Jiu Ping 40 ans après

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Michel Wu, ancien rédacteur en chef de la section chinoise de RFI
Photo de © La Grande Époque
Extrait du discours de Michel Wu à l’Assemblée nationale à Paris lors d’une conférence de presse sur le thème « Droits de l’homme et démocratie » qui s’est tenue le 30 mai, à l’occasion de l’anniversaire du massacre de Tiananmen.

Je vais commencer mon exposé par un mot chinois : « Jiu Ping » qui signifie neuf commentaires. C’est un mot qui aurait pu être, tout comme « taikonaute », un événement médiatique. Paraissant peut-être un peu trop elliptique, Jiu Ping est pourtant suffisamment significatif pour éveiller la curiosité professionnelle de la presse occidentale. « C’est de la chinoiserie » affirmait un ami journaliste qui n’est pas initié à l’astuce de la culture chinoise déformée et rehaussée par un régime qui fait du fusil et de la plume les deux piliers de son pouvoir.

Durant ces 40 dernières années, la vie politique en Chine a été marquée par deux Jiu Ping – neuf commentaires

La première série de neuf commentaires a été publiée dans les années 60 du siècle dernier, plus précisément entre 1963 et 1964, par la revue théorique du Parti communiste chinois (PCC) Drapeau Rouge et le Quotidien du Peuple. Ces fameux commentaires répondaient à une lettre ouverte du comité central du Parti Communiste d’Union Soviétique, portant à l’apogée une polémique qui avait éclaté 10 ans auparavant à la suite des travaux du 20ème congrès du PCUS au cours desquels Nikita Khrouchtchev, alors secrétaire général, commençait à liquider les héritages politiques de Joseph Staline décédé en 1954. Le PCC était très fier de son offensive puisque Nikita Khrouchtchev fut remplacé par Léonid Brejnev avant que ne soit épuisé la série de ces neuf commentaires politiques. Jiu Ping entra dans le vocabulaire politique et le PCC voulait montrer de cette façon au monde l’efficacité de la plume tout comme le fusil dans ses mains.

Quarante ans après, alors que le même Parti communiste s’est vu obligé de reprendre sur son compte tous les reproches qu’il faisait à Nikita Khrouchtchev et au PCUS, une autre série de neuf commentaires est publiée le 19 novembre dernier par The Epoch Times, un journal indépendant créé à New York par des journalistes chinois. Les nouveaux Jiu Ping dissèquent, de son origine jusqu’à nos jours, le PCC et la pratique meurtrière du stalinisme en Chine. Il constitue un bilan noir construit pourtant avec les faits et chiffres glanés dans les publications officielles chinoises. En lançant cette diatribe sous la forme de Jiu Ping - neuf commentaires - ses auteurs ont sans doute voulu souligner l’impitoyable ironie du sort que l’histoire a réservée à un régime qui, en désespoir de cause, a renfilé aux années 80 le pantalon du révisionnisme khrouchtchévien qu’il avait attaqué à boulets rouges au nom de l’orthodoxie du mouvement communiste international.

Soutien financier du PCC aux autres partis communistes ou aux partis nationalistes en vue d’établir une révolution socialiste mondiale.

Sur la lancée du succès de ses Jiu Ping, le PCC a redoublé d’ardeur dans ses efforts en vue du triomphe de la révolution mondiale, en offrant aux autres partis communistes une généreuse aide financière et aux mouvements de libération nationale une assistance militaire en armes et en munitions. Moi-même, j’ai été témoin de l’intervention chinoise dans la guerre pour l’indépendance algérienne. L’été 1962, quand j’allais franchir la frontière entre le Maroc et l’Algérie, un commandant - dit Stempouli - m’affirmait dans le camp d’Oujda : « Savez-vous combien nos combattants savent gré au PCC ? Tous les matins, avant de prendre le petit-déjeuner, ils crient en chœur : Vive Mao ». Il a confirmé que leurs armes légères, les munitions ainsi que les chaussures, les uniformes, les couvertures et les tentes moustiquaires étaient tous fournis à titre gracieux par la Chine communiste. Ici, je n’ai pas à m’étendre sur la douloureuse histoire commencée par un coup de l’éventail. Je témoigne tout simplement que l’intervention du PCC dans la guerre d’Algérie faisait bien partie de sa stratégie de révolution mondiale.

