La Grande Époque : Un déserteur chinois au Canada craint d'être expulsé

Il révèle la torture et les meurtres
 
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TORONTO – Une quatrième désertion d’officiers hauts-gradés chinois est survenue la semaine dernière. Han Guangsheng, 52 ans, un ancien directeur du Bureau judiciaire en Chine, savait qu’il prenait des risques en annonçant publiquement qu’il demandait l’asile politique au Canada.

M. Han est accusé de trahison dans son pays. Au Canada, il est considéré comme un complice des crimes contre l’humanité perpétrés par le Parti communiste chinois (PCC). Il craint d’être déporté vers la Chine où on pourrait l’incarcérer ou l’exécuter. M. Han sait que sa récente sortie publique pourrait mettre en danger sa vie, de même que celle de sa famille.

«Au bout du compte, si je dois payer de ma propre vie, je crois que ça en aura valu la peine.»

C’est ainsi qu’il s’est confié à La Grande Époque (LGÉ) pour avertir le Canada au sujet des violations des droits humains encore très répandues en Chine. Il a dévoilé son histoire dans une entrevue de cinq heures accordée à LGÉ et à La Presse canadienne.

Après avoir obtenu le diplôme de l’Université Nankai à Tianjin en 1982, le gouvernement l’a assigné au Bureau de la sécurité publique de Shenyang (7,2 millions d’habitants). En 1992, il avait gravi plusieurs échelons et occupait le poste de chef adjoint. Après un transfert au poste de chef adjoint du Bureau judiciaire en 1996, il a été promu au poste de chef du Bureau judiciaire de Shenyang en 1999.

M. Han a dit que lorsqu’il était jeune, il était très ambitieux et espérait servir le Parti communiste et son pays. Il voyait son travail comme une occasion de maintenir la justice et de faire le bien. Suite au massacre des étudiants sur la Place Tian An Men en 1989, sa perspective d’avenir a commencé à changer.

En 1999, Han Guangsheng a été assigné à la direction de deux prisons et de quatre camps de travaux forcés dans le nord-est de la Chine. La même année, le gouvernement entamait une persécution de la pratique spirituelle Falun Gong à l'échelle du pays. Des centaines de milliers de pratiquants de la discipline ont été arrêtés et détenus sans procès et plusieurs d’entre eux se trouvaient sous la juridiction de M. Han.

Tout comme les autres déserteurs chinois à s'être manifestés récemment, M. Han ne pouvait participer à la persécution avec une bonne conscience. Bien que n’embrassant pas le Falun Gong lui-même, il a dit qu’il savait que les pratiquants étaient pacifiques et n’avaient violé aucune loi.

«J’ai fait tout mon possible selon mes capacités pour prendre soin d’eux», a-t-il dit.

M. Han se compare à Oskar Schindler, celui qui avait aidé à secourir des Juifs sous le régime nazi d’Hitler et qui est dépeint dans le long métrage La liste de Schindler.

Il affirme qu’il interdisait de maltraiter les pratiquants de Falun Gong dans les camps qu’il supervisait. Trois de ces camps détenaient des pratiquants pour des classes de «rééducation» et pour des peines de camps de travaux forcés octroyées sans procédure légale.

Han Guangsheng dit qu’il a aidé à libérer 159 pratiquantes de Falun Gong de ses camps de travail et qu’il a congédié un chef adjoint qui a permis la torture d’une jeune pratiquante de 15 ans à l’aide de chocs électriques dans le camp de Longshan.

À la fin 2000, M. Han dit avoir discuté avec deux femmes qui venaient d’être récemment transférées du camp de travail Masanjia, le seul camp de Shenyang n’étant pas sous sa gouverne.

Les femmes lui auraient parlé des tortures avec matraques électriques, du perçage de certaines parties du corps avec des aiguilles et d’être forcées de faire des pompes sur la glace dans des températures glaciales, le tout pour les forcer à renoncer au Falun Gong. M. Han a fait parvenir leurs plaintes écrites au chef du Département judiciaire provincial chargé du camp Masanjia, un geste qui a déplu aux fonctionnaires de hauts-rangs.

Malgré ses efforts pour empêcher les mauvais traitements à l’égard des pratiquants du Falun Gong, certains d’entre eux ont été torturés sous sa juridiction. M. Han dit qu’il a essayé d’arrêter tous les cas d’abus dont il avait la connaissance, mais il n’était pas au courant de tout ce qui se déroulait. Ce fait allait revenir le hanter.

Ne pouvant plus poursuivre sa tâche et ayant un sévère cas de conscience, M. Han cherchait le temps opportun pour déserter. Cela s’est produit en 2001 lors d’un voyage à Toronto.

