Pékin a le bras long pour réduire au silence ceux qui dénoncent ses atrocités

Comment le PCC fait taire l’Occident sur le prélèvement forcé d’organes
 
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(Illustration par Epoch Times, Samira Bouaou/Epoch Times, Chung I Ho/Epoch Times)

(Illustration par Epoch Times, Samira Bouaou/Epoch Times, Chung I Ho/Epoch Times)

Lorsque David Matas s’est retrouvé dans le collimateur du régime chinois pour avoir enquêté sur les meurtres systématiques de prisonniers d’opinion pour leurs organes, des événements suspects ont commencé à se produire autour de lui.

Les organisateurs qui avaient prévu que l’avocat spécialisé dans les droits de l’homme vienne parler de ce sujet annulaient à la dernière minute. Les sites réservés pour les forums se désistaient sans donner beaucoup d’explications. La veille d’un forum auquel il devait participer, une salle où l’évènement était prévu a été la cible d’une fusillade depuis une voiture qui a laissé un impact de balle dans la fenêtre.

Lors d’une autre session de questions-réponses en direct, un homme a appelé, s’identifiant comme un agent de police chinois.

« Avez-vous peur de mourir ? Vous vous immiscez brutalement dans les politiques internes de notre Parti », a-t-il dit par l’intermédiaire d’un interprète. « Nous nous vengerons de vous. N’avez-vous pas peur ? »

M. Matas est resté ferme. « Si vous n’aimez pas ce que je dis, essayez d’arrêter les abus liés aux transplantations d’organes en Chine et ne me menacez pas », a-t-il répliqué.

Selon M. Matas, plutôt que d’essayer de l’intimider, les autorités chinoises reconnaissaient « qu’elles voulaient simplement camper sur leurs positions, même si elles n’avaient aucun argument en leur faveur ».

C’était en 2008, deux ans après que le programme de massacre à grande échelle pour le prélèvement d’organes mis en place par le régime – une industrie pesant un milliard de dollars, portée par la promesse de délais d’attente extrêmement courts pour les patients nationaux et internationaux à la recherche d’une greffe d’organe – a été révélé au grand jour. L’approvisionnement provient de prisonniers d’opinion non consentants qui sont tués à la demande.

En 2024, le Parti communiste chinois (PCC) ne semble pas avoir beaucoup changé, si ce n’est qu’il s’est doté d’une nouvelle couche de subtilité.

Plutôt que d’entrer ouvertement en conflit avec les enquêteurs des droits de l’homme, le régime se retire désormais davantage en arrière-plan, utilisant son bras économique et diplomatique pour étouffer les critiques tout en persuadant les élites politiques et médicales de parler en son nom.

À certains égards, cette stratégie a porté ses fruits. Des milieux politiques au monde du spectacle en passant par les universités, un climat de peur règne, décourageant ceux qui cherchent à dénoncer les abus du régime.


David Matas, avocat international des droits de l’homme, avant un événement sur le prélèvement forcé d’organes à l’Université de Harvard à Boston, le 8 mars 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

« Le grand mensonge en pleine lumière »

Le 27 mars 2023, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté à une écrasante majorité la loi « Stop Forced Organ Harvesting Act » (Loi contre le prélèvement forcé d’organes), portée par le représentant Chris Smith.

Le lendemain soir, vers 22 heures, l’ambassade de Chine a adressé un message furieux au bureau du député du New Jersey.

« La Chine rejette fermement ce projet de loi absurde », avait écrit Zhou Zheng, un responsable de l’ambassade, exigeant que « les États-Unis cessent immédiatement leur agitation infondée et leurs manœuvres anti-chinoises ».

M. Smith, dont la proposition visait à punir les auteurs de tels crimes d’une peine allant jusqu’à vingt ans de prison, a qualifié cette réaction de « grand mensonge en pleine lumière ».

Le silence n’est pas une option, surtout de la part des associations et sociétés médicales.