[…]

« On m’a formellement demandé de me taire sur le Falungong en me remettant un sac de brochures et cd de propagande anti-falungong. »

En 2002, moi-même j’ai été invité à prendre un café par l’ambassade de Chine à Paris quand j’avais encore la charge de l’émission en mandarin à Radio France Internationale. On m’a formellement demandé de me taire sur le Falungong en me remettant un sac de brochures et cd de propagande anti-falungong. Ma réponse était bien entendu négative. J’ai dit à mon interlocuteur qu’en l’absence de toute enquête indépendante et libre, les ordures que les autorités chinoises ont versées sur le Falungong n’étaient pas convaincantes puisque de 1992 à 1996 pendant quatre années durant, il faisait cinq colonnes à la une dans la presse officielle et mes oreilles résonnent toujours de la voix métallique des speakers chinois qui proclamaient « Fa lun da fa hao » (le Falungong est bon). Et comment se faisait-il que patata, ce mouvement qui préconise une autre philosophie que la lutte de classes et entraînait dans son sillage plus d’adhérents que les militants du parti et cela jusqu’à la plus haute hiérarchie, est devenu du jour au lendemain « secte », « bande » ou « organisation réactionnaire » ou encore « terroriste. » Il est en fait l’un des derniers parias politiques que le régime ne cessait de créer depuis un demi-siècle pour s’affirmer sur la scène politique en Chine. Je profite de cette occasion pour lancer un appel à une enquête de la presse internationale à ce sujet puisque sous un simulacre d’inculpation, plus de deux milliers de personnes ont succombé à la torture des plus barbares en prison et que le Falungong, malgré la répression digne d’un autre âge, a réussi à s’implanter dans une soixantaine de pays du monde. Et l’on entend partout les représentants de la Chine communiste qui s’adressent aux chinois et étrangers qui ne leur plaisent pas : « Etes-vous du Falungong ? » à l’instar de la gestapo qui poursuivait la population juive.

« Derrière la splendide façade d’un pays dopé à flot par dollars et euros se cache une réalité bien moins rassurante. »

Je reprends le fil de mon intervention. Derrière la splendide façade d’un pays dopé à flot par dollars et euros se cache une réalité bien moins rassurante : la réforme des entreprises d’Etat se heurte aux intérêts des tenants du pouvoir en haut comme en bas, les bourses craquent, les laissés pour compte d’une société ultra libérale et communiste souffrent d’un déséquilibre matériel et psychologique qui risque l’explosion. Enfin, de l’aveu des journalistes chinois, la concentration des pouvoirs a fait apparaître ostensiblement un législatif corrompu, une justice corrompue et un exécutif corrompu. Un beau bateau qui part à la dérive avec un discours officiel non moins déroutant.

L’actuel secrétaire général Hu Jintao déclarait à l’occasion du 110ème anniversaire de la naissance de Mao : « L’histoire est un long fleuve. Aujourd’hui provient d’hier et demain est la continuation d’aujourd’hui. » Pour lui, l’objectif du PCC est de « réaliser la modernisation du pays, la réunification intégrale de la patrie et la grande renaissance de la nation chinoise. » Comment atteindre l’objectif ? Il enchaîna : « L’histoire a montré que seul le parti communiste était capable de nous diriger dans l’instauration d’un régime socialiste, que seul le socialisme est en mesure de sauver et de développer la Chine et que c’est seulement en persévérant dans la voie socialiste que nous pouvons réaliser la grande renaissance de la nation chinoise. » Hu n’a pas précisé si cette grande renaissance de la nation chinoise ne se fera que sur le sol chinois. Pourtant, dans des salons plus ou moins privés à Pékin, l’espace vital et l’arme démographique ne sont plus des sujets tabous au même titre que l’ingénierie génétique à des fins militaires, quand les généraux abordent non sans inquiétude la pénurie des ressources par rapport à la croissance d’une population encombrante et emportée par un chauvinisme ambiant.

[…]

« En l’espace de moins de six mois et grâce à l’Internet et aux voyageurs, près de deux millions de militants communistes ont annoncé sur le net qu’ils se retiraient du parti. »

Oui, Mesdames et Messieurs, c’est sur ces entrefaites que sont parus les deuxièmes Jiu Ping. De par la solidité de ses arguments et la force d’une plume objective mais sans complaisance,la série des Neuf commentaires de The Epoch Times a su refléter le cœur des dizaines de millions de victimes du règne communiste en Chine et trouvé par conséquent un écho logique mais un peu inattendu. En l’espace de moins de six mois et grâce à l’Internet et aux voyageurs, près de deux millions de militants communistes dont la plupart se trouvent sur le continent ont annoncé sur le net qu’ils se retiraient du parti. Ce mouvement qui continue à prendre de l’ampleur a lieu sur le fond d’une vaste campagne de désobéissance civile. Par ailleurs, les Jiu Ping de The Epoch Times ont trouvé également un écho favorable parmi tous les courants de la dissidence en Chine comme à l’étranger. Les dissidents de Mao, de Deng, de Jiang et de Hu y voient tous un bon élément fédérateur auquel ils multiplient les gestes d’adhésion. On dirait un nouveau souffle de la longue marche des chinois vers la liberté et la démocratie, mais aussi le clairon pour terminer la guerre froide en Asie et en finir avec le communiste sur notre planète.

Heureux de terminer mon intervention sur cette note positive, je tiens à rendre hommage à vous tous, les illustres élus des peuples européens, pour tout ce que vous avez fait, 16 années durant, en faveur du peuple chinois. Il vous sera reconnaissant.

Je vous remercie de votre attention.

Source :
http://french.epochtimes.com/news/5-6-2/1898.html

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