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Voici des extraits de l'interview :
Un spectacle libre
" Ce qui m’a frappé dans le spectacle c’est le côté libéré des représentations, de la danse, du spectacle, c’était libre, on ne sentait pas de contrainte ou quelque chose de nécessairement figé dans la synchronisation absolue comme j’avais pu entrapercevoir dans les spectacles chinois jusque là …. Ça m’a surpris, ce perfectionnisme dans l’uniformité absolue, c’est une image qu’on a intégré et là je me rends compte qu’elle n’est peut être pas celle finalement de la Chine traditionnelle, et c’est intéressant de voir ça parce que ça montre qu’on a peut-être tenté de réécrire la tradition chinoise, d’une façon qui masque la réalité historique…
"J’ai été frappé de voir quelque chose de totalement libéré à tel point qu’on a l’impression d’un mouvement du corps spontané quelque chose qui sort de soi-même bien qu'on sache qu'il a fallu énormément travailler … Ça donne envie de s’élancer de la même manière, c’est contagieux …
On peut-être très profond en restant très simple
En l’occurrence ça m’apporte déjà une connaissance d’une culture que j’avais plus sous forme de préjugés et que je redécouvre, un aspect que je ne connaissais pas, pour moi la Chine c’était une culture extrêmement rigoureuse extrêmement figée qui ne laisse pas nécessairement la place à la liberté …
Là il y a une philosophie plus profonde, on le sait parce qu’il y a tout ce qui est taoïsme confucianisme qui ne transparaissent pas suffisamment aujourd’hui dans ce qu’on veut traduire de la Chine aujourd’hui … là il y a une pensée à appréhender.
Et puis surtout le langage corporel C’est très intéressant de voir qu’on peut aussi traduire la philosophie par le geste, pas besoin nécessairement d’avoir lu quelque chose pour comprendre de quoi il s’agit, la gestuelle elle-même ouvre l’esprit à une réflexion peut-être plus approfondie, … en occident on est tellement habitué à une pensée philosophique très lourde, qu’on a du mal à réaliser que finalement la simplicité est tout à fait capable d’exprimer aussi la philosophie, je crois que s’il y avait un enseignement que je devais en retirer ce serait celui-là, ça va dans la continuité d’une réflexion que j’ai déjà dans ma vie quotidienne .. et là je me rends compte que de la même façon on peut être très profond en restant très simple simplement par le travail de l’harmonie avec son environnement .
Cela montre aussi que les individus peuvent tout à fait être unis dans une œuvre collective à condition de travailler ensemble et pas sur un rythme artificiel imposé, comme dans " la danse des baguettes ", l’union fait la force, ce qui aura sur le long terme nettement plus de richesse et de productivité et d’efficacité ...
Il y a là une sagesse tellement ancienne qu’elle s’enrichit au cours des siècles et il n’y a pas eu besoin de rajouter une infinité d’éléments comme notre société en a rajouté dans la philosophie, … on est capable d’exprimer des choses tellement fondamentales qu’elles sont un enseignement, c’est un enseignement, c’est une autre forme d’enseignement, c’est dire aussi il n’est pas besoin d’acquérir des outils de pensée nécessairement très complexes et évolués pour enseigner quelque chose aux autres, le corps peut tout simplement enseigner quelque chose de très simple et de fondamental. On est capable d’être chacun de nous enseignant d’une certaine manière d’une forme de philosophie et d’harmonie avec les choses sans passer par un long processus d’apprentissage …
L’irruption de l’actualité et de la violence avec les deux scènes à propos du Falun Gong et le message de paix
Le message est évident, c’est très fort et très percutant la façon dont on a représenté gestuellement une réalité actuelle, dans la continuité du spectacle, c’est surprenant, tout à coup on a une sorte de rupture de cassure et je me demande si justement ça ne représente pas symboliquement cette rupture dans l’histoire chinoise, et de la même façon dans le spectacle on sent cette rupture totale avec ce qu’a été la Chine traditionnelle, on a la même impression dans le spectacle d’être quelque part violenté par cette apparition de la même façon que la Chine a été violentée par son histoire récente …
… mais il y a un message éminemment positif dans la conclusion de ces deux scènes, en fait la violence provient plus du fait que tout à coup, ramené à une réalité actuelle, on se rend compte à quel point cette réalité est présente, existante, actuelle … de ce côté-là ces scènes sont absolument indispensables pour la conscience collective, c’est dire, il y a eu une Chine traditionnelle on l’a agressée mais il y a encore cet esprit là, la preuve est là devant vous pour vous montrer qu’il persiste, qu’il lutte, qu’il veut être là et qu’il veut persévérer à être là et par ailleurs il y a cette douleur de se dire à quel point cette violence est totalement en décalage finalement, incompréhensible… c’est totalement décalé, on se dit c’est une ignoble quiproquo une énorme mécompréhension, c’est inacceptable et incompréhensible, c’est ça qui est frappant à ce moment là…
La deuxième scène " Le pouvoir de la conscience " est extrêmement symbolique toute la gestuelle traduit à quel point il y a un espoir d’une énorme partie de la population, qu’il y a vraiment énormément de personnes qui ressentent ce besoin d’aller vers le message qu’on a dans cette scène, c'est-à-dire vers une ouverture, quelque chose de pacifique, de paisible et d’harmonieux, c’est très important et très touchant, j’ai été extrêmement touché par cette scène, peut-être plus que par la première, c’est le nombre qui fait la différence … voir tous ces danseurs côte à côte, tout à coup ; c’est amusant de le voir dans le changement de costumes par rapport au reste du spectacle, dans cette simplicité cette façon un peu épurée de la gestuelle et des costumes, on se rend compte que voilà, c’est tout un chacun ça peut être n’importe qui dans la population chinoise qui est concerné par ça et qui est tout à coup touché par quelque chose de totalement disproportionné par rapport à ce que la danseuse voulait traduire en pratiquant le Falun Gong notamment….
