À la recherche du vrai soi, 3e partie : Naviguer au-delà du besoin de pouvoir

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“Ulysse dans la caverne de Polyphème , circa 1635, Jacob Jordaens. (Domaine public)



Dans la deuxième partie de cette série d'articles, nous avons vu Ulysse réussir à s’échapper de justesse de la terre des Mangeurs de lotus, ou dans le test de personnalité de l’Enneagram, de la paresse qui peut parfois caractériser la personne de type Neuf.


Nous avons vu aussi que ce qui nous paraissait assez inoffensif par rapport aux combats et aux guerres qui ont eu lieu à Troie était tout sauf inoffensif : la dépendance à la facilité et un mode de vie agréable et non conflictuel ont sapé la volonté de réussir et empêché l'équipage de retrouver le chemin de la maison. La maison étant l'endroit où l'âme d'un être humain trouve sa vraie beauté et réalise son plein potentiel.


Pour briser le pouvoir de la paresse, Ulysse doit exercer un pouvoir de volonté énorme et décisif, et forcer ses hommes (à ce point, peut-être, penser à ceux-ci comme à ses "membres", son corps entier, métaphoriquement) à se lancer presque sans direction, mais de manière décisive loin de cette île fatale.


C'est ainsi qu'ils en arrivent à un type de menace totalement différent ; de fait, un type de personnalité totalement différent, les Huit, sur l'île des Cyclopes. Ici, le péché n'est pas la paresse, mais le désir, et pas seulement telle qu'il est compris en termes de sexe, mais aussi, plus important encore, le désir de pouvoir, de domination.


Pour rappel, les Huit se perçoivent comme " je suis fort ", et veulent avoir le contrôle. À leur meilleur, les Huit sont des personnes énergiques, motivées et responsables ; au pire, ils sont conflictuels, imprudents et vindicatifs.


Comme nous le verrons, ce qui a fonctionné comme une stratégie pour surmonter ou se libérer des mangeurs de lotus sur leur île serait ici voué à l'échec.


Mais avant de passer à la description de Polyphème, le Cyclope et le type Huit, notez que les personnalités sont métaphoriquement séparées : Ce sont des îles ou des terres séparées, distinctes, séparées et uniques en leur genre. Selon l'Ennéagramme, on ne peut être que d’'un seul type et cela ne change pas tout au long de sa vie.


La prochaine étape du voyage

Avec les Huit, nous avons affaire à des géants borgnes : des ogres autosuffisants, extrêmement confiants, qui ne suivent aucune règle ni n'obéissent à aucun dieu. L'un d'eux, Polyphème, piège Ulysse et ses hommes dans sa caverne, et lorsqu' informé de devoir manifester son hospitalité pour ne pas contrarier les dieux, il dévore rapidement deux des hommes d'Ulysse et s'endort.


Cette brutalité est une violation flagrante des lois du cosmos : Zeus lui-même considérait l'hospitalité comme l'une des plus importantes des vertus humaines. Et aussi tard que Shakespeare, Macbeth se demande s'il doit tuer Duncan parce qu'il est l'hôte de Duncan et qu'il est son seigneur. Ainsi, ici, avec Polyphème, la racine du péché est la soif de pouvoir, de force et de domination (comme c'est le cas dans "Macbeth", dont le caractère titulaire est clairement un huit).


L'oeil unique de Polyphème est aussi très suggestif : Les Cyclopes ont une vision unique, non stéréoscopique ; ils se concentrent sur une seule et unique chose. Ils ne voient pas la profondeur ou les subtilités, et ils n'ont pas de dimension spirituelle significative dans leur vie. Car il a été observé (par Sir Richard Temple, par exemple, et ses analyses des différentes positions des yeux des saints dans les peintures d'icônes) qu'un œil regarde le monde extérieur, tandis que l'autre est introspectif et intérieur.


Les cyclopes ne sont pas introspectifs et n'ont pas la capacité d’examiner leurs propres actions. Ulysse a dû "juste le faire" pour se libérer des Mangeurs de Lotus, mais maintenant il est sur une île où simplement-faire-ce-qu’ils-veulent est la norme.


Ainsi, après avoir mangé (deux hommes !), Polyphème, rassasié, s'endort, confiant que personne ne peut le blesser, bien qu'entouré dans sa grotte par Ulysse et son équipage.


C'est un classique de la psychologie des Huit : Quand ils sont à leur pire, les Huit sont agressifs et dominateurs, intrépides même face aux dieux, et persuadés de leur propre invulnérabilité.


Vaincre ceux qui dominent

 
Polyphème cherche à se venger d’Ulysse et de son équipage alors qu’ils s'échappent. “Odysseus and Polyphemus,” 1896, Arnold Böcklin. (Domaine public)


Bien sûr, étant donné ce qui se passe et avec le recul, nous savons que la vision unique qu’a Polyphème de lui-même dans le monde, ce manque de perspective et de " lucidité ", ainsi que l'ego hubristique et vantard qu'il affiche, est une faiblesse. Mais comment Ulysse trouve-t-il cette faiblesse ?


Dans un premier temps, il envisage "une action immédiate et décisive" ; il va jusqu'à identifier exactement l'endroit où, malgré sa taille inférieure, son glaive tranchant pourrait tuer Polyphème endormi : " le lui enfoncer dans la poitrine, à l'endroit où les muscles retiennent le foie". Mais quelque chose l'en empêche. Avec la paresse, "l'action immédiate et décisive" était la réponse, mais ici elle serait fatale.


