J'ai parlé dans des articles précédents de l'importance du mythe et de l'histoire, et du fait que la façon dont nous appréhendons et interprétons la réalité dépend des histoires que nous nous racontons et que nous considérons comme vraies. L'intérêt de parler ainsi est d'attirer l'attention sur l'idée que les faits sont souvent l'ennemi des mythes parce qu'ils peuvent mener à un littéralisme tout simplement dévastateur - une dévastation qui n'est pas simplement une question académique, mais une dévastation écrite dans le sang depuis quatre siècles au moins.
Revenir aux divisions et aux conflits d’origine des catholiques et des protestants serait aller trop loin pour les besoins de ce court article. En fait, ce que je voudrais faire, c'est inclure la forme courte du mythe et expliquer dans un exemple simple et transparent à quel point cette tendance peut être dévastatrice.
Quelle est la forme courte du mythe ? La métaphore (et sa cousine, la comparaison). Ce n'est pas seulement l'histoire comprimée en récit linéaire, mais l'idée compactée en une image brillante qui explose de sens comme le font les mythes, dans leur forme plus longue.
Le poème "Rupertismus" dans "Poèmes de John Cleveland" ce poète métaphysique du XVIIe siècle aujourd'hui oublié, est un exemple de grande métaphore :
Car la beauté, comme de la poudre blanche, ne fait pas de bruit,
Et pourtant l’hypocrite silencieuse détruit.
La métaphore est la beauté, "l'hypocrite silencieuse", ce qui est suffisamment puissant, mais ajoutez-y la comparaison "comme de la poudre blanche", et toute une série de lectures fascinantes émerge : la poudre blanche comme un mélange cosmétique que portent les femmes, et qui les rend dangereuses en silence ou la poudre blanche comme la poudre à canon, dans laquelle la beauté est vue comme explosive même si initialement et apparemment inerte et inactive ; voire la poudre blanche comme une drogue qui hypnotise, et accoutume celui qui la regarde à sa propre destruction.
Comme l'observait Aristote, "La plus grande chose est de loin d'être un maître de la métaphore ; c'est la seule chose qu'on ne peut apprendre des autres ; et c'est aussi un signe de génie, puisqu'une bonne métaphore implique une perception intuitive de la similitude dans ce qui est dissemblable".
Ainsi, lorsque nous en arrivons à des écrits d'une signification et d'une autorité réelles, nous devons en tenir compte ; nous devons toujours lire avec la métaphore à l'esprit, sinon nous nous trouvons piégés dans un littéralisme qui semble factuel mais qui dépouille le texte de son pouvoir réel, pouvoir qui découle de son véritable sens. En d'autres termes, nous déformons, nous dénaturons, nous "disons la chose qui n'était pas" (Jonathan Swift), ou nous mentons.
Quand le littéralisme devient dangereux
Nous avons plus de 100 ans de socialisme. Récemment, l'ex-ministre des finances de la Grèce, Yanis Varoufakis, a déclaré : "Le socialisme est en recul, comme il le mérite, parce que nous, les socialistes, nous avons tout foiré, pendant des décennies, sinon au moins un siècle".
C'est un aveu digne et sincère qu'il n'y a pas beaucoup de socialistes pour admettre ; et si c'est vrai du socialisme, ça l'est encore plus du communisme et du marxisme : Nous avons connu plus d'un siècle d'échec catastrophique, de famine et d'effusion de sang partout où cette philosophie pernicieuse, et son acabit, a pris racine.
Au moment où j'écris ces lignes, même au Royaume-Uni, il y a une dérive dangereuse : une opposition gouvernementale quasi marxiste se rapproche du pouvoir - et une fois qu'elle arrive au pouvoir, et si elle y entre, adieu la pensée, bonjour la police de la pensée. Et peut-être aussi odieuse que les politiques elles-mêmes est l'auto-satisfaction de ces gens, affichant toujours la vertu, toujours pour le peuple, mais des gens qui savent mieux que le peuple : les oligarques.
Mais d'où viennent toutes ces absurdités ? Comment se fait-il que l'on se mette à croire ces absurdités longtemps après que l'histoire ait démontré leur nature fallacieuse et pernicieuse ?
