"Perdus dans la transplantation"

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Mable Wu n’a prêté aucune attention aux réticences de ses spécialistes médicaux. Cette femme de 69 ans de Northridge, une paisible banlieue de Los Angeles est partie contre l’avis de son médecin pour la ville en plein essor de Donguan dans la province de Guangzhou dans le sud de la Chine. Elle allait acheter un nouveau rein pour la somme de $ 40 000.

Peu après son arrivée, on lui a dit que le donneur du rein était un homme de 30 ans. Il y avait quatre autres patients à l’Hôpital de Donguan, tous les quatre de Taiwan, qui avaient déjà été transplantés. Wu est rentrée en Californie après la greffe, heureuse de son nouveau rein.

Les hôpitaux chinois considèrent sans le moindre embarras leurs extravagants services. On peut lire sur le site officiel du Centre international de transplantation d’organes de Chine : » Si vous êtes en demande d’un organe, veuillez transférer $ 5000 . Il ne faudra la plupart du temps pas plus d’une semaine pour trouver un donneur compatible pour vous, après que nous confirmions réception des fonds, et seulement un mois tout au plus.

Les $ 5000 ne sont que le paiement comptant. Il faut s’attendre à un minimum de 30 000 euros pour un rein, 70.000 euros pour un foie et sensiblement plus cher, soit 140 000 euros pour un cœur.

On dit aux patients dans le plus grand secret que les donneurs d’organes sont pour la plupart des prisonniers exécutés, qui sont encore vivants au moment où le récipiendaire arrive en Chine.

En même temps, les contacts chinois se vantent de leur drôle de pratique : Nous ne prélevons pas les organes d’êtres humains qui sont cérébralement morts parce que cela affecte la condition de l’organe. »

Dernièrement des entités chinoises au plus haut niveau confirment que les prisons et les camps de concentration sont utilisés pour entreposer des parties humaines. Juang Heifu, le Ministre adjoint de la santé, a admis l’an dernier : « À part quelques très rares victimes d’accidents, la plupart des organes viennent de prisonniers exécutés. » Il a dit que ces donneurs d’organes ont préalablement « accepté » d’être donneurs.

David Matas et David Kilgour sont absolument certains qu’on est loin de la vérité. Matas, un éminent avocat canadien des droits de l’homme et Kilgour, l’ancien secrétaire du Ministère canadien des affaires étrangères, ont laborieusement enquêté les pratiques de transplantation d’organes chinoises et en ont dévoilé les détails dans un rapport qui a causé pas mal d’émoi.

Tous deux en sont arrivés à ce qui suit : Ces six dernières années, l’entreprise de transplantation de la Chine, qui existait à peine jusque là, a connu une progression lucrative. Très curieusement, l’opâque commerce d’organes a commencé à s’épanouir après la répression massive des adhérents du Falun Gong, pratiquants d’une école ésotérique que la Chine persécute cruellement.

Selon Matas et Kilgour, « plusieurs centaines » de personnes malades se rendent en Chine chaque année pour une transplantation d’organe nécessaire à leur survie.

Les preuves qu’ils ont présentées jusque là sont si serrées que même les Nations Unies ont demandé une enquête officielle. Manfred Nowak, un avocat des droits de l’homme de Vienne et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants a donné une date butoir au régime chinois pour donner des éclaircissements sur ces allégations.

La question est « assurément un cas nécessitant une enquête, » car une grande partie des preuves indiquent que sont exécutés des êtres humains qui n’avaient même pas été reconnus coupables de quoi que soit, et qui sont tués pour leurs organes » dit il.

Pour le dire clairement, des personnes malades des Etats-Unis, du Canada, d’Arabie saoudite et de bien d’autres pays sont la raison pour laquelle des personnes en Chine sont exécutées – qui ne l’auraient vraisemblablement jamais s’il n’y avait pas de demandes d’organes.