— Le Représentant américain Chris Smith

« Des personnes parfaitement saines, placées sur une civière, droguées, afin qu’on leur prélève deux à trois organes sans leur consentement – et on les tue – c’est un meurtre. Ce sont des crimes contre l’humanité », avait-il déclaré à Epoch Times.

En attendant que le projet de loi passe au Sénat, M. Smith continuait de chercher d’autres moyens d’avancer. Dans une lettre adressée au secrétaire d’État Antony Blinken de l’administration Biden, il a demandé au Département d’État de proposer des récompenses financières aux lanceurs d’alerte pour les inciter à témoigner sur le prélèvement forcé d’organes.

« Le silence est inacceptable », avait-il affirmé lors d’une audition du Congrès américain en mars 2024 visant à explorer des solutions pour enrayer ces abus.

« Le silence n’est pas une option, surtout de la part des associations et sociétés médicales. En gardant le silence, elles deviennent les plus susceptibles d’être complices de ce crime odieux contre l’humanité. »

Le président de la Commission exécutive du Congrès sur la Chine, Chris Smith (Parti républicain – New Jersey), le sénateur Jeff Merkley (Parti démocrate – Oregon) et la représentante Michelle Steel (Parti républicain – Californie) lors d’une audition sur le prélèvement forcé d’organes par le Parti communiste chinois, à Washington, le 20 mars 2024. (Madalina Vasiliu/Epoch Times)

« Complices silencieux »

Le silence reste pourtant la voie choisie par beaucoup.

En 2017, alors que le sénateur de l’État de Californie Joel Anderson gagnait le soutien de ses collègues pour faire adopter une résolution condamnant le prélèvement forcé d’organes, le Parti communiste chinois (PCC) est intervenu.

Un à un, les sénateurs entourant M. Anderson ont reçu une lettre du consulat chinois de San Francisco les mettant en garde contre tout soutien à cette résolution. Chacun a ensuite reçu un appel téléphonique d’un représentant chinois pour s’assurer qu’il avait bien pris connaissance du message.

La lettre présentait cette initiative comme « anti-chinoise » et « antihumaine », en précisant qu’elle « pourrait gravement nuire aux relations de coopération entre l’État de Californie et la Chine ».

Cette tactique a eu un effet dissuasif, a expliqué M. Anderson.

Au cours de la dernière semaine de la session du Sénat, il a tenté à 18 reprises de faire voter la résolution, allant jusqu’à demander à ses collègues de regarder, depuis les tribunes, les visages des victimes ayant fui la persécution en Chine. Mais ses efforts furent vains : ses collègues « ne voulaient pas en parler ».

« Penser que la Californie ou tout autre législateur américain puisse être influencé ou intimidé par le gouvernement chinois est effrayant. »

— Joel Anderson, sénateur de l'État de CalifornieLe sénateur Joel Anderson, lors d’une séance du Sénat le 18 mai 2018 à Sacramento, en Californie. (Brian Baer/Getty Images pour NAMM)

Ce fut une profonde déception pour M. Anderson de constater l’impact qu’une simple lettre de responsables chinois pouvait avoir aux États-Unis.

« Penser que la Californie, ou tout autre législateur américain, puisse être influencé ou intimidé par le gouvernement chinois est effrayant », a-t-il confié lors d’un précédent entretien avec Epoch Times. « Nous devrions nous sentir suffisamment sûrs dans notre propre pays pour dénoncer les atrocités lorsque nous en sommes témoins. »

Comme M. Smith et M. Matas, M. Anderson figure sur la liste noire de Pékin du fait de son engagement en faveur des droits de l’homme.

La Californie n’est pas le seul endroit où le régime a réussi à faire taire les discussions sur ces abus – et ces efforts ne se limitent pas à la sphère politique.

En 2019, lorsque le China Tribunal basé à Londres a conclu « au-delà de tout doute raisonnable » que des prélèvements forcés d’organes, approuvés par l’État, avaient lieu en Chine « à grande échelle », le Dr Weldon Gilcrease, un spécialiste du cancer gastro-intestinal à l’Université de l’Utah, s’est senti poussé à agir.

