Mais qu’est-ce que la «renaissance de la culture chinoise»?

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17-01-2008

Petite partie de la grande peinture les 87 êtres célestes de Wu Daozi, un artiste de la dynastie Tang (618-907). Les arts dans la Chine traditionnelle étaient fortement influencés par une profonde révérence pour les divinités.

Nous sommes assez familiers avec une forme de culture chinoise populaire occidentalisée. D’abord, il y a le légendaire buffet chinois, où l’on trouve des patates frites, jell-o et pizza à côté des egg rolls et compagnie. Pour les plus âgés, il y a les fameux films de Bruce Lee, qui s’est détourné des arts martiaux traditionnels pour fonder son propre système, le Jeet Kune Do. Pour les plus jeunes, il y a les acrobaties de Jet Li, qui pratique le wushu, un sport moderne créé par le gouvernement communiste. Pour les hommes d’affaires, il y a les gratte-ciel de Shanghai, bâtis sur d’anciens quartiers populaires. Pour les gastronomes, il y a le poulet du général Tao, dont la chinoisité est largement contestée…

Qu’en est-il de la culture chinoise authentique? Oui, Montréal cosmopolite nous permet certaines rencontres avec la danse du lion, les courses de bateaux-dragons et les jardins chinois, mais peut-être ignorons-nous leur sens plus profond malgré certaines connaissances yin yang-tai chi-feng shui.

La Célébration du Nouvel An chinois, présentée par la chaîne de télévision New Tang Dynasty à la Place des Arts de Montréal pour une deuxième année consécutive, affirme être la vraie représentante de la culture traditionnelle chinoise. Dans ses communiqués, elle décrit ses spectacles comme étant dépourvus des «éléments du communisme chinois». Qu’est-ce que cela veut dire?

Les productions culturelles de la République populaire de Chine (RPC) d’aujourd’hui ne sont-elles pas aussi authentiques? La libéralisation économique à certains égards de la RPC, avec son industrie touristique massive et sa société de consommation en expansion, a créé un regain d’intérêt pour la culture chinoise. Mais cette dernière a néanmoins conservé un petit côté «arme politique» des années Mao en tant que «pouvoir souple» pour les dirigeants. Quant au volet lucratif et divertissant, il rend la récupération très superficielle.

Les raisons en sont à la fois politiques et historiques. Le régime communiste, au pouvoir en Chine depuis 1949, a tout récemment ressorti le jargon confucéen dans le discours officiel, alors qu’il avait eu comme mot d’ordre son extermination complète pendant plusieurs années. Ainsi, les slogans «société harmonieuse» et «développement pacifique» sont omniprésents chez le tandem dirigeant Hu Jintao-Wen Jiabao.

Donc, le traditionnel discours marxiste de «lutte des classes» a été remplacé par un autre visant à ne pas donner de mauvaises idées à la majorité de la population ne profitant pas du boum économique.

Un parallèle peut être fait entre cette récupération des concepts confucéens dans le discours des dirigeants et la récupération de la culture traditionnelle par l’appareil d’État. Avec le vide idéologique créé par la faillite du communisme, l’inefficacité du système de contrôle social par la propagande politique doit être contrée par d’autres mesures agissant comme éléments rassembleurs, autres que la menace de la force coercitive. À ce titre, culture et nationalisme jouent un rôle de premier plan.

Dans le contexte actuel, une véritable renaissance de la culture et des arts traditionnels en Chine semble impossible en raison des mentalités, du contrôle et du lourd passé du Parti communiste chinois. Si ce dernier a été particulièrement rigoureux dans la destruction de l’héritage de la Chine, le processus d’élimination du traditionnel a débuté avant sa prise du pouvoir. Revisitons quelques éléments de cette histoire.

La Chine prisée
Le dédain de certains intellectuels et politiciens chinois pour leur propre culture est le fruit d’un long processus. On peut dire qu’il a été grandement influencé par le contact avec l’Occident et le raisonnement des Occidentaux. Ces derniers, lors de leurs voyages en Chine au 19e siècle, voyaient, dans l’empire du Milieu, un pays fondamentalement retardé.

Mais cette perception elle-même était toute neuve. Au 18e siècle, il y avait un mouvement d’admiration pour la Chine en Europe, le mieux représenté par le philosophe français Voltaire. Il vouait un immense respect à Confucius, jugeant qu’il avait su communiquer les idées les plus rationnelles sur la divinité. Il énonçait aussi que le philosophe, pour connaître le monde, devait d’abord se tourner vers l’Est, «le berceau de tous les arts, auquel l’Ouest doit tout».

Mais l’encensement de l’Empereur éclairé ne pouvait demeurer à la mode très longtemps avec la Révolution française et la montée d’un athéisme digérant mal les «superstitions» spirituelles de la Chine.

Dans le discours des philosophes dominants suivant cet événement, le ton était devenu plutôt hostile face à la Chine. Les Allemands Hegel et Kant, entre autres, ne mâchaient pas leurs mots. Complètement à l’opposé de Voltaire, Kant a dit : «La philosophie ne peut être trouvée dans tout l’Orient… Le concept de vertu et de moralité n’a jamais pénétré la tête des Chinois.»

Ce changement d’attitude était renforcé par les bouleversements en Europe, causés par la révolution industrielle. Le vieux continent n’avait pas besoin d’admirer l’étranger alors qu’il se découvrait une nouvelle force avec la science et que l’idéologie du progrès devenait hégémonique.

Tous ces éléments projetèrent les pays européens hors de leurs frontières dans une entreprise de colonisation, justifiée et/ou motivée par l’idée qu’ils pouvaient répandre leur avancement sur d’autres «peuplades attardées».

Pour la Chine, comme ailleurs, l’impact fut désastreux. Après deux Guerres de l’opium perdues contre les puissances étrangères (1839-42, 1857-60), la destruction du Palais d’été à Pékin (1860), la perte de la première Guerre sino-japonaise (1894-95) et la guerre entre la Russie et le Japon sur son propre territoire pour l’influence en Corée et en Manchourie (1904-05), la Chine est complètement dépassée et forcée de revoir son système.

http://www.lagrandeepoque.com/LGE/content/view/3292/168/

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