Wang Huijuan, devant l'Empire State Building à New York, le 12 janvier 2017, tient un présentoir pour aider les touristes chinois à comprendre les faits sur la persécution du Falun Gong en Chine. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Environ 10.000 personnes s'étaient rassemblées dans le calme à Pékin un jour de printemps 1999. On se souvient aujourd'hui de l'appel du 25 avril, la plus grande manifestation de l'histoire récente de la Chine.
PAR EVA FU ET FRANK FANG
25 avril 2024 15:02 Mis à jour: 26 avril 2024 01:02
Un haut fonctionnaire est passé en voiture, puis la police anti-émeute a fait son apparition. Ils ont frappé les gens à coups de poing et de pied, et ont jeté des dizaines de personnes dans des fourgonnettes. Une dame âgée, traînée sur le dos par des policiers s’est évanouie.
Les autorités municipales ont alors annoncé au reste de la foule abasourdie de Tianjin, une mégalopole de l’est de la Chine, que s’ils voulaient que les prisonniers soient libérés, ils devraient se rendre à Pékin pour faire appel de la décision.
C’est ce qu’ils ont fait, malgré les cicatrices laissées par le massacre de Tiananmen, survenu dix ans plus tôt.
Finalement, 10.000 personnes se sont rassemblées dans le calme à Pékin en 1999, une date désormais connue comme étant « l’appel du 25 avril », la plus grande manifestation de l’histoire récente en Chine communiste.
Bien que 25 ans se soient écoulés, ceux qui étaient présents ce jour-là affirment que leur cause est toujours autant d’actualité qu’à l’époque.
Wang Huijuan, alors enseignante de 28 ans dans une école primaire de Tianjin, a serré le bras de son mari quand elle a vu que la police procédait à des arrestations. Mais il n’a pas fallu longtemps pour qu’elle prenne sa décision. Ce matin du 25 avril, elle a pleuré en embrassant sa fille de 5 ans avant de sauter dans un taxi pour Pékin, à environ 130 km de là.
« J’ai pensé à l’époque que, quoi qu’il m’arrive, je devais aller de l’avant et dire ce que je pensais aux autorités », a déclaré Mme Wang, qui vit aujourd’hui à New York. « Si je ne reviens pas, qu’il en soit ainsi », a-t-elle confié à Epoch Times
En 1999, le Falun Gong, la méditation qu’elle pratiquait, était populaire en Chine. Entre 70 et 100 millions de Chinois voulaient vivre leur vie sur la base des principes de vérité, de compassion et de tolérance. Mme Wang attribue à cette pratique le mérite d’avoir restauré sa santé et d’avoir rempli sa vie de « soleil et d’espoir ».
Mais l’environnement changeait.
Des policiers en civil surveillait Mme Wang et les autres personnes qui se réunissaient dans un parc public pour pratiquer les exercices du Falun Gong. Puis un jour, un magazine d’État a publié un article calomniant la pratique. Lorsqu’un groupe de pratiquants a demandé une rétractation, le bureau de la sécurité publique de Tianjin a envoyé la police anti-émeute pour les frapper et a arrêté 45 personnes.
Lorsque la nouvelle des brutalités policières a commencé à se répandre, les pratiquants du Falun Gong de tout le pays ont décidé de se rendre à Zhongnanhai, le lieu de pouvoir des hauts responsables du Parti communiste chinois (PCC), et ont demandé la libération des personnes détenues à Tianjin, ainsi que la liberté de pratiquer selon leurs croyances.
Des pratiquants du Falun Gong se rassemblent dans une université pour demander la rétractation d’un article d’un magazine d’État diffamant leur pratique, à Tianjin, en Chine, en avril 1999. (Photo d’archive)
« Pékin vous souhaite la bienvenue »
À l’aube, Ouyang Yan, alors employée administrative de 48 ans à l’université de communication de Chine à Pékin, a pris sa voiture en direction de Zhongnanhai. Elle a été l’une des premières à arriver sur place. Il y avait peu de monde dans les rues, mais des voitures de police étaient garées tout autour.