Il y a beaucoup plus d’exécutions en Chine que dans n’importe quel autre pays du monde. On ne sait quel peut en être le nombre exact. Aucun nombre officiel n’est disponible. Mais on peut modérément prétendre à 1700 exécutions par an. Il y a eu plus de 60 000 transplantations d’organes ces six dernières années. Même si chaque candidat à l’exécution devait être donneur de plus d’un organe, les exécutions n’approcheraient pas le nombre des transplantations effectuées au cours de ces années. Ce qui fait naître la suspicion qu’outre les exécutions ‘régulières’, des gens sont assassinés pour leurs organes pour satisfaire à la demande du marché.

La raison de cette demande explosive est naturellement le manque de donneurs d’organes dans le monde – bien que dans certains pays la demande soit plus dramatique que dans d’autres. Ceux qui sont en attente d’un cœur ou d’un organe, ne peuvent que s’inscrire sur des files d’attente dans leur propre pays, sans garantie d’en recevoir un, et doivent par conséquent compter sur le système d’ exécutions de la Chine.

Le bureau de Manfred Nowak se trouve au quatrième étage de la Shottenstift, un coin paisible dans le premier arrondissement de Vienne. L’Institut Ludwig-Boltzman pour les droits de l’homme vient juste d’y déménager et c’est là que Nowak vient s’asseoir et poursuit sa correspondance avec les fonctionnaires chinois.

Le marché demande des organes bon marché et est à l’affût des bonnes occasions, » dit le Rapporteur des Nations Unies. D’un point de vue moral, cela semble plutôt terrifiant. » Mais, les accusations contre la Chine sont une toute autre question. Dans ce cas les mécanismes du marché coïncident avec un mécanisme de répression sanctionné par l’état. »

Le marché, l’autoritarisme, et les disparités mondiales sont un cocktail fatal.

Nowak regarde incrédule une des lettres du régime chinois dans laquelle ils nient catégoriquement les accusations. Deux pages et c’est tout.

« Ça ne suffit tout simplement pas :! » dit Nowak. « Les preuves documentées dans le rapport canadien Kilgour-Matas sont bien trop solides [pour une aussi brève réponse.] »

On a par moment le souffle coupé en lisant le rapport. Des membres chinois de l’équipe d’enquête Matas-Kilgour ont appelé des hôpitaux en Chine et se sont identifiés comme des clients potentiels. Questionné sur la disponibilité d’organes jeunes et sains d’adhérents du Falun Gong, le médecin chef d’une des équipes de transplantation a répondu : « Oui, il y en a habituellement de disponibles pour nous. »

La question suivante des enquêteurs : « Et en ce moment ? » a reçu la réponse : «Oui ! »

Un autre chirurgien a suggéré au dit patient qu’il devrait contacter les hôpitaux de Guangzhou.

« Pouvez vous trouver des organes de pratiquants de Falun Gong ? » « Certainement » a été la réponse.

La question suivante : « l’organe vient-il d’un pratiquant de Falun Gong en bonne santé ? » La réponse : « tout à fait ! Nous choisissons parmi les meilleurs car nous garantissons la qualité de nos transplantations. »

Une autre question : « Quel âge ont habituellement les donneurs ? » a eu pour réponse « La trentaine. »

Des discussions client-fournisseur comme celle qui précède sont un lieu commun là où un système de marché et un appareil répressif sanctionné par l’état entretiennent une relation macabre. En Chine, les cliniques font état sans aucune honte de la coopération parfaite entre le corps médical, le gouvernement et « les tribunaux. » Les vieilles bannières avec le slogan de ralliement communiste suspendues à l’extérieur des hôpitaux sont comme une mauvaise blague.

Un des slogans qui s’agite au vent annonce « Donnez aux êtres humains la place la plus importante »


Robert Misik est un auteur primé et un commentateur basé à Vienne. L’article est un résumé de l’original qui a été publié en allemand le 12 mars 2007

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