Forbes : Fissures dans le mur [ extraits]

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9 fevrier 2006

Avec l’aide en équipement d’une demi-douzaine de sociétés occidentales, le Parti communiste chinois a érigé un énorme appareillage destiné à censurer la liberté de parole. Un groupe de hackers informatiques dissidents pourrait bien réussir à le renverser.

Dans une pièce sans fenêtre à New York, une ingénieur en informatique avec des lunettes à double foyer —appelons-la ‘’ Jenny Chen’’—scrute un graphique à barres de couleur codé, sur l’écran de son PC. Son groupe lance des attaques contre le mur de la censure chinoise, qui bloque l’accès aux sites de discussions sur les thèmes interdits, comme les droits civils et la démocratie. Le graphique montre combien de Chinois, ce mois ci, ont échappé à la censure du pays pour condamner le Parti communiste chinois.

Chen, une femme native de Pékin, d’environ 40 ans, a sa propre affaire de technologie internet . Son groupe, et des ‘’ hacktivistes’’ ( comme ils se nomment eux-mêmes) de même sensibilité, un peu partout dans le monde, grignottent petit à petit le Bouclier d’Or, terme désignant le système de filtrage qui censure Internet et les e-mails de 110 millions d’utilisateurs d’Internet en Chine. Les envahisseurs passent des mots et des idées de contrebande dans et hors du pays, via des moyens comme les e-mails de masse, les serveurs proxy non censurés et des mots de code pas encore sur les listes noires du gouvernement.

Engagés côte à côte dans la lutte contre les hackers, le Parti communiste chinois et un assortiment de firmes occidentales qui fournissent matériels, logiciels et services de recherches, qui font fonctionner l’Internet chinois : Cisco, Google, Microsoft, Nortel Networks, Sun Microsystems et Yahoo. Ces compagnies sont ennuyées. Elles ne peuvent pas faire d’affaires en Chine, sauf dans les termes dictés par les autorités chinoises, et ceci signifie zapper le trafic Internet qui s’éloigne un peu trop de la ligne du parti. Mais si elles s’y conforment, elles deviennent aux yeux des dissidents Chinois, les collaboratrices d’un régime répressif.

Les firmes Internet auront une occasion de se tortiller en public le 15 février, jour où les invités du Représentant Christopher Smith ( R-N.J) doivent se présenter devant son sous-comité Mondial des Droits de l’Homme pour répondre à des questions sur leurs opérations en Chine. D’après leurs déclarations publiques à cette date, les sociétés américaines vont probablement dire quelque chose du genre : Nous devons nous plier aux lois locales; nous pensons qu’il vaut mieux pour les citoyens chinois avoir des accès filtrés sur le Web plutôt que rien du tout; et nous espérons davantage d’ouverture dans le futur.

Il est certain que se présentera le cas de Shi Tao, journaliste pour le Dangdai Shang Bao ( Informations sur les Affaires Contemporaines) de Hunan, qui a fait finalement passer sur les sites Web étrangers, son récit des directives politiques qui empêchent les journalistes chinois de couvrir le quinzième anniversaire du massacre de la Place Tienanmen. Reporters Sans Frontières, dont le quartier général est basé à Paris et qui défendent la liberté de parole, citant les rapports de la cour, dit que la filiale de Yahoo a ‘’ donné’’ Shi en fournissant aux autorités chinoises les empreintes digitales de l’e-mail de Shi. La preuve a conduit l’année dernière, le journaliste, à une peine de dix ans de prison,.

Reporters Sans Frontières fulmine sur son site Web : ‘’ C’est une chose de fermer les yeux sur les abus du gouvernement chinois, et c'en est une autre de collaborer.’’ Ne tentez pas d’accéder à ce site depuis un ordinateur à Pékin. Si vous le faites, vous aurez simplement une page blanche.

