L’ambassade chinoise a monté toute une opération afin d’assurer que le président chinois, Hu Jintao, soit accueilli par une marée de partisans lors de sa visite à Ottawa la semaine dernière. L’objectif était également de marginaliser les défenseurs des droits de l’homme, comme les pratiquants de Falun Gong et les Tibétains. (La Grande Époque)
Pékin mobilise ses partisans en payant leurs dépenses et aurait muselé la presse avec l'accord d'Ottawa
Le dirigeant chinois, Hu Jintao, était en visite officielle à Ottawa la semaine dernière. Afin de ne pas avoir à faire face à La Grande Époque et à la chaîne New Tang Dynasty Television, on rapporte que la traditionnelle conférence de presse qui regroupe les deux chefs a été tout simplement annulée. Le Cabinet du Premier ministre n'aurait pas réussi à exclure les journalistes des deux médias redoutés par Pékin, qui possèdent leur accréditation complète du Parlement. Le geste logique pour satisfaire aux exigences de Hu Jintao aurait donc été d'annuler complètement l'évènement.
Tandis que l'aspect relations publiques était géré de cette manière dans l'enceinte du Parlement, à l'extérieur, les partisans du régime chinois et de son dirigeant n'étaient peut-être pas tous aussi sympathisants qu'ils le laissaient voir.
Des documents audio confidentiels obtenus par La Grande Époque indiquent que l'ambassade chinoise n'a rien laissé au hasard pour la visite de Hu Jintao, offrant des voyages toutes dépenses payées aux Chinois venus manifester en faveur du régime et, dans les mots d'un organisateur, «livrer une guerre» contre les défenseurs des droits de l'homme.
Le 18 juin, le premier secrétaire de la section Éducation de l'ambassade chinoise, Liu Shaohua, s'est adressé dans l'ambassade à un groupe d'environ 40 à 50 étudiants qui reçoivent des bourses d'études de Pékin pour étudier au Canada. Ces étudiants ont reçu l’ordre de participer aux manifestations d'appui au dirigeant chinois.
Dans l'enregistrement du discours, M. Liu a indiqué que l'ambassade défrayait les coûts des hôtels, du transport et des vêtements des quelque 3000 personnes devant participer aux évènements du mercredi au vendredi et venant d'aussi loin que Waterloo, Ontario.
Ces dépenses chiffrent facilement dans les centaines de milliers de dollars, si l'on se fie aux propos de M. Liu. Mais ce dernier a qualifié les dépenses de «petit change» à la lumière de la «lutte politique» que mène le régime chinois afin de marginaliser les défenseurs des droits de l'homme qui allaient protester contre Hu Jintao.
«Au début, nous n'avions pas prévu que la situation serait si complexe», a dit M. Liu. «Le Falun Gong, les séparatistes tibétains, les séparatistes ouïghours, les gens pour la démocratie sont déjà sur la Colline parlementaire [...] C'est un combat qui revient à défendre la réputation de notre mère-patrie. L'ambassade et les autorités en Chine ont des attentes très élevées.»
Toutes les dépenses payées
Liu Shaohua a débuté son allocution de plus de 15 minutes en prenant les présences, chaque étudiant a répondu «oui» lors de l'appel de son nom.
«Cette fois, pour vous, toutes les dépenses vont être payées par nous», a indiqué M. Liu. «Vous n'en parlez pas à l'extérieur. Vous n'en parlez à personne à l'extérieur de ce cercle.»
Liu Shaohua a aussi dit que les étudiants ne bénéficiant pas des bourses d'études du gouvernement allaient aussi avoir toutes leurs dépenses payées.
«Pour notre pays, c'est vraiment du petit change. Selon moi, il s'agit d'une lutte, une lutte politique.»
Cette «lutte politique» à laquelle Liu Shaohua se réfère semble concerner les groupes qui dénoncent les violations des droits de l'homme en Chine.
Liu a mentionné que lorsque Hu Jintao est venu au Canada en 2005, il avait vu des manifestants et les autorités en Chine étaient furieuses. Il s'est plaint que, durant cette visite, les autorités canadiennes n'avaient pas obtempéré aux demandes chinoises concernant les manifestants, mais il a mentionné que cette fois l'ambassade avait obtenu certaines garanties limitées.