Ulysse se rend compte qu'un tel mouvement serait fatal pour sa propre sécurité, car ce ne sont pas "22 chariots à quatre roues" qui pourraient déplacer la pierre bloquant la sortie de la grotte dans laquelle ils se trouvent à présent piégés. (Notez que 22 x 4 est 88 ou la puissance de huit doublée !)


En d'autres termes : Quand on a affaire aux Huit, il ne faut pas attaquer directement, car ils sont plus forts que vous. Ici, comme dans le cas de Troie, Ulysse doit trouver un stratagème qui retourne la force du Cyclope contre lui. Et c'est exactement ce que fait Ulysse : L'appétit très excessif qui alimente le pouvoir du Cyclope est maintenant le point faible de Polyphème.


Ulysse semble se lier d'amitié avec Polyphème quand il se réveille, à tel point que Polyphème promet de le manger en dernier ! Et Ulysse, quant à lui, nourrit l'appétit insatiable du Cyclope d'un vin très fort, dont le géant redemande. Puis, le Cyclope ivre, Ulysse avec quatre (la moitié de 8, bien sûr, comme s'il réduisait le pouvoir des Huit) de ses hommes lui enfoncent un coup de poignard dans un œil, l'aveuglant ainsi.

 
Ulysse offrant du vin au Cyclope. Marbre, copie de l'époque flavienne d'après un original de la fin de la période hellénistique. Museo Chiaramonti. (Domaine public)


Donc, non pas tuer, mais blesser et mutiler le Cyclope, c'est le truc pour vaincre la force écrasante de Polyphème. Maintenant, le Cyclope ne peut plus voir du tout ; d'une seule vision, il n'a plus de vision du tout.


Après avoir fait cela, Ulysse le devance encore plus dans une série d'autres petites manœuvres. Remarquez les "petites" manœuvres, comme dans les maillons d'une chaîne, toutes nécessaires mais toutes petites, et non comme le grand pas décisif sur l'île des mangeurs de lotus. D'abord, Ulysse utilise un faux nom, "Personne". Puis, il utilise les moutons de Polyphème comme déguisement et véhicule pour s'échapper, et finalement, il fait rouler par Polyphème l'énorme pierre qui bloque leur sortie.


La clé pour vaincre la soif de pouvoir n'est pas de faire correspondre le pouvoir au pouvoir, mais de se retenir, de faire preuve de ruse, de cacher ses véritables intentions et d'adopter une position intermédiaire entre l'audace excessive et la résignation au destin. De cette façon, Ulysse peut s'échapper.


Et la clé pour que les Huit se maîtrisent eux-mêmes, c'est de développer ce second œil de " lucidité ", qui est essentiel s'ils veulent garder le contrôle de leurs états émotionnels, dont l'intensité même les trahira et les aveuglera.


La faille d'Ulysse

Ulysse, cependant, fait une erreur : s'étant enfui et naviguant, il ne peut s'empêcher de se vanter - en criant son vrai nom à Polyphème - que c'est Ulysse qui "t’ a aveuglé, t’a fait honte". Ce faisant, il permet au Cyclope de prier son père Poséidon, le dieu de la mer, de punir Ulysse et son équipage, ce que Poséidon fait avec une vraie vengeance.


Sans le nom correct, bien sûr, Polyphème ne pourrait pas faire cette prière, ou serait ridicule en priant que son père punisse "Personne".


Poséidon, nous le voyons, est l'ennemi mortel de l'homme aux nombreux stratagèmes, le genre de stratagèmes qui viennent de Pallas Athéna, la déesse de la sagesse et de la guerre, qui plus que tout autre dieu appuie et soutient Ulysse.


Il est intéressant de noter que bien qu'Athéna et Poséidon fassent tous deux partie de l'ensemble des 12 dieux olympiques, ils étaient de par leur nature en conflit : la ville d'Athènes, qui a été nommée d'après Athéna parce que les Athéniens ont jugé son cadeau à la ville supérieur à celui de Poséidon.


 
Une peinture de René-Antoine Houasse capture la dispute entre Athena et Poseidon. (Domaine public)


Mais le conflit réel est plus profond. Poséidon est le dieu des mers, et les mers sont une métaphore de notre subconscient, de nos émotions et de nos aspects les plus sombres. Si nous nous écartons donc de la logique de l'esprit en traitant avec un Huit, comme Ulysse l'a fait en raillant Polyphème - autrement dit, en permettant à notre mer d'émotions plus primitives de s'exprimer librement - alors nous brouillons notre jugement ; et pour cela, une terrible peine sera infligée, incluant une défaite potentielle.


Mais tout comme la menace des mangeurs de lotus à la position Neuf (paresse) de l'Ennéagramme est complètement différente de la menace du Cyclope à la position Huit (luxure), de même maintenant un tout autre type de problème se pose à la position Sept (gloutonnerie), et c'est la rencontre d'Ulysse avec Éole, maître des vents, à Éolie, où nous nous rendons à présent.


Dans cette série en plusieurs parties, "Trouver le vrai Soi", nous discuterons des neuf types de personnalités, de leurs défauts, et montrerons comment Ulysse, à travers ses aventures, les a vaincus pour retrouver son chemin du retour.


James Sale est un homme d'affaires anglais et le créateur de Motivational Maps, qui opère dans 14 pays. Il est l'auteur de plus de 40 livres de grands éditeurs internationaux, dont Macmillan, Pearson et Routledge, sur la gestion, l'éducation et la poésie. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de la Société des poètes classiques. James se produira à New York le 17 juin 2019 à Bryant Park et au Princeton Club pour des conférences et des lectures de poésie pour The Society of Classical Poets. Pour rencontrer James et pour plus d'informations, rendez-vous à http://bit.ly/Poetry_and_Culture

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