Le 31 décembre, Microsoft a fermé le blog populaire de Zhao Jing, pseudonyme Michael Anti. Zhao, qui écrit depuis Pékin, avait férocement critiqué le licenciement d’un éditeur d’un journal progressiste de Pékin. Microsoft a dit qu’il avait du fermer le blog en se basant sur la ‘’ notification explicite du gouvernement’’ qu’il a reçue." [ Les sociétés américaines] arguent qu’elles doivent suivre les lois locales’’, a dit Corinna-Barbara Francis, analyste de la chine pour Amnesty International à Londres.’’ Mais lorsque Microsoft a fermé le blog Michael Anti—quelles lois ont-ils suivi ? Les lois chinoises protégent la liberté d’expression et la liberté de la presse. Et le cas de Yahoo leur porte un sacré coup. Nous avons demandé à Yahoo s'ils avaient reçu un ordre de la cour, la compagnie n’a pas dit ce qu’il en était. Il semble donc que Yahoo se soit simplement plié à une demande politique.’’ Yahoo a dit qu'il a bien eu une demande qui l’engageait légalement, et qu’il a seulement répondu à ce qu’il était légalement obligé de fournir

Google est attaqué pour avoir permis à ses sites chinois d’etre détournés par les autorités. Tapez les caractères chinois pour ‘’ Falun Gong’’ ( le principal des nombreux mouvements spirituels interdits par la Chine) sur google.cn, tapez rechercher sur ‘’ Tout le Web’’ et vous obtiendrez 626 000 résultats de propagande du Parti Communiste au sujet d’une ‘’xx’’ qui rend ses pratiquants malades et les pousse au suicide. Une note de bas de page, qu'on peut facilement ne pas voir, annonce aux surfeurs chinois que leur recherche n’était pas complète. Cependant, une recherche en caractères chinois sur Falun Gong sur Google dans le Monde Libre fait apparaître 4 milles pages de toutes sortes, sympathisantes où hostiles. Le membre du Congrès, Smith a dit : ‘’ Beaucoup de chinois ont souffert l’emprisonnement et la torture au service de la vérité—et maintenant Google collabore avec leurs persécuteurs.

La censure est toute une industrie en Chine. Chaque village a des espions pour surveiller le quartier ; les mails et les panneaux d’affichage sont surveillés, dit un Chinois expatrié. Il est dit (par les dissidents) que seulement à Pékin la Chine compte 40 000 agents de police d’Internet acharnés au travail, qui surveillent par-dessus l' épaule des utilisateurs, et composent des listes de mots interdits qui provoquent le gel de la recherche sur le Web ou le blocage automatique d’un site. C'est un sacré défi pour eux, pas seulement parce que le trafic des e-mails atteint 300 millions par jour (d’après les statistiques chinoises), mais parce qu’ils visent une cible mouvante. Non seulement, ils bloquent ‘’ Place Tienanmen’’, mais aussi les substituts du langage parlé comme ‘’ Tsquare’’ et ‘’ 4 juin’’, date de l’incident. Bloquez des documents avec des instances répétées de ‘’ 4 juin’’ et vous avez un nouveau problème : Comment une entreprise en construction conforme à la loi, peut-elle insister par mails, pour que des structures en béton soient en place le 4 juin ?

Les censeurs ont de leur coté, non seulement l'application mais aussi le long bras de la police d’état. Reporters Sans Frontières a dit qu’au moins 50 citoyens chinois sont derrière les barreaux pour avoir enfreint les lois par leur cyber dissidence. Le groupe compte 32 autres journalistes de l’impression et de la diffusion, qui ont rencontré le même sort.

Cependant, les dissidents ont un très gros atout en leur faveur, c’est la nature dispersée d’Internet. Il y a environ 800 millions d’utilisateurs d’Internet sur le globe, et potentiellement chacun d’entre eux peut mettre sur la table des documents choquants. Quelque chose comme 35 millions de Chinois vivent à l’étranger, hors d'atteinte de la police d'opinion. Ils ont des amis et des parents en Chine assoiffés d’informations .

Le gouvernement peut émettre un décret pour Google et il sera suivi. Comment cela fonctionnera t-il pour Wikipédia ? C’est l’encyclopédie profane, dont les auteurs sont tous ceux qui veulent y participer. Elle est disponible en 100 langues et ses documents sont sur presque 100 serveurs diffusés à travers le globe. Elle n’a pas de sources de revenus en Chine à protéger.