L’Université de l’Utah abrite le seul centre de transplantation complet de l’État, qui couvre les greffes de rein, pancréas, foie, cœur et poumons. Les programmes de greffe de foie et de rein figuraient parmi les dix meilleurs du pays en 2017. Muni d’un résumé de trois pages et demie des conclusions du tribunal, il s’est adressé au directeur médical de l’université, suggérant une réunion avec les équipes juridiques et de transplantation du centre médical universitaire.

Scène du documentaire State Organs montrant des pratiquants de Falun Gong en train d’effectuer un exercice de méditation. (Crédit photo Rooyee Films)

Le Dr Gilcrease a déclaré que le directeur médical était au courant des prélèvements d’organes, mais a refusé d’agir, par crainte que la Chine n’envoie ses étudiants au Texas plutôt qu’en Utah.

À maintes reprises, la crainte d’offenser le régime a étouffé les voix qui s’exprimaient sur cette question.

En 2023, la cinéaste canadienne Cindy Song a achevé le documentaire State Organs (Organes d’État), l’aboutissement d’une enquête de six ans sur la disparition inexpliquée de deux Chinois âgés d’une vingtaine d’années, tous deux pratiquants de Falun Gong. L’un avait disparu alors qu’il fuyait la police pour avoir distribué des DVD dénonçant la persécution de sa foi par le régime communiste, et l’autre a disparu un an après avoir perdu son mari, torturé dans un camp de travail chinois.

Le Falun Gong est une discipline spirituelle et une pratique de méditation fondée sur les principes de vérité, compassion et tolérance. On estime qu’entre 70 et 100 millions de personnes pratiquaient cette discipline en Chine avant que le PCC ne lance sa campagne brutale visant à éradiquer ce mouvement religieux en 1999. Les pratiquants de cette discipline étant réputés pour leur bonne santé physique, le régime les a considérés comme une source privilégiée d’organes.

Un distributeur italien, intéressé par le film documentaire en octobre 2023, a brusquement fait volte-face dès le lendemain.

« Je tiens à vous adresser mes plus sincères compliments, car le film est excellent et bien rythmé », avait écrit un représentant de la société à Mme Song. « Malheureusement, mes collègues m’ont informé que tous les documentaires sur la persécution du Falun Gong ont toujours été rejetés par les diffuseurs italiens. »

Mme Song a confié à Epoch Times qu’elle avait reçu un accueil similaire peu de temps après à l’American Film Market de Santa Monica, en Californie.

Tant que vous voulez gagner de l’argent en Chine, vous devez vous soumettre à leurs règles.

— Cindy Song, réalisatrice

« Stop, stop, stop. Non, non, non », a entendu Mme Song dire un cadre d’un grand distributeur américain lorsqu’un membre du personnel enthousiaste lui a présenté le film. Au membre du personnel perplexe, il a expliqué qu’ils ne pouvaient accepter aucun film lié au Falun Gong, car cela signifierait « que vous ne pourriez vendre aucun de vos films en Chine ».

En novembre 2023, un assureur canadien spécialisé dans les droits d’auteur a également décliné un partenariat, invoquant : « Le sujet est trop sensible pour notre tolérance au risque. »

« Nous ne pouvions pas nous accommoder de cette exposition médiatique. La Chine dispose de nombreuses ressources et n’hésitera pas à protéger sa réputation », pouvait-on lire dans un courriel transmis à Epoch Times.

L’argent, explique Mme Song, est une arme dont Pékin se sert avec une redoutable efficacité, notamment pour forcer l’autocensure.