Immédiatement après être arrivé à Toronto, il a envoyé un fac-similé à ses supérieurs en Chine annonçant sa démission du Parti communiste et qu’il quittait son emploi.

«Il y a trop de secrets et de cruauté dans le cercle des fonctionnaires», a-t-il écrit dans sa lettre de démission.

Sa femme, toujours en Chine, a été placée sous surveillance et interrogée immédiatement après sa désertion.

En 2002, il a fait une demande pour obtenir le statut de réfugié au Canada. Elle a été refusée le 21 avril dernier après trois audiences.

Tom Pickney, le magistrat du tribunal des réfugiés, a jugé qu’en raison de son «importante position d’autorité», Han Guangsheng est responsable de la persécution du Falun Gong dont il avait connaissance.

«Il y a de sérieuses raisons de considérer qu’il est complice de ces crimes contre l’humanité», a écrit le juge Pickney, notant qu’un grand nombre de rapports de torture venaient des camps de travail dont M. Han avait la supervision.

Joel Etienne, un avocat à l’immigration représentant le World Organization to Investigate the Persecution of Falun Gong, dit que l’organisation non gouvernementale (ONG) se prépare pour intervenir en faveur de la demande de M. Han.

Me Etienne dit que même si des crimes contre l’humanité sont commis en Chine, les ordres au sujet du traitement du Falun Gong viennent directement des dirigeants du Parti communiste. Il n’est donc pas raisonnable que M. Han ait pu mettre un terme à toute la persécution autour de lui.

«Comment ces fonctionnaires peuvent-ils trouver la force de s’opposer à ces ordres criminels venant de gouvernements oppressifs s’ils n’ont pas de peuple, de pays ou de justice vers qui se tourner?», se demande Me Étienne.

M. Han dit que les agences du gouvernement chinois sous le contrôle du Parti communiste sont systématiquement placées dans une position où elles sont forcées de persécuter des civils.

Il dit que la distinction devrait être : «Est-ce que la personne suit avec zèle le parti [communiste] pour persécuter les gens ou autrement ?» ou «Est-ce que la personne essaie de protéger les gens selon ses capacités? Il devrait y avoir une différence entre ces genres de cas.»

En plus de faire lumière sur la torture des pratiquants de Falun Gong en Chine, M. Han a aussi confirmé les allégations d’un autre déserteur au sujet des activités d’espionnage de la Chine dans les pays occidentaux, y compris le Canada.

Dernièrement, un autre policier chinois en charge de persécuter le Falun Gong a sorti de Chine des centaines de rapports d’espions postés à l’étranger. Cet homme, Hao Fengjun, estiment que 1000 espions opèrent au Canada.

Bien que Hao Fengjun n’était pas en charge de la collecte d’informations, ses années passées au sein du système l’ont aidé a tracer un portrait détaillé des activités d’espionnage de la Chine.

M. Han affirme que le gouvernement chinois est friand d’informations secrètes politiques et commerciales. Selon lui, les renseignements sont obtenus de différentes sources :

1. Le personnel des ambassades et des consulats chinois,
2. Le personnel du Bureau de la sécurité publique, déguisé en hommes d’affaires,
3. Les journalistes des médias du gouvernement chinois,
4. Des hommes de lettre et différents experts industriels,
5. Des délégations en visite.

M. Han a déjà rencontré un soi-disant chercheur financier dans un restaurant du Chinatown de Toronto qui lui a confié être un agent du Bureau de la sécurité nationale de la province de Liaoning. Suite à la rencontre, M. Han a rapidement changé son adresse.

Toujours selon M. Han, même les fonctionnaires des pays occidentaux en visite en Chine font l’objet de surveillance. Des micros sont installés, les bagages fouillés clandestinement et d’autres moyens sont utilisés.

Han Guangsheng affirme que ses supérieurs lui ont collé l’étiquette de traître de la Chine depuis sa désertion, mais il ne se voit vraiment pas ainsi.

«Le PCC est seulement un pouvoir politique dominant la Chine aujourd'hui, il ne peut représenter le pays ou le peuple. Il ne règne que sur la Chine et sa vie est limitée. Mais en tant que race et nation, les Chinois existeront pour toujours.»

«J’aime sincèrement mon pays et, sincèrement, j’aime véritablement mon peuple. J’espère seulement que plus de gens pourront comprendre ce point.»

Il reste à voir si Han Guangsheng devra rencontrer ses amis et ennemis en Chine. Sa demande de réfugié est en appel à la Cour fédérale.

L’ambassade chinoise d’Ottawa ne répond pas aux appels.

Traduit au Canada

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.

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