Marie-Françoise Lamperti, Présidente de l'Association Agir pour les droits de l'Homme (La Grande Epoque, Hanna Wang) |
Interviewée le 12 septembre 2006 à l’occasion du passage en France de David Kilgour, auteur d’un rapport sur le sujet de prélèvement et de commerce d'organes de pratiquants de Falun Gong, la présidente de l’Association Agir pour les Droits de l’Homme rappelle que dès 1999 Amnesty International (AI) a dénoncé le prélèvement d’organes, en Chine, sur les prisonniers condamnés à mort non consentants. « Ils sont condamnés deux fois, d’abord par une mort horrible puis le prélèvement de leurs organes. Qui plus est, dans la tradition chinoise ce n’est pas admis. Le corps doit entrer entier dans la mort. Ce qui est grave aussi, c’est que le condamné ne connaît pas la sentence, il y a un arrangement secret entre le tribunal, la police et l’hôpital. »
Quand on lui demande ce qui l'a convaincue et motivée, Madame Lamperti répond que ce sont les témoignages, en abondance maintenant, de pratiquants de Falun Gong. C’est en effet plusieurs années après ce rapport d’AI de 1999 que l’on a appris que les membres d’une école de Qi Gong , le Falun Gong, faisaient des recherches et qu’un certain Monsieur Kilgour avait initié une enquête indépendante. Alors ces témoignages et tout le travail de M. Kilgour et de son ami avocat défenseur des droits de l’homme, Me Matas, sont parvenus aux associations humanitaires et c’est ainsi que l’on a appris en effet que ces personnes étaient non seulement torturées mais servaient aussi de cobaye et de banque d’organes.
Plus concrètement il y a le problème des corps, précise t’elle, car il faut rentrer dans le détail : les tribunaux ne préviennent pas les familles pour que les corps ne soient pas réclamés. Il a aussi des cas où, comme en témoigne Chen Ying, pratiquante de Falun Gong maintenant réfugiée politique en France, les corps sont rendus à la famille, vidés de leurs organes
Alors pourquoi les ONG n’en parlent-elles pas ? Selon elle, ce sont des décisions collectives pour se concerter ensemble sur les Jeux Olympiques, ce qui est une raison insuffisante et peu convaincante. En tout cas son association à elle ne se tait pas. Sa réaction face au rapport sur le trafic d’organes en Chine sur des droits des pratiquants de Falun Gong a été double : dénoncer et agir. « Nous soutenons l’action de Me Kilgour et Matas, nous sommes venus immédiatement en soutien de leur action sur le plan international ».
L’atteinte à la vie d’un individu est une atteinte à l’humanité entière, alors demande une journaliste, pourquoi est-ce que lorsque l’on parle du problème des droits de l’homme en Chine, on mentionne les Tibétains, les Ouighours, les Chrétiens et en dernier le Falun Gong, voire on omet de le mentionner. Cela pose le problème de l’information, répond Madame Lamperti. On connaît le problème des Tibétains depuis les années 50, il a été très médiatisé. Le Falun Gong, par contre, est peu connu et très peu médiatisé. C’est peut-être aussi une question de hiérarchisation religieuse…
Stratégiquement parlant, certains gouvernements autoritaires comme la Chine craignent qu’un gros pourcentage de personnes s’engagent dans un mouvement contraire à leurs propres idées, ils n’ont alors qu’un seul but, trouver un bouc émissaire. Avec le Falun Gong, ils ont trouvé le bon bouc émissaire au bon moment et ils s’en servent.
Elle ajoute que certaines religions laissent l’être humain dans la dépendance mais si une religion, telle que le Falun Gong, permet une libération intérieure alors on n’a plus de pouvoir sur ce groupe d’individus et ça, c’est dangereux, insiste-t-elle.
Partageant sa réflexion sur les dictatures, Marie-Françoise Lamperti explique que George Orwell dans son livre « 1984 », mettait très bien en lumière le problème de la désinformation. Comment fait-on pour maintenir son pouvoir sur le peuple ? « Le faire souffrir car l’obéissance ne suffit pas ». Il voulait dire que même si on réduit un peuple à l’obéissance, ça ne suffit pas parce que les gens ont une telle aspiration à la liberté, il faut aussi les faire souffrir, c'est-à-dire les empêcher de vivre par tous les moyens, la torture etc., les empêcher de parler, d’écrire, de penser, en un mot les faire mourir, les tuer. Mais on observe que toutes les grandes dictatures finissent par s’écrouler, c’est une question de temps. La démocratie est un processus, ce n’est jamais acquis, certes, mais il y a des degrés dans la violation entre un pays démocratique et un pays totalitaire.
Que peut-on attendre alors des instances internationales, et de la France en particulier ? Madame Lamperti, qui croit en son pays, crie haut et fort que la France est le pays des droits de l’homme et la France peut écouter ce discours. Communiquer ce qui se passe, c’est ce qu’elle fait avec les autres associations. Soutenir la population chinoise qui n’est pas en accord avec le régime, sensibiliser nos élus, aller voir les avocats français pour coopérer avec les avocats chinois. Ces derniers sont soumis à un examen annuel, local, nous apprend-elle, qui n’est même pas national et qui peut leur retirer leur licence. Ils ne peuvent tout simplement pas faire leur travail de défenseur. Voilà l’action de Me. Kilgour, remarque-t-elle , agir ensemble de manière transversale pour que se développe une solidarité transversale.
Quant aux Jeux Olympiques à Pékin, Marie-Françoise Lamperti s’indigne, comment peut-on dispenser des récompenses sur un territoire qui viole les droits de l’homme et se rend coupable de crimes contre l’humanité ?! Mais les Jeux Olympiques sont une grande affaire d’argent. La seule solution, selon elle, c’est de faire œuvre civilisatrice auprès des investisseurs.
Son projet ? Arriver à ce que les fonctionnaires internationaux qui ont un niveau culturel et intellectuel élevé et qui sortent des grandes écoles, reçoivent une formation à l’humain pour qu’ils cessent de répondre « ah oui, les violations, mais vous comprenez le dispositif… »
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