« Tant que vous voulez gagner de l’argent en Chine, vous devez vous soumettre à leurs règles », a-t-elle souligné. « Les gens surveillent leurs paroles, même en dehors de la Chine, de peur de froisser le Parti communiste. Et petit à petit, nous devenons tous des complices silencieux de ses crimes. »

Cindy Song, productrice et scénariste du documentaire primé State Organs, après une projection à l’Université Harvard à Boston, le 7 mars 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

M. Smith reconnaît lui aussi la puissance du levier financier chinois.

« Ils ont cette capacité, avec certains, de les faire se soumettre », a-t-il déclaré, faisant référence aux intimidations du Parti communiste chinois (PCC).

Selon lui, cela devrait au contraire servir d’électrochoc. Alors que le PCC « commet des atrocités de cette ampleur », a-t-il affirmé, « honte à nous si nous ne les dénonçons pas, et si nous ne faisons pas tout ce qui est en notre pouvoir à travers la législation et la politique. »

« Sujet difficile »

Même si la prise de conscience progresse à l’échelle locale et nationale quant à la gravité des abus du régime, la communauté médicale reste lente à réagir.

Le premier grand organisme à avoir pris des mesures a été l’International Society for Heart and Lung Transplantation (Société internationale pour la transplantation cardiaque et pulmonaire), la plus grande entité de recherche mondiale dans ce domaine. En 2022, elle a instauré un boycott académique des publications de chirurgiens chinois, en raison de soupçons de complicité dans ces crimes.

Un an plus tard, l’Association des médecins et chirurgiens américains (Association of American Physicians and Surgeons, basée en Arizona) lui a emboîté le pas, déclarant condamner « toutes les formes de prélèvement forcé d’organes » et appelant les médecins américains à cesser de former des professionnels chinois ou de leur enseigner ces compétences susceptibles d’être utilisées à des fins meurtrières.

Vous avez affaire au Parti communiste chinois, qui a eu des décennies pour exercer son pouvoir et diffuser sa propagande sur son propre peuple et le reste du monde.

— Dr Weldon Gilcrease, spécialiste des cancers gastro-intestinaux, Université de l'Utah

« Aucun chirurgien ou médecin que je connaisse n’oserait dire que c’est acceptable ou justifié, d’une quelconque manière, qu’un gouvernement orchestre son système médical pour tuer des innocents », a déclaré le Dr Gilcrease à Epoch Times.

« Mais l’affrontement vient du fait que l’on a affaire à l’une des nations les plus puissantes du monde – le Parti communiste chinois, qui a eu des décennies pour exercer son pouvoir et diffuser sa propagande sur son propre peuple et le reste du monde. »

Ce qui rend ce sujet « difficile », selon lui, va au-delà de la peur de s’exprimer contre le PCC ou des représailles potentielles.

« C’est aussi la peur d’être la seule voix, d’être isolé, sans le soutien d’autres médecins, chirurgiens, ou sociétés médicales », a-t-il expliqué.Une scène tirée de State Organs, un documentaire mettant en lumière les prélèvements forcé d’organes approuvés par l’État chinois, projeté à l’Université Harvard à Boston le 7 mars 2024. (Samira Bouaou /Epoch Times)

Le domaine de la transplantation est un cercle restreint, où les spécialistes les plus en vue finissent inévitablement par se connaître. Il est difficile de ne pas remarquer l’essor rapide de la Chine dans ce secteur au cours des dernières décennies, et les échanges ou collaborations entre chirurgiens américains et chinois ont été courants.

Un rapport publié en 2022 par l’organisation de défense des droits humains WOIPFG (World Organization to Investigate the Persecution of Falun Gong : Organisation mondiale pour enquêter sur la persécution du Falun Gong) a recensé des centaines de cas où des médecins chinois spécialisés dans la transplantation avaient affiné leurs compétences aux États-Unis avant de les mettre en pratique dans de grands hôpitaux chinois impliqués dans le prélèvement forcé d’organes.

Un médecin figurant sur la liste, l’ancien vice-ministre chinois de la Santé Huang Jiefu, défend depuis des années la position de Pékin en mettant en avant le programme de don d’organes mis en place par le régime en 2015 alors que les questions sur la provenance des organes se multipliaient.