La version anglaise de Wikipédia inclut un bel article de 12 pages illustrées, sur les protestations Place Tienanmen. Tous les documents de Wikipédia sont bloqués en Chine- excepté pour les utilisateurs d'ordinateurs qui ont téléchargé la technologie proxy comme Tor, un programme logiciel qui les fait sortir de Chine en les envoyant vers des serveurs proxy liés, un saut crypté à la fois. Le site Web Wikipédia déclare : ‘’ Beaucoup d’opérateurs systémes et autres utilisateurs de Chine continentale sont restés très actifs quant à l’utilisation de ces moyens par Wikipédia .’’

En levant les bras au ciel en tentant d’isoler les infos inoffensives de Wikipédia et de choisir de bloquer le site dans sa totalité, les censeurs se sont créés de nouveaux ennemis—les citoyens qui utilisent l’encyclopédie pour leur travail académique. En un cours laps de temps, ont dit les observateurs de la Chine, le gouvernement a fait de millions de citoyens ordinaires, des contrebandiers de documents.

Il est remarquable qu’une petite répression puisse transformer un petit groupe mécontent en une grande colère. Considérons l’histoire du […] mouvement Falun Gong. Rien d’exceptionnel en apparence, Falun Gong semble, pour ceux qui ne le connaissent pas, être un mélange entre le tai chi et le Bouddhisme. Mais il y a prés de sept ans, les autorités chinoises ont décidé que, avec 70 millions d’adhérents, il était devenu une menace pour leur pouvoir. La police a commencé une campagne, pour emprisonner et torturer le [ groupe de] pratiquants. Cela a transformé les croyants en martyrs.

Aujourd'hui , Falun Gong est au centre d'un mouvement dissident total. […] Maintenant, les membres expatriés se trouvent dans le monde entier, bombardant leur terre natale d' e-mails, forums de discussions, appels téléphoniques et fax. Beaucoup, mais pas tous, de ces messages listent au hasard, de multiples sites Web proxy qui peuvent être utilisés pour se faufiler à travers le Bouclier d’Or pour accéder à des nouvelles et de l’information, venant du Monde Libre. Ces adresses proxy toujours changeantes pleuvent sur la Chine avec un si furieux élan que la police de l’Internet ne peut les mettre suffisamment rapidement sur liste noire. Quelques adresses proxy durent seulement quelques minutes avant de devenir obsolètes, d’autres plusieurs jours. Certains utilisent un codage (du genre de ceux utilisés pour protéger le chargement des numéros de carte) pour contrecarrer les censeurs. ‘’ La quantité d’information qui arrive en Chine est stupéfiante,’’a dit Alan Adler, un homme d’affaires de Tenafly, N.J qui a collecté de l’argent pour cet effort militant, via un organisme non lucratif, appelé Friends of Falun Gong.

UltraReach Internet Corp. et Dynamic Internet Technology sont juste deux sociétés commerciales américaines, ramenant et envoyant l’information via le Bouclier d’Or de la Chine pour Falun Gong et autres informations, droits de l’homme et organisations gouvernementales. UltraReach évite la presse, mais les statistiques mensuelles du trafic que nous avons vues, suggèrent que ses sites Web proxy atteignent en moyenne, les 2 millions de visites et 460 millions de touches par mois, en 2005.

Dynamic Internet Technology de Caroline du Nord, a pris son depart avec un projet pilote pour le gouvernement américain en 2002 et aujourd’hui déclare discrètement sur son site, qu’il offre des solutions Internet personnalisées, a faible coût et fiables ‘’dans des circonstances de concurrence.’’ Voice of America et le quartier général de Droits de l’Homme en Chine, à New York, sont aussi des usagers de DIT. William Xia, directeur général de DIT, déclare que des ‘’ centaines de milliers de réguliers’’ utilise quotidiennement ses services.

[...]

