Platon (G) et Aristote dans la fresque de 1509 de Raphaël, "L’école d’Athènes." (Domaine public) |
Il est difficile d’écrire sur le leadership et de le mettre en pratique. L’un des principaux théoriciens, Adrian Furnham, a écrit : « Le sujet du leadership est l’un des plus anciens domaines de recherche en sciences sociales, mais l’un des plus problématiques. »
Parce que nous devons constamment mettre à l’épreuve nos compétences de leadership à la maison, à l’école, dans les institutions sociales et au travail, notre sur-familiarisation du sujet nous donne l’impression que nous comprenons ce que c’est, de la même façon que lorsque nous estimons connaître en quoi consiste l’éducation juste parce que nous sommes autrefois allés à l’école.
Cependant, il y a une ambiguïté essentielle au sujet du leadership et de son fonctionnement, et même au sujet des grands leaders que nous devrions adopter pour modèles. Ne vous y méprenez pas : qui nous admirons commence à faire partie de notre « moi idéal » – cette composante orientée vers l’avenir de notre concept de soi – et nous commençons à ressembler à ce modèle exemplaire idéal.
L’un des exemples les plus surprenants de ce phénomène dans l’histoire serait peut-être celui d’Alexandre le Grand : un leader d’une stature impressionnante, mais avec des défauts épouvantables. Qui était son modèle ? Il s’est modelé sur l’Achille d’Homère, et se voyait comme une sorte de réincarnation de ce demi-dieu guerrier sans peur, impitoyable et imbattable (au moins jusqu’à ce que le dieu Apollon dirige la flèche de Paris).
Nous devrions nous en inquiéter car, bien qu’Alexandre soit mort depuis longtemps, le genre d’impitoyabilité et de cruauté qu’il incarnait est toujours bien vivant : nous trouvons aujourd’hui en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni des gens qui considèrent encore comme admirables des êtres humains terribles et méchants comme Adolf Hitler (un Alexandre des temps modernes qui se voyait consciemment dans la tradition de la domination du monde).
Réécrire l’histoire
Nous devons insister, discuter et réaffirmer les valeurs fondamentales de ce qui constitue un bon leader, car si nous ne le faisons pas, alors par défaut, les fanatiques et les scélérats auront beau jeu.
Au moment d’écrire ces lignes, au Royaume-Uni et aux États-Unis aussi, nous subissons des pressions de la part des éléments de gauche politiquement corrects pour réécrire l’histoire et dénigrer certains des meilleurs dirigeants que nos pays aient jamais eus – tout cela à cause de certaines attitudes ou pensées prétendument anachroniques qui ne sont plus « acceptables » maintenant.
Par exemple, au Royaume-Uni, il y a un mouvement actif sur pied qui cherche à faire supprimer les statues de Winston Churchill et de l’amiral Horatio Lord Nelson à Londres au motif qu’ils n’étaient pas des dirigeants aussi illustres que le peuple britannique l’a toujours pensé, mais des oppresseurs et des racistes. C’est assez extraordinaire ; tous deux étaient des leaders exceptionnels luttant contre l’oppression d’Hitler et de Napoléon, respectivement.
Vision et intégrité personnelle
Warren Bennis, l’un des grands experts américains en leadership, a écrit : « L’authenticité est le facteur clé du leadership ». Évidemment, c’est exact, mais c’est aussi trompeur. Alexandre et Hitler étaient tous les deux authentiques, mais ils ont malheureusement mal tourné, car ils n’avaient pas de véritable boussole morale. Être authentique en soi n’est pas suffisant.
Les chercheurs James Kouzes et Barry Posner ont constaté que le plus grand besoin d’une équipe de la part de son chef était une vision de l’équipe et l’intégrité personnelle dans sa poursuite. L’intégrité personnelle, surtout, est l’objectif à valoriser. En parlant de vision, Peter B. Vaill, théoricien renommé du changement organisationnel, a déclaré : " Une vision qui n’est pas centrée sur une spiritualité profonde n’est rien d’autre qu’une ‘image possible’ de l’avenir d’une organisation. (…) Tout vrai leadership est en effet un leadership spirituel."
Une autre façon de le dire est de décrire ce que l’on appelle parfois le leadership " transformationnel ". Il ne s’agit pas de " faire correctement les choses " – une sorte de quotient d’efficacité – mais plutôt de " bien faire les choses moralement ", comme l’a dit le père du management moderne, Peter F. Drucker. Mais " faire les bonnes choses moralement " est inévitablement une question de prise de décision morale et spirituelle – le leader transformationnel souhaite améliorer " les choses ", y compris potentiellement le monde, par ses activités. C’est pourquoi le leadership dans cette incarnation est une vocation supérieure.
Ainsi, au-delà des compétences, des capacités dont les leaders ont besoin d’exercer, de maîtriser, voire dans lesquelles ils ont besoin d’exceller – par exemple la capacité à réfléchir, à mettre en œuvre, à bâtir une équipe et à motiver – il y a au cœur du leadership une composante beaucoup plus importante que toutes les compétences : une qualité d’esprit, une attitude d’être, un engagement du cœur qui rend le leadership beaucoup plus intangible et invisible que toute compétence ou comportement.