Une étude publiée en 2019 dans la revue scientifique BMC Medical Ethics a conclu que les données chinoises sur les dons d’organes étaient « trop parfaites pour être vraies ».

Examinés à l’aide de méthodes statistiques médico-légales, ces chiffres, selon le coauteur de l’étude, le Dr Jacob Lavee, « correspondent presque exactement à une formule mathématique » et s’écartent de « tous les autres pays d’un à deux ordres de grandeur », ce qui suggère une forte probabilité de falsification systématique.

« Prouvez que la Chine ment »

Les promesses de Pékin d’améliorer ses pratiques en matière de transplantation d’organes semblent avoir satisfait certains chirurgiens américains de renom.

Quelques jours avant un panel consacré au prélèvement forcé d’organes organisé en mars à l’Université Harvard, le Dr Francis Delmonico a envoyé un courriel à ses collègues, minimisant l’importance de cet événement.

Le Dr Delmonico est professeur de chirurgie à temps partiel à l’hôpital général du Massachusetts, affilié à Harvard, et expert en transplantation d’organes. Il s’est souvent rendu en Chine et a pris la parole aux côtés de M. Huang.

Il est également l’ancien président de l’influente Transplantation Society, une organisation regroupant des membres de plus de 100 pays, qui établit des lignes directrices sur les pratiques éthiques.Les pratiquants de Falun Gong font appel près des Nations unies à New York, le 20 septembre 2023. (Chung I Ho /Epoch Times)

Dans l’objet de son e-mail, le Dr Delmonico a demandé une « diffusion à l’échelle de Harvard ».

« Nous reconnaissons que cette pratique contraire à l’éthique était à l’origine de l’approvisionnement en organes transplantables en Chine il y a dix ans, mais depuis lors, le gouvernement chinois a proclamé son interdiction », a écrit le Dr Delmonico.

« Nous avons rencontré le ministre chinois de la Santé, M. Ma, à Pékin afin de maintenir la vigilance de la communauté internationale pour que la Chine respecte son engagement. »

« Nous ne nous faisons aucune illusion quant à la possibilité d’être trompés dans ces délibérations. »

Le Dr Gilcrease, qui s’est exprimé lors de la table ronde de Harvard, a déclaré : « On ne peut pas prendre les chiffres chinois pour argent comptant. »

Il a mis en avant un article publié en 2023 par des médecins chinois dans le Journal of Hepatology, décrivant un essai clinique mené sur deux ans au cours duquel plus de 60 patients ont été répartis de manière aléatoire pour subir soit une greffe de foie classique, soit une greffe « sans ischémie », c’est-à-dire que l’organe « est passé directement d’un corps chaud à un autre », a expliqué le Dr Gilcrease.

L’article précisait en bas de page qu’« aucun organe ne provenait de prisonniers ».

Le Dr Gilcrease s’est interrogé sur la crédibilité de cette affirmation.

« Comment faire pour que ce soit aléatoire ? Comment arriver à en faire 30 ? », a-t-il demandé.

« Il faut imaginer qu’il faut une personne en état de mort cérébrale, puis que ce donneur soit quasiment à côté du receveur. »

Il a souligné que les médecins avaient réalisé cet exploit avec les ressources d’un seul hôpital et sur une courte période.

« C’est à la Chine de montrer qu’elle agit correctement. »

— David Matas, avocat spécialisé dans les droits de l'homme

« C’est pratiquement impossible », a-t-il déclaré.

Pour l’instant, il n’a pas de réponses, car la Chine est « un endroit où l’on ne peut pas poser de questions », a-t-il ajouté.

Interrogé sur l’étude, le Dr Delmonico a répondu que « les méthodes de conservation du foie in situ et ex situ sont régulièrement pratiquées aux États-Unis et dans le monde entier ».

Il a indiqué ne pas savoir si son courriel avait effectivement dissuadé quelqu’un de participer à l’événement, mais a renvoyé Epoch Times vers un commentaire qu’il a récemment publié dans le Transplantation Journal, la revue mensuelle de la Transplantation Society.