Le téléphone mobile est une autre façon d’obtenir de l’information dans et hors de Chine. En ce moment, l’avocat des droits de l’homme le plus en vue de Chine, est Gao Zhisheng, et une nuit, en mi-janvier, a t-il dit, un véhicule avec la plaque d'immatriculation couverte de papier brun a tenté de renverser Gao—alors que la police militaire surveillait. Durant l’incident, le papier est tombé de la plaque de la voiture. Gao s’en est sorti et a immédiatement tout écrit dans un texto, puis envoyé le texte à un autre avocat de Pékin, demandant : ‘’ S’il vous plait, aidez moi à envoyer ce message sur Internet.’’ Le message texte a fait le tour du monde.

Julien Pain, qui tient le bureau de Liberté Internet à Reporters Sans Frontières, à Paris, a dit que les familles chinoises utilisaient effectivement leurs téléphones mobiles et les messages textes pour se passer le mot sur le SRAS. Les censeurs ont répondu avec des filtres téléphoniques. Mais jusqu’à quel point cela peut-il être efficace ? Combien d’écouteurs indiscrets faut il pour avoir l’œil sur les 390 millions d’utilisateurs de téléphones cellulaires ? A moins que le gouvernement soit préparé à détruire l’industrie du téléphone mobile, il devra lutter contre les rumeurs, les nouvelles et les plans chuchotés, pour la démonstration de rue du lendemain.

Le Falun Gong a utilisé en sous main, une campagne de multimédia pour distribuer les Neuf Commentaires sur le Parti Communiste, une série acerbe ‘’ d’exposés’’ sur le Parti Communiste Chinois. DIT a dit qu’il était passé 2 millions de copies électroniques ‘’ brouillées’’ ( légèrement cryptées) à travers le Bouclier d’Or; parfois DIT a caché des matériaux lourdement cryptés dans un flot d’informations commerciales en apparence légalement cryptées, entrant en Chine. Le livre a été promu par 100 millions d’e-mails, 12 millions de messages postaux, 10 millions de fax et quelques 50 millions d’appels téléphoniques. Durant les 14 derniers mois, déclare Falun Gong, la campagne des Neuf Commentaires a inspiré 7 millions de membres désenchantés, à renoncer au parti. Cela semble exagéré, mais les enregistrements digitaux de Dynamic Internet Technology affichent des renonciations au parti arrivant sur les sites Web proxy de DIT, au rythme de plus de 30 000 par mois. Heilongjiang, une province éloignée en bordure de la Russie, est soudainement devenue un foyer de refuseniks pirates. Pourquoi ? En novembre dernier l’exposion d’une usine chimique—suivie de la dissimulation chinoise classique—a entraîné une pollution toxique qui a empoisonné la rivière Songhua et laissé sans eau des millions de citoyens de la province .

L' emprise du parti sur la Chine pourrait-t-elle être mise en péril—pas d'ici des années, après le genre de transition graduelle vers une démocratie capitaliste que beaucoup d’étrangers attendent avec espoir, mais par un bouleversement précipité du genre de celui qui a démoli le bloc soviétique ? Probablement non—mais cela pourrait arriver.

‘’ Les bloggers en Chine sont vraiment en colère’’, dit Francis, d’Amnesty International ‘’ virulent. Disons le, hypothétiquement, le gouvernement chinois a perdu son pouvoir en cinq ans—ces personnes se souviendront que Microsoft a descendu [ le blogger Zhao].’’

Quelles sont les stratégies de Microsoft et de Yahoo pour gérer ce désordre? Assaillis d’un coté par une foule de libres penseurs, bloggers pro-démocratie qui les dénoncent, et d’un autre coté par le gouvernement totalitaire qui les censurent, les compagnies émettent seulement des déclarations prudentes sur la guerre de l’Internet. Ainsi, nous ne savons pas exactement ce qu’Eric Schmitt de Google, Bill Gates de Microsoft et Terry S. Semel de Yahoo pensent. Mais cela doit être proche de ceci : que la censure n’est pas simplement idiote, mais destinée à échouer ; que les compagnies occidentales peuvent faire une démonstration de coopération avec les autorités, tout en laissant en place une abondance de failles que les dissidents peuvent exploiter ; et que l’effondrement complet du régime de censure ne peut pas venir suffisamment tôt pour leur convenir .


Tradution non officielle de l'anglais dehttp://www.clearwisdom.net/emh/articles/2006/2/16/70012.html

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