Un député européen évoque sa rencontre avec des pratiquants de Falun Gong lors d’un récent voyage à Pékin et suite à la récente attribution du Prix Sakharov à un dissident chinois

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15-01-2009

Né à Cracovie en 1953, Boguslaw Sonik est membre du Groupe du Parti populaire européen et des Démocrates européens et co-auteur de nombreuses résolutions du Parlement prenant la défense des libertés fondamentales. Victime lui-même du communisme avant la chute du mur de Berlin, il est devenu l’un des grands défenseurs au Parlement du devoir de mémoire.

LGE : Vous vous êtes récemment rendu en Chine avec une délégation parlementaire européenne. Comment cela s’est-il passé ?

J’essayais déjà depuis un certain temps de me rendre en Chine avec notre Sous-commission des droits de l’homme. Nous avons négocié pendant deux mois. Pékin a refusé de nous accueillir parce que le Parlement européen a décerné le prix Sakharov à Hu Jia. Pour eux, ce n’était pas acceptable.


Finalement il y a eu une rencontre bilatérale entre l’Union européenne et le Parlement chinois. Nous avons abordé plusieurs dossiers, surtout économiques. Il y a aussi eu un dossier droits de l’homme.
Nous avons été accueillis à Pékin. Pendant deux jours, nous avons participé à des débats surtout sur les questions économiques, les relations Europe-Chine. Le dossier le plus difficile à traiter à été celui des droits de l’homme.

LGE : Comment avez-vous abordé ce sujet ?

L’une de nos députés a fait une présentation de notre vision au sujet du respect des droits de l’homme. Elle a demandé au gouvernement chinois d’accepter de donner un passeport à Hu Jia pour qu’il puisse venir au Parlement européen pour recevoir le prix Sakharov. Bien sûr, l’ambiance est soudainement devenue glaciale. Un représentant du gouvernement chinois a dit que c’était une provocation. Il a quitté la rencontre sans nous saluer. Après cet incident, cela s’est déroulé plus ou moins convenablement. J’avais l’impression que le gouvernement de Pékin ne voulait pas aborder ce sujet-là, malgré le fait que ce sujet est très important pour nous.


[...]

LGE : Le 25 novembre, Helga Trüpel, eurodéputée, a tenté de rendre visite à Zeng Jinyan, l’épouse de Hu Jia et à sa fille âgée d’un an, à son domicile en banlieue de Pékin. Elle a été refoulée, de même que les journalistes étrangers présents sur les lieux. Vous étiez à Pékin au même moment. Quel est votre avis sur les faits ?


Ecoutez, je ne comprends pas la grande Chine, le Gouvernement qui dirige une nation très puissante qui a peur de quelques personnes qui essaient de se référer aux libertés, aux droits de l’homme. Je n’ai jamais compris cette attitude des dictateurs.


Je pense que si l’on veut essayer de bâtir un pays développé avec un grand espace économique libre, il faut l’associer à la liberté de parole et à toutes les libertés qui peuvent aussi propager une image de la Chine, non d’un pays totalitaire mais d’un pays qui développe en même temps l’économie et la liberté. Je regrette tout ce qui se passe au niveau du manque des libertés.

LGE : Vous avez rencontré à Pékin des avocats de pratiquants de Falun Gong. Quel était votre objectif ? Et comment cela s’est-il passé ?

Je me suis intéressé au Falun Gong avant de partir en Chine, à la situation sur place. Après mon rendez-vous, il était clair que c’est le Falun Gong qui est le plus pourchassé en Chine. Pourquoi ? Parce que c’est une organisation qui a la capacité d’agir dans tout le pays. Ils sont présents dans différentes villes, c’est pourquoi ils sont perçus comme une menace pour le Gouvernement. Ce sont eux les plus réprimés. J’ai parlé avec des avocats qui défendent des gens du Falun Gong. Ce jour-là, il y avait une dame qui avait été condamnée à cinq ans de prison parce qu’elle avait diffusé des tracts du Falun Gong.


[...]

LGE : Lors de vos rencontres avec les pratiquants du Falun Gong, avez-vous été informé des tortures ou mauvais traitements qu’ils ont subis ?

Le problème du Falun Gong, c’est qu’ils sont pourchassés par le Gouvernement. On utilise tous les prétextes pour les mettre en prison, pour les condamner à des années de prison, pour les enfermer en camp de travail forcé. Ils subissent tout ce que moi j’ai aussi subi à l’époque communiste. C’est condamner une partie du peuple à être banni, à être des citoyens de deuxième catégorie. C’est un peu ce que nous avons subi en Pologne à l’époque communiste, sauf qu’en Chine, c’est beaucoup plus dur car les condamnations ne sont pas que pour quelques mois, mais pour des années.


C’est une méthode propre à tous les dictateurs. Vous savez, en Biélorussie, les gens disparaissaient. C’est ce qui est le plus difficile à vivre pour les familles. Quelqu’un disparaît un jour sans laisser de traces. Moi-même je me suis engagé dans l’opposition anti-communiste car l’un de mes collègues quand j’étais étudiant – c’était en 1977 – a été tué par la police politique. On n’a jamais retrouvé le coupable. On soutient sa famille encore aujourd’hui. C’est le courage des avocats, des gens qui sortent car ils peuvent vivre convenablement, ils peuvent dire qu’ils ne voient rien. S’ils sont très doués, ils peuvent s’engager dans des questions économiques et autres. Il faut avoir un grand courage pour s’investir dans la lutte pour les droits de l’homme, sachant toutes les conséquences qu’on peut subir d’un régime totalitaire. Je ne peux qu’apprécier des gens comme cela.


Mais bien sûr, il faut répéter le cas surtout pour les gens qui disparaissent. Nous décernons le prix Sakharov aujourd’hui mais c’est aussi un prix symbolique pour tous ceux qui s’engagent pour la défense des droits de l’homme.


On entend dire que la situation des droits de l’homme s’est encore détériorée après les JO. L’avez-vous ressenti lors de votre voyage à Pékin ?


Pour être franc, lorsque vous faites un voyage de cinq jours, c’est impossible à savoir. Je me suis référé à l’époque communiste en Pologne lorsqu’il y avait des délégations étrangères. On peut toujours séjourner dans un pays, voir uniquement le développement économique, les grandes entreprises, le développement international lorsqu’on est dans la capitale. Il faut être sensible aux questions de liberté des droits de l’homme pour approfondir vraiment la situation. C’est pour cela que j’ai demandé à l’avance à être contacté par les gens qui défendent les droits de l’homme afin d’avoir une information plus complète sur la situation.
C’est ce que je conseille à tous ceux qui vont en Chine, à Cuba ou dans d’autres régimes totalitaires car on peut être facilement trompés par une image très folklore, très comme il faut.

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