« Nous nous demandions si nous étions arrivés trop tôt », a déclaré Mme Ouyang, qui vit aujourd’hui à Seattle, et qui s’est entretenue avec Epoch Times. « Comment se fait-il qu’il n’y ait personne dans la rue ? »
Des pratiquants du Falun Gong se rassemblent dans les rues près de Zhongnanhai, le complexe de la direction chinoise, pour manifester pacifiquement, à Pékin, en Chine, le 25 avril 1999. (Epoch Times, Minghui.org)
Au bout d’une demi-heure environ, d’autres pratiquants sont arrivés. Certains sont arrivés dans l’après-midi parce qu’ils avaient pris l’avion. Il y avait des octogénaires et il y avait même un nouveau-né de deux semaines qui avait fait le voyage avec sa mère.
« Je n’avais jamais vu autant de personnes réunies, même à la télévision », a déclaré Mme Wang.
Pour un rassemblement non organisé, les pratiquants étaient étonnamment bien ordonnés.
Ils se sont alignés le long des trottoirs, et certains entreprenaient même de ramasser les détritus. Le calme était tel que les policiers, initialement tendus, commençaient à se détendre, à s’asseoir sur les trottoirs et à bavarder entre eux, rapporte Mme Wang. De son côté, la fille de Mme Ouyang se tenait debout, en train d’étudier pour un examen à venir.
À un moment donné, Mme Ouyang a entendu que des représentants du PCC de Zhongnanhai demandaient à rencontrer des représentants de la manifestation. Elle a failli se porter volontaire, même si elle n’a jamais eu de grands talents d’oratrice.
« Ce jour-là, j’avais tellement confiance en moi que j’étais capable d’expliquer à n’importe qui à quel point la pratique du Falun Gong était formidable. »
Des pratiquants du Falun Gong se rassemblent autour de Zhongnanhai, le siège du Parti communiste chinois, à Pékin (Chine), le 25 avril 1999. (Avec l’aimable autorisation de Minghui.org)
En fin d’après-midi, les gens qui passaient à vélo les saluaient.
Des passants disaient : « Pékin vous souhaite la bienvenue, revenez nous voir », se souvient Mme Wang.
Selon le centre d’information sur le Falun Dafa, deux membres de la société de recherche sur le Falun Dafa et trois autres pratiquants basés à Pékin se sont rendus au Conseil d’État pour s’entretenir avec des représentants du PCC. Ils ont présenté trois demandes, dont la libération des prisonniers de Tianjin. À la tombée de la nuit, les autorités de Tianjin ont accédé à leur demande.
Mme Ouyang rapporte que la plupart des participants ont quitté la manifestation à 21 heures. Mais elle et son mari sont restés une heure de plus. Ils ont attendu sa mère et l’ont rejointe pour ramasser les détritus qui avaient pû être laissés sur place.
Zhao Ruoxi, qui enseigne aujourd’hui le chinois à New York, était animatrice d’une station de radio publique à Tianjin en 1999. Ce soir-là, lorsqu’elle a appris la libération de détenus, elle s’est rendue au poste de police local pour les récupérer. Les fonctionnaires de police de Tianjin les ont invités à partager un bon repas avec eux.
Mme Zhao a déclaré que les fonctionnaires lui avaient dit que les arrestations étaient un « malentendu ».
« Nous ne connaissions pas la situation, si nous l’avions connue, nous ne vous aurions pas arrêtés », a-t-elle rapporté à Epoch Times.Des officiers de police se tiennent devant des pratiquants du Falun Gong près de Zhongnanhai, le siège du Parti communiste chinois, à Pékin, le 25 avril 1999. (Avec l’aimable autorisation de Minghui.org)
L’intention de piéger
L’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais trois mois plus tard, le dirigeant communiste Jiang Zemin a ordonné une campagne nationale d’éradication du groupe.
Le jour où l’ordre de Jiang a été donné, le 20 juillet 1999, la police a frappé aux portes des domiciles de Mme Wang et de Mme Zhao.
Le mari de Mme Wang, un présentateur de la télévision d’État et l’animatrice de radio, Mme Zhao, ont été emmenés pour être interrogés. Le lendemain, l’école où travaillait Mme Wang l’a empêchée de quitter l’établissement.
Les médias d’État chinois ont déformé les faits et se sont fait le relais à plusieurs reprises de la propagande du Parti sur l’événement, le décrivant souvent comme un « siège » contre les dirigeants du PCC. Mais certains pratiquants, avec le recul, pensent que le régime chinois avait planifié cet événement depuis le début.