J'aime réfléchir sur Karl Marx et sa notoire—et glorifiée—réplique à un sage enseignement spirituel. Le livre du Deutéronome nous dit : "Il t'a humilié, t'a laissé avoir faim, et t'a nourri de manne que tu ne connaissais pas, et que tes pères ne connaissaient pas, pour te faire comprendre que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais qu'il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur" (Deutéronome 8 :3), et ceci est réitéré comme enseignement spirituel dans le Nouveau Testament lorsque le Christ dit : "L'homme ne vivra pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Mt 4,4).
Deux points à noter ici. D'abord, quand on considère que tout le but du communisme était/est de libérer les travailleurs de la tyrannie du capitalisme, alors comment Marx a-t-il pu ne pas remarquer que la fuite d'Egypte était exactement cela - la libération des travailleurs, des esclaves ? Lewis Feuer, cité dans " “12 Rules for Life,” de Jordan B. Peterson, a observé que "les idéologies remodèlent les histoires très religieuses qu'elles prétendent avoir supplantées, mais en éliminent la richesse narrative et psychologique". En d'autres termes, les idéologies sont un nivellement systématique du mythe par le bas, le remplaçant par une narration simpliste, théorique et binaire d'eux et de nous.
Mais d'autre part, et pour revenir à la métaphore, selon Olaf Stapledon, le communisme " a déclaré que le pain était tout le besoin de l'homme, et que toutes les valeurs spirituelles n'étaient que de la drogue capitaliste ". Ou, comme le dit Bill Martin Jr. dans "Ethical Marxism : The Categorical Imperative of Liberation", "l'homme ne vit en effet que de pain".
Le pain est une métaphore particulièrement riche, et nous ne pouvons pas l'explorer pleinement ici. Mais prenez l'Évangile de Jean (6:27). Une foule de 5 000 personnes a suivi Jésus après qu'il les ait miraculeusement nourris. En réponse, Jésus a fait quelque chose qu'aucun dirigeant politique ne ferait : Il a reproché à la foule de le suivre simplement parce qu'il leur avait donné du pain. Il les exhorte à "ne pas travailler pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture qui dure éternellement". Quelque chose d'autre que le pain peut satisfaire les besoins humains ultimes, et Jésus a affirmé l'offrir.
Que l'on soit chrétien, ou juif ou non, ce message est toujours d'actualité. Car ce que Marx a fait en préconisant exactement le contraire, c'est de fournir une idéologie matérialiste qui a donné naissance à la politique de l'Union soviétique, qui a ensuite parcouru le monde avec des conséquences dévastatrices pour la vie humaine. Il n'a vu ni le sens intérieur de l'expression, que simplement vivre économiquement, c'est vivre comme un animal, car c'est tout ce que font les animaux, et c'est nier notre humanité, ni que ce message était un appel de Moïse et/ou de Jésus (qui "avait confiance en Celui qui est invisible") à une nouvelle manière de vivre.
Dans le premier cas, donc, vivre comme des animaux conduit à un comportement comme celui des animaux, que l'on peut résumer par l'expression "la loi de la jungle", qui décrit très précisément comment l'Union soviétique est ensuite devenue - avec jusqu'aux membres de mêmes familles se dénonçant mutuellement. Et dans le dernier cas, cela signifiait un échec total à accepter la transcendance et une moralité fondée sur une autorité supérieure à celle de l'homme.
Les conséquences de ne pas tenir compte ou de ne pas comprendre le mythe et la métaphore sont donc profondes. Karl Marx était un homme qui ne pouvait et ne voulait comprendre ni le mythe ni la métaphore, et qui a donc mal lu et déformé les textes à des fins politiques. Il a délibérément déformé les mythes et les métaphores de façon à appauvrir leur richesse et à retourner les êtres humains contre les êtres humains.
Comme Aristote l'a noté, "Quand la narration d'histoires tourne mal dans une société, le résultat est la décadence." C'est l'histoire, l'héritage de ce que Marx a accompli.
Dans cette série, Myths : Mapping Our Way Home, James Sale revient sur les raisons pour lesquelles les mythes - presque tous ignorés aujourd'hui - demeurent cruciaux pour comprendre notre place dans l'univers, sinon pour notre survie même.
James Sale est un homme d'affaires anglais et le créateur de Motivational Maps, qui opère dans 14 pays. Il est l'auteur de plus de 40 livres de grands éditeurs internationaux, dont Macmillan, Pearson et Routledge, sur la gestion, l'éducation et la poésie. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de la Société des poètes classiques.
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