou dans leurs rêves. Li Bai était un pratiquant Taoïste. Une déception du monde humain pourrait avoir une signification opposée à des niveaux plus élevés. Quand Li Bai décida de quitter la bureaucratie dans laquelle les gens se battent pour obtenir gains et profits, les êtres de niveau élevé des autres dimensions qui s’occupaient de lui ou ceux qui avaient des relations prédestinées avec lui ont pu décider de lui montrer la vraie image du monde immortel.
" Des tigres pour luthistes et des phénix pour danseurs Comme des champs de chanvre, rangée après rangée " . La scène n’était qu’un aperçu mais le poète s’est aussitôt éveillé à la vérité. Puisque les autres dimensions sont à un niveau plus élevé , leurs scènes sont plus belles et plus riches. Il y a une autre raison fondamentale pour laquelle ce poème est frappant.
Pareillement, dans le passé la médecine chinoise utilisait des techniques d’autres espaces et était donc très efficace. Beaucoup de cas semblables prévalaient dans tous les poèmes classiques chinois. Par exemple il y a un poème de Song Qi qui dit : " Le printemps bruisse sur les branches d’un abricotier rouge." Plus tard les générations futures ont fait l’éloge de l’image " bruisser ". En fait le poète a choisi " bruisser " parce qu’il avait vu la vraie réalité des autres espaces et l’avait tout simplement mentionné dans son poème, élargissant la conception artistique du poète. Le poème " Ascension du Mont Tianmu" est un travail représentatif de ce genre de poésie.
* Tianmu = troisième oeil
Version chinoise disponible à : http://www.zhengjian.org/zj/articles/2003/5/17/21604.html
Source de la traduction anglaise du poème : http://etext.lib.virginia.edu/chinese/frame.htm
Légende de la photo en une : Caractères 壮观 / 壯觀, « grandiose/magnifique » écrits par le poète Li Bai en 735 sur la falaise du temple Xuankongsi. [Zhangzhugang — Travail personnel- Wikipédia]
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