« Lorsqu’il y a une intention de piéger quelqu’un, les excuses ne manquent jamais », a déclaré Mme Wang à Epoch Times.La police bloque le côté nord de la rue Fuyou près de Zhongnanhai, le siège central du Parti communiste chinois, à Pékin, le 25 avril 1999. (Avec l’aimable autorisation de Minghui.org)
Lors de l’appel du 25 avril, elle a déclaré que de nombreux pratiquants comme elle ne savaient pas où aller au début, et qu’ils ont été guidés par des officiers de police vers certains endroits. Finalement, les pratiquants se sont rassemblés sur le trottoir de deux rues adjacentes à Zhongnanhai, donnant l’impression qu’ils avaient intentionnellement voulu « encercler » les locaux de la direction du PCC.
Elle a appris par la suite que plusieurs hôpitaux de Pékin situés à proximité de Zhongnanhai avaient été vidés de leurs patients ce jour-là, en prévision du traitement de blessures graves.
Mme Wang a déclaré qu’au début, il y avait un « sentiment de terreur » dans l’air.
« Les voitures de police passaient les unes après les autres, » dit-elle « Mais, vous savez, c’est la sérénité [dont nous avons fait preuve] qui a dissout la violence. »Le personnel de sécurité monte la garde à Zhongnanhai, près de la place Tiananmen, avant le 20e congrès du Parti communiste chinois, à Pékin, le 13 octobre 2022. (Noel Celis/AFP via Getty Images)
Mme Ouyang a déclaré qu’à son arrivée, et alors qu’elle se promenait, la police l’a empêchée de traverser un pont menant au parc Beihe, situé à plusieurs pâtés de maisons de Zhongnanhai. La directive qu’appliquait l’officier de police signifiait que les autorités chinoises avaient pris certaines dispositions, avant même le début de la manifestation pacifique.
Elle a indiqué, qu’à quelques rues au sud de l’endroit où ils s’étaient rassemblés, il y avait un grand nombre de fourgonnettes de police.
« Ils étaient prêts à arrêter les gens le soir même si [les autorités] le décidaient. »
Le meilleur des cadeaux
En 2002, Mme Wang et son mari ont été licenciés et arrêtés pour avoir gravé des DVD réfutant la propagande sur les persécutions. Ils ont été emprisonnés séparément pendant sept ans parce qu’ils refusaient de signer les documents attestant qu’ils s’étaient « transformés », c’est-à-dire qu’ils avaient abandonné leur croyance.
Sa fille a été autorisée à leur rendre visite deux fois par an.
Wang Huijuan et sa fille à Tianjin, en Chine, en 1999. (Avec l’aimable autorisation de Wang Huijuan)
« Quand elle m’a vue à l’âge de huit ans, je lui ai demandé : Tu en veux à maman ? Elle m’a répondu que non. Je lui ai demandé : Veux-tu que maman se ‘transforme’ et rentre à la maison pour s’occuper de toi, ou veux-tu que je continue ? Elle m’a dit : Maman, continue ».
Mme Wang l’a serrée dans ses bras et a pleuré.
Selon le Falun Dafa Information Center, des millions de pratiquants du Falun Gong ont été détenus dans des prisons, des camps de travail et d’autres installations, et des centaines de milliers d’entre eux ont été torturés pendant leur incarcération. Nombre d’entre eux ont été persécutés à mort, et certains ont été victimes de la pratique du prélèvement forcé d’organes, que cautionne l’État chinois.
« À l’exception de la Chine continentale, il est possible partout de pratiquer librement le Falun Gong et de le promouvoir en public », a déclaré Mme Zhao.
« Seul le PCC arrête les personnes qui pratiquent la vérité, la compassion et la tolérance. »
Zhao Ruoxi, pratiquante du Falun Gong, participe à un défilé pour appeler à la fin de la persécution de sa foi par le Parti communiste chinois dans le quartier de Flushing, dans le Queens, à New York, le 23 avril 2023. (Chung I Ho/Epoch Times)
L’appel du 25 avril a toujours inspiré Mme Wang.
« C’était un honneur d’être là », a-t-elle déclaré.
« Parfois, on peut penser qu’on est seul, mais quand on pense à ces gens le 25 avril, qui sont si nombreux à se tenir là, on se rend compte qu’en fait, on n’est pas seul. Dans chaque coin du pays, il y a quelqu’un comme vous, qui souffre et se sacrifie en silence. Ils se sacrifient tous pour la vérité ».
C’était une expérience de surmonter la peur et de dire la vérité, dit-elle.