Cette qualité est si subtile qu’elle peut être facilement perdue ou négligée ; et pire encore, elle peut même être facilement falsifiée. Comme le philosophe d’affaires Chin-Ning Chu l’a fait remarquer : " Ils peuvent lire et comprendre des milliers de fois, mais l’idée ne fera jamais vraiment partie intrinsèque de leur être. "
De tels " leaders ", pour qui les idées profondes et morales ne leur deviennent jamais intrinsèques, ne peuvent pas conduire ou mener les autres car ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Comme l’a écrit Catherine McGeachy, consultante en gestion : " Si ma motivation intérieure est mauvaise, je vais créer les effets de cette mauvaise motivation." Et, comme l’écrivait l’auteur et entrepreneur Anthony Tjan : " La meilleure chose que les dirigeants peuvent faire pour améliorer leur efficacité est de prendre davantage conscience de ce qui les motive eux-mêmes et de leurs décisions. "
Le manque de connaissance de soi est paralysant, et nous nous retrouvons avec des dirigeants qui sont des adeptes de remèdes peu coûteux, des fanatiques de l’ego-manie, des auto-promoteurs et des carriéristes sans pitié. Leurs effets sur leurs familles, leurs collectivités et leurs entreprises sont vraiment dévastateurs.
Nous revenons donc au début et nous nous demandons quel est l’antidote à ce type de leader superficiel, inefficace et court-termiste ? Il est clair qu’il n’y a pas de solution facile. Mais, si nous demandons qui sont vraiment les plus grands leaders que le monde ait jamais vus, alors la réponse nous vient en considérant ces leaders qui ont eu le plus grand impact positif sur le monde.
Ce sont eux qui devraient être nos modèles, et ce sont eux dont les paroles et les comportements doivent devenir notre moi idéal, afin que nous ayons une norme à suivre, une façon de mesurer qui nous sommes par rapport aux plus grands leaders. Il ne sert à rien d’avoir un leader de deuxième rang pour nous inspirer.
L’armée et la politique
Les chefs militaires peuvent avoir un impact démesuré sur le monde, et parfois pour le bien. Habituellement, ils ont cette quintessence de courage que tous peuvent admirer, même chez une mauvaise personne.
Le général américain George S. Patton est un excellent exemple de chef militaire qui a combattu le mal. Mais qui était son modèle ? Alexandre le Grand, élève d’Aristote par exemple. George S. Patton croyait en la réincarnation et pensait même avoir combattu aux côtés d’Alexandre lors du siège de Tyr.
Les dirigeants politiques, peut-être, ont été plus importants que les dirigeants militaires pour ce qui est du nombre de vies qu’ils ont touchées. Au cours des 30 dernières années, Nelson Mandela s’est imposé comme un leader étonnant et un modèle à suivre dans le monde entier, pas seulement en Afrique du Sud.
Le meilleur type de leader
Mais, au-delà des domaines militaires et politiques, il y a une catégorie de dirigeants qui est sublime, bien plus importante que les chefs de guerre et les dirigeants politiques. L’influence de ces derniers peut durer des centaines d’années, mais l’influence du chef religieux peut durer des milliers d’années.
Quand nous considérons Mère Teresa, à notre époque, c’est un exemple étonnant et inspirant de leadership. Mais quand nous retournons aux fondateurs, comme Jésus-Christ ou le Bouddha, nous voyons autre chose : une source de spiritualité et de leadership qui peut rafraîchir toutes les personnes, de tout âge, de toute race et de tout sexe, pour la vie.
Cette spiritualité peut être la pierre de touche de toutes les activités d’une personne, en particulier lorsqu’il s’agit de son intégrité, qu’importe le lieu où se trouve la personne : à la maison, au travail ou dans ses loisirs et ses activités sociales. La raison de cela, bien que pas souvent appréciée, se situe au niveau de ce que le chef religieux vient nous apporter.
Le chef d’entreprise nous montre comment faire de l’argent ; le chef militaire, comment soumettre et vaincre les autres ; le chef politique, comment construire un pays ou une civilisation. Tous sont louables en leur temps et circonstances, mais le chef spirituel ne nous montre rien, si ce n’est répondre à la question du « pourquoi ? ».
Au lieu de nous guider sur un plan superficiel, les chefs spirituels nous fournissent les vraies réponses : pourquoi sommes-nous ici ? Pourquoi l’univers existe-t-il ? Pourquoi mes paroles et mes actes sont-ils si importants ? Et pourquoi suis-je libre, et donc pourquoi suis-je responsable ?
Quand ce "pourquoi" se joue contre les histoires et les récits de vie de ces leaders, une épopée sublime émerge dans laquelle nous nous engageons à eux - au bien, au "sens" et à notre propre rôle de leadership au sein de la lutte du cosmos - car ils sont notre moi idéal.
James Sale est un homme d’affaires anglais et le créateur de Motivational Maps, qui opère dans 14 pays. M. Sale est l’auteur de plus de 40 livres de grands éditeurs internationaux, dont Macmillan, Pearson et Routledge, sur la gestion, l’éducation et la poésie. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de la Société des poètes classiques.
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