Daniel Mesguich et Satoshi Miyagi : un Duo détonnant pour mieux préparer Beijing 2008

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo


Ayako Terauchi et Marie Frémont. (La Grande Époque)
[...] Il est vrai qu’on en a pour son argent: une ancienne pièce chinoise datant du XIIIe siècle interprétée par une actrice de Kabuki japonais (XVIIe siècle) montée dans un théâtre occidental contemporain sous la direction d’un metteur en scène russe pour décrire une actualité brûlante en Chine. Vous suivez ?

Alors recommençons ! Une troupe de théâtre contemporain se prépare à présenter à un festival de théâtre la pièce chinoise classique «Dou E, l’innocente condamnée» écrite au XIIIe siècle par Guan Han Qing. Le rôle principal est interprété par Joie, interprétée elle-même par l’actrice japonaise Ayako Terauchi tandis que son double est interprété par l’actrice française, Marie Frémont.

Pièce dans la pièce, le spectacle traite du sujet antique d’une justice massacrée par un système juridique corrompu. Le personnage de Doue E est accusé d’avoir empoisonné son soi-disant beau père car elle refuse d’épouser l’Ane, un être cupide qui a empoisonné lui-même son père en croyant empoisonner la mère de Dou E pour mieux arriver à ses fins. Au fur et à mesure que les acteurs s’identifient à leur personnage, leur propre destin va basculer dans une tragédie parallèle à celle qui se déroule dans la pièce antique qu’ils sont entrain de répéter. Comme le personnage de l’ancienne pièce, la fille et la mère de l’actrice principale sont persécutées et torturées tout simplement parce qu’elles aiment se lever tôt le matin pour faire leur méditation dans le parc. Finalement le bien triomphe puisque la neige tombera en plein été selon le dernier vœu de l’innocente condamnée, manifestant ainsi le désapprobation du ciel face à la corruption humaine. Jusque-là tout est clair ; l’injustice est intemporelle, elle traverse les continents, menée par le temps (superbement interprété par Catherine Berriane) qui n’y est pour rien et qui n’y peut rien. Mais quelle est la réalité brûlante qui est à la base de la pièce ? Il est difficile de le dire si on ne connaît pas le sujet.

C’est donc le troisième niveau qui reste le plus brumeux car le spectateur moyen n’est pas forcément au courant de la persécution contre les pratiquants de la méthode bouddhiste Falun Gong qui se passe de nos jours en Chine non seulement dans le district de Shu Zhou où se passe la pièce mais aussi à Pékin, à Shanghai et partout où il y a un bureau du parti communiste. Le spectateur non averti ne sait probablement pas non plus que le parti a fondé un bureau 610, comme l’indique le panneau au dessus du bureau du policier qui brutalise Parfum. Le bureau 610 est aux pratiquants du Falun Gong ce que la Gestapo était aux juifs sous l’occupation nazie. Son rôle est de trouver les pratiquants de la méditation et de les éliminer par n’importe quel moyen. Il est placé au dessus de toute instance politique ou judiciaire.

«Tu ne sais pas encore tout. Nous pouvons encore fabriquer la haine. Cela, c’est notre spécialité. La haine entre les hommes, la haine du peuple contre vous, que vous périssiez sous la haine du peuple.»

«Tout cela n’est qu’un jeu pour moi. Un tout petit jeu pour moi…», dit le petit chef qui torture Parfum.

Et notre spectateur ne sait toujours pas que la scène dans laquelle le policier accuse Parfum de tentative de suicide ou d’incendier la capitale est inspirée par la fausse auto immolation que le régime a fabriqué pour diffamer le Falun Dafa.

Quand l’Ane, le copain de Parfum dit « La TV reprenait un air de révolution déjà vu. C‘était comme un appel au meurtre... », notre spectateur candide ignore que le 20 juillet 1999 tous les medias en Chine ont diffusé en boucle 24 /24 heures des fausses informations pour diffamer le Falun Gong. Il ne sait pas non plus que le régime chinois a diffusé cette information dans les médias étrangers à travers ses ambassades et ses agences de presse et ainsi ont étendu la diffamation en dehors de la Chine.

Nous avons interviewé Ekaterina Bogopolskaïa, critique de théâtre et membre du syndicat des critiques.

Ekaterina Bogopolskaïa : J’ai beaucoup aimé le propos d’assembler l’histoire contemporaine avec la légende ancestrale. A travers cette légende ancestrale on peut toucher les problèmes d’aujourd’hui. L’éloignement dans le temps donne de l’importance au sujet contemporain. Donc j’ai beaucoup aimé ce procédé de conjuguer ces deux histoires et le fait que la pièce ancienne peut révéler la grande vérité de l’histoire contemporaine.

[...]

LGE : Justement, quel est le message de cette pièce pour vous ?

Ekaterina Bogopolskaïa :Pour moi le message de la pièce c’est qu’il faut rester fidèle à ses convictions car de toute façon la justice sera rendue d’une manière ou d’une autre, ne fut-ce que symboliquement par une neige qui tombe sur la ville en plein été. Cela veut dire qu’il faut rester fidèle à ses convictions. Cela fait évidemment qu’on ne voit pas l’histoire du Falun Dafa car c’est trop abstrait. On ne comprend donc pas de quoi il s’agit, pourquoi ils sont torturés dans l’histoire moderne. On a du mal à comprendre pourquoi ils sont persécutés pour la méditation. Cela paraît complètement abstrait et métaphorique, alors qu’en fait c’est bien réel. »

LGE : Et vous, comment êtes vous au courant ?

Ekaterina Bogopolskaïa : Il se trouve que j’ai vu un film qui parlait des persécutions en Chine. Mais pour un spectateur, pour un français qui vient regarder ce spectacle ce n’est pas du tout évident qu’il s’agit d’une persécution qui a lieu actuellement en Chine. Tout simplement il ne sait rien à ce sujet. En revanche, je trouve très beau que l’histoire devienne universelle dans le spectacle. Peut être que dans le programme il faut donner beaucoup plus d’information sur ce qui se passe réellement en Chine actuellement, et après c’est au spectateur d’en tirer les conclusions.

C’est un peu comme dans Antigone. Il s’agit de rester fidèle à ses idéaux même en sachant ce que tu risques de perdre. C’est dans ce genre d’idée.



Neige d’été est publié par les éditions L’Harmattan. Neige d’été, au Théâtre de Ménilmontant jusqu’au 6 mars.

Source :
http://www.lagrandeepoque.com/LGE/content/view/3586/44/

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.

* * *

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.