« C’était un sentiment sacré. »
Wang Huijuan, sa fille et son mari font une démonstration de leur pratique de la méditation dans leur maison du Queens, à New York, le 8 janvier 2016. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Mme Wang a tenu un magasin de robes de mariée après sa peine d’emprisonnement. Un jour, elle a discuté avec un jeune homme d’environ 30 ans. Il a dit qu’il avait écouté une chaîne de télévision étrangère sur le caractère pacifique de l’appel du 25 avril. Il voulait en savoir plus sur le Falun Gong.
« Qui a osé aller pétitionner à Tiananmen après le 4 juin ? », a-t-il dit, en référence au massacre de 1989. Mme Wang lui a donné Zhuan Falun, le livre principal du Falun Gong. Quelques mois plus tard, l’homme a invité Mme Wang et son mari chez lui.
Au cours du repas, il a levé son verre. « Merci de nous avoir fait connaître la vérité, la compassion et la tolérance. C’est le plus beau des cadeaux que nous puissions recevoir », a-t-il déclaré.
« C’est l’impact du 25 avril », a déclaré Mme Wang.
Une lueur d’espoir
Le jour de l’appel, Elizabeth Huang, qui se trouvait à 1600 km de Pékin, dans la ville de Guangzhou, a reçu un appel téléphonique d’une amie pratiquante vers 18 heures, heure locale, et a appris l’existence de la manifestation. Elle a immédiatement ressenti le besoin de se joindre à la manifestation et a envisagé de réserver un vol tôt le lendemain pour Pékin.
Mais son voyage ne s’est jamais concrétisé, un pratiquant l’ayant contactée pour lui dire que la manifestation venait tout juste de se terminer. Dans un premier temps, elle s’est dite « très choquée » d’apprendre que les autorités chinoises avaient accepté de libérer les pratiquants détenus, quand on sait qu’en Chine, les gens doivent généralement faire toutes sortes de démarches pour obtenir la libération d’une personne.
« Cette nuit-là, j’ai très bien dormi », a déclaré Mme Huang à Epoch Times. « J’ai cru à ce moment-là que la poussière était retombée et que je n’aurais plus à m’inquiéter » et à craindre que les pratiquants ne soient maltraités par les autorités à l’avenir.
Elizabeth Huang à San Francisco le 13 septembre 2014. (Avec l’aimable autorisation d’Elizabeth Huang)
Mme Huang, aujourd’hui âgée de 53 ans, vit dans la Bay Area et se trouve aux États-Unis depuis 2013. Elle a quitté la Chine en 2009 en raison des persécutions.
Avant de quitter la Chine, elle a travaillé pour un média d’État et a participé à la couverture d’un événement local sur le Falun Gong avant le début des persécutions du PCC.
Un reportage du Yangcheng Evening News du 10 novembre 1998, indiquant que 5000 pratiquants de Falun Gong faisaient des exercices de Falun Gong dans un parc, à Guangzhou, en Chine. (Avec l’aimable autorisation de Minghui.org)
Elle a commencé à travailler au journal Yangcheng Evening News, basé à Guangzhou, le 21 décembre 1994. En décembre de la même année, alors qu’elle était encore stagiaire, elle a utilisé sa carte de presse pour assister à la conférence de M. Li dans un auditorium sportif local. Puis, elle a commencé à pratiquer le Falun Gong trois ans plus tard.
Un matin de novembre 1998, elle s’est rendue avec ses collègues dans un lieu d’exercice et a vu près de 5000 pratiquants du Falun Gong faire les exercices ensemble. Deux jours plus tard, son journal publiait un article intitulé « Des personnes de tous âges pratiquent le Falun Gong ».
Dans les mois qui ont suivi la publication de l’article, Mme Huang a déclaré que son lieu de travail avait lentement changé. Elle se souvient que ses collègues et ses supérieurs, probablement exposés aux reportages négatifs d’autres médias d’État sur le Falun Gong, ont commencé à lui dire que ce n’était peut-être pas une bonne idée de s’adonner à cette pratique.
Mme Huang a déclaré que ses collègues impliqués dans la publication de l’article de 1998 ont été soumis à un processus d’ « autocritique » et ont été forcés de dire que couvrir l’exercice de groupe du Falun Gong avait été une erreur.
Mme Huang regrette encore à ce jour de ne pas avoir pu participer à l’appel du 25 avril 1999.
Elle aurait aimé être présente et avoir été « l’une des lumières » qui sont comme un « phare d’espoir et de bonté ».
Source : Epoch Times
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