L’apparition de l’enfant est très jolie, là aussi ça touche parce qu’on se rend compte à quel point la violence ne touche pas seulement l’adulte elle touche aussi l’enfant, l’innocence était déjà traduite par l’adulte qui lui pratique quelque chose qui est totalement en décalage avec ce qu’on lui reproche, mais l’enfant lui on sent qu’il ne peut pas être coupable de ce qu’il subit ensuite, il ne peut pas être coupable, une répression incompréhensible en fait
La puissance de la métaphore dans " le pouvoir de la conscience "
C’est vraiment superbe, tout le monde a une image très forte de la Chine et de cet homme devant les chars mais je crois que là [avec la très jeune danseuse qui ouvre sa petite banderole bleue avec les caractères dorés pour Vérité, Bonté, Tolérance] c’est la même chose en fait, c’est dire voilà il y a des hommes qui ne sont là que pour la paix et qui tout à coup sont happés par une violence inouïe totalement disproportionnée, ça c’est magnifique, il n’y a pas de message plus percutant, plus fort, pour les droits humains, pour l’humanisme que ce type de manifestation, il n’y a aucune violence, aucune concertation, c’est quelque chose de tellement spontané de tellement individuel, venant du profond du cœur d'un individu prêt à encourir tous les risques, à prendre sur lui toute la violence du monde, simplement pour dire voilà moi ce que je veux c’est la paix …
La métaphore est quelque chose d’extraordinaire parce qu’elle s’adresse à tous les hommes, quels que soient les hommes et leurs idées cet homme là s’adressera à tous les hommes parce qu’il n’a pas développé une idéologie il a juste exprimé un sentiment …. Et ça le sentiment c’est quelque chose d’universel
L’hospitalité tout simplement
Même les interventions entre les scènes sont tellement douces et accueillantes, chaleureuses , les deux intervenants sont tellement chaleureux par leur façon d’être, la mise en scène est tellement chaleureuse que c’est universel c’est quelque chose qui dit ici est ma maison je vous invite c’est l’hospitalité tout simplement
Il y a une volonté de dire voilà il y a notre histoire à nous et maintenant on écrit notre histoire avec vous, c’est universel, tout est fait pour dire on s’adresse à vous et avec vous, c’est très attentionné vis-à-vis du public
La compassion, une inspiration pour sa propre vie
C’est vrai que ce spectacle m’a redonné une énergie je crois que c’est le message du spectacle le message de ces corps, moi ça me donne envie de monopoliser mes énergies et de les mettre à mon tour au service des autres
C’est extrêmement important, parce que quand on est dans un domaine juridique comme dans Amnesty - la loi et le cadre légal est un domaine très rigide et pourtant c’est ce qu’on est obligé de côtoyer en premier lieu parce que c’est sur ce domaine là qu’on va devoir se battre - seulement ça ne doit jamais nous faire oublier l’humanité c’est extrêmement important de lutter pour ce côté humain et privilégier tout ce qui peut faire ressurgir l’humanité en nous, on ne fera jamais un travail aussi bien qu'avec une compassion absolue pour le domaine qu’on traite …
C’est exprimé notamment par ces deux scènes, on se rend compte qu’il y a ce côté humain de nous dire c’est très grave c’est très dur mais il y a aussi quelque chose de très beau qui ne doit pas être éclipsé par toute la dureté toute la souffrance, si on ne voit que la souffrance on oublie ce pourquoi elle a émergé, le message qui était à l’origine c’est tout simplement la bonté humaine et je crois que le spectacle traduit très bien cette dimension, et pour moi c’était vraiment magnifique . "
le 7 mars 2008 à Paris
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