«Certains aspects ne peuvent être garantis puisque ce pays accorde de l'importance à la soi-disant liberté. Il s'en fout. Il dit “nous sommes un pays libre.” Alors nous sommes encore en négociation. Le Falun Gong a déjà trois endroits [réservés].»
Selon plusieurs sources, notamment des étudiants chinois eux-mêmes et des babillards électroniques, tous les étudiants chinois ont eu le transport, les repas et un t-shirt fournis. Certains se sont également fait promettre des compensations de 50 dollars par jour.
Les informations tirées du discours de Liu Shaohua ont été corroborées par des étudiants chinois contactés la semaine dernière. La Grande Époque s’est mise en rapport avec des responsables des associations étudiantes chinoises de l'Université du Québec en Outaouais (UQO) et de l'Université Carleton à Ottawa. Tous deux ont confirmé que les activités étaient défrayées et organisées par l'ambassade chinoise.
«L'ambassade est responsable du plan général», a indiqué Guo Daxu de l'UQO à quelqu'un se faisant passer pour un étudiant chinois. «Non seulement pour l'Outaouais, mais les étudiants de Montréal et de Toronto vont également venir. Pour ceux [de Toronto], tous leurs repas et hôtels seront payés.»
«Livrer une guerre»
L'enregistrement audio d'un autre discours prononcé devant le groupe d'étudiants le même jour dans l'enceinte de l'ambassade chinoise d'Ottawa, cette fois par un autre individu, est aussi parvenu aux mains de La Grande Époque. Dans ce discours, un organisateur affilié à l'ambassade a incité les étudiants à se préparer à «livrer une guerre» contre les critiques du dossier des droits de l'homme de la Chine. Yuan Pinghua, qui ne semble pas faire partie du personnel de l'ambassade, a tout de même été présenté par Liu Shaohua.
«En un mot, c'est comme livrer une guerre, alors aujourd'hui nous nous mobilisons pour la guerre, pour que vous leviez tous votre garde», a dit M. Yuan. «Vous devez obéir aux ordres et vous soumettre à la discipline.»
Qualifiant de «secret d'État» le plan de l'ambassade de mettre sur pied un contingent de partisans pour accueillir Hu Jintao, M. Yuan a indiqué que révéler ce plan aux «ennemis» allait pousser l'ambassade dans un «piège mortel».
«Lorsque vous allez franchir cette porte, effacez de votre esprit tout ce que nous vous avons dit», a mentionné Yuan Pinghua. «N'allez pas parler de ça. Nous allons trouver un autre moment pour parler à l'autre personnel des mêmes choses. Puisque nous sommes l'équipe nationale, Liu nous a spécialement choisis pour venir ici afin de nous donner nos ordres de marche pour la guerre. C'est un prélude au début de nos activités.»
Les actions de l'ambassade se voulant clandestines ont porté fruit, alors que de nombreux autobus ont transporté des sympathisants et des figurants à Ottawa pour accueillir le dirigeant Hu. Un chauffeur de la compagnie Transport St-Léonard a indiqué que 26 autobus de son entreprise avaient été nolisés, chacun transportant 72 passagers. Des signes d'une organisation centralisée pouvaient être remarqués dans la foule de participants, alors que plusieurs d'entre eux portaient des t-shirts qui identifiaient leur provenance : Université Concordia, McGill, Laval, Carleton, l'Institut Confucius de Montréal, etc.
Les rassemblements pro-Pékin n'ont pas été uniquement dédiés à accueillir Hu Jintao ou à manifester pour l'amélioration des relations sino-canadiennes. Certains participants ont scandé des slogans en faveur des politiques répressives du Parti communiste chinois : «À bas le Falun Gong!» et «Éliminez le Falun Gong!»
Selon Lucy Zhou, porte-parole de l'Association de Falun Gong du Canada, qui avait organisé un rassemblement de l'autre côté du parterre de la Colline parlementaire pour dénoncer la persécution en Chine, c'est un signe que l'ambassade est allée trop loin.
«Nous parlons d'un régime étranger qui finance un rassemblement où des gens nous hurlent des insultes», a-t-elle déploré. «Ils ne font pas que manifester pour de meilleures relations; ils mobilisent des gens contre nous. Notre gouvernement ne peut pas seulement se contenter d'un photo-op et fermer les yeux sur ce qui se passe vraiment ici.»
Anna Yang et Matthew Little ont contribué à ce reportage.
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