Aurélien Girard
La Grande Époque
Vue d’artiste de l’étoile solitaire (Photo : CfA) |
Des scientifiques américains annoncent avoir observé une étoile qui, à la vitesse prodigieuse de 2,5 millions de kilomètres à l’heure, se dirige vers les confins de notre galaxie et devrait s’en séparer pour rejoindre le vide intergalactique.
Pour qualifier des phénomènes aussi exceptionnels, les mots manquent. On pourrait, avec une pointe d’anthropocentrisme et en ayant lu les premières pages de ce journal, prendre à son propre compte la phrase de Bertolt Brecht :
« Lorsque qu’un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent. »
Quelle que soit l’interprétation qu’on en fait, le phénomène astronomique décrit par une équipe du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CfA) aux Etats-Unis est sans précédent.
Un univers hiérarchisé
Notre Univers tel que nous le comprenons à l’heure actuelle est constitué de milliards de galaxies, qui constituent des systèmes indépendants les uns des autres, séparés par des dizaines de millions d’années-lumière (une année-lumière = une année de voyage à 300 000 km/s).
Les galaxies se regroupent en amas, qui rassemblent chacun quelques dizaines de galaxies, et les amas se regroupent en super-amas. Une galaxie comme la nôtre, la Voie Lactée, contient plusieurs centaines de milliards d’étoiles – qui se comportent un peu comme les 9 planètes autour du Soleil : elles orbitent autour du centre.
Deux forces opposées s’exercent sur ces étoiles : la gravitation d’une part, qui les attire constamment vers le trou noir central de la galaxie – un gigantesque aspirateur à matière ; la force centrifuge d’autre part (puisque la galaxie est en rotation) qui tend à éloigner les étoiles du centre. L’équilibre des deux forces stabilise la galaxie et toutes les étoiles et planètes qui la composent dans l’état d’un système en rotation autour d’un trou noir central.
Théoriquement, aucune étoile ne peut sortir de la galaxie, car il lui faudrait une vitesse de l’ordre du million de km/h pour avoir l’énergie de se libérer de la force de gravitation qui l’attire vers le centre (exactement comme une fusée qui doit être propulsée avec une énergie colossale pour se libérer de l’attraction de la Terre). C’est pourtant en train de se produire.
Un nouveau phénomène inconnu
Sur la base des données collectées par le CfA, l’astronome Jack Hill suppose que l’étoile en question avait son étoile compagnon, et que toutes les deux étaient proches du centre de la galaxie.
L’étoile compagnon aurait été aspirée par le trou noir central de la Voie Lactée, tandis que la « solitaire » dont nous parlons a été expulsée, un peu de la même manière qu’une bille jetée au centre d’une roulette de casino. « Il n’y a que la gravité d’un trou noir massif qui aurait pu expulser une étoile avec tellement de force qu’elle puisse sortir de la galaxie », explique le Dr. Brown. Elle fonce maintenant à plus de deux fois la vitesse nécessaire pour s’échapper de la galaxie, et va droit vers les confins de celle-ci.
C’est donc un avenir solitaire dans le vide intergalactique qui semble attendre cette étoile. L’intéressant dans cette découverte est qu’elle présente un nouveau phénomène cosmique jusqu’alors complètement inconnu, et illustre une fois de plus à quel point notre connaissance de l’Univers et des lois qui régissent son évolution est aujourd’hui limitée. Beaucoup à apprendre du ciel donc et, pourquoi pas, la phrase de Bertolt Brecht à méditer.
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