L’article, intitulé « Un dernier hommage », mettait en avant le système chinois de dons d’organes, lancé en 2015, ainsi que les règlements signés par le Conseil d’État en décembre 2023 concernant les dons et transplantations d’organes humains, qui « respectent les directives de l’Organisation mondiale de la santé ».

« Ces avancées de la Chine devraient être saluées comme des pas positifs vers la transparence et une transplantation éthique », écrivait le Dr Delmonico.

Mais M. Matas n’est pas d’accord avec l’idée que ces réglementations changeront quoi que ce soit.

« Ce n’est qu’une autre réponse de façade, mais à chaque fois qu’ils disent qu’ils font quelque chose, ça ne change pas vraiment les choses », a-t-il ajouté.

Qu’on le veuille ou non, les opinions du Dr Delmonico représentent « plus ou moins le consensus des dirigeants du domaine de la transplantation », a expliqué M. Matas, qui faisait partie des panélistes cités dans le courriel de Dr Delmonico.

« Il dit : prouvez que la Chine ment. Mais ce n’est pas ainsi que le système est censé fonctionner », a déclaré M. Matas à Epoch Times. « C’est à la Chine qu’il incombe de montrer qu’elle se comporte correctement. Ce n’est pas à nous de montrer qu’elle fait quelque chose de répréhensible. »

Dans des rapports détaillés, M. Matas et d’autres ont analysé les programmes de transplantation de centaines d’hôpitaux chinois, ainsi que des articles de presse et des archives. Après avoir examiné les revenus des hôpitaux, le nombre de lits, leur taux d’occupation, le personnel chirurgical et le financement public, ils estiment que le régime chinois sous-estime largement ses taux de transplantation.

Anh Cao, président du club Falun Dafa à Harvard Griffin GSAS et organisateur d’un forum sur le prélèvement forcé d’organes à la Harvard Medical School, à Boston, le 8 mars 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

Ils ont recueilli des preuves circonstancielles convaincantes : des annonces en ligne pour des transplantations d’organes, des données provenant de nombreux hôpitaux chinois vantant des volumes de transplantations record, et un registre des transplantations hépatiques à Hong Kong montrant des totaux globaux qui ont grimpé en flèche parallèlement à la persécution du Falun Gong. La plupart de ces données et registres ont désormais disparu dans les limbes.

« Chaque fois que nous prouvons quelque chose, ils suppriment les preuves, ils effacent les données et ils disent : ‘Oh, vos preuves sont obsolètes’ », a déclaré M. Matas. « Il n’y a aucun observateur extérieur indépendant qui puisse consulter les dossiers des prisons chinoises ou des hôpitaux chinois. Le système de détention chinois est totalement fermé. »

Lors de l’organisation de l’événement à Harvard, l’étudiant diplômé Anh Cao a expliqué qu’il s’était préparé à divers scénarios perturbateurs possibles. Le Falun Gong, également appelé Falun Dafa, étant un sujet tabou en Chine, les membres du personnel du centre étudiant lui auraient dit que certains étudiants chinois travaillant là-bas étaient « très insistants sur le fait qu’ils n’étaient pas et ne pouvaient pas être affiliés au Falun Dafa, car cela pourrait entraver leur retour éventuel en Chine », comme le montrent les courriels partagés avec Epoch Times.

M. Cao a qualifié le courriel du Dr Delmonico de « très décevant ». Il y voit un service rendu au régime : « faire taire » une discussion sérieuse et enterrer des vérités dérangeantes.

« La raison pour laquelle le PCC réprime toute discussion [sur cette question] est que, si on se base sur les faits et les preuves, [le Parti] n’a aucun argument valable », a-t-il déclaré à Epoch Times.

« Une autre direction »

L’épisode de Boston s’est produit juste au moment où un autre panéliste se heurtait à un mur.

Pendant des mois, l’association Médecins contre le prélèvement d’organes forcés (DAFOH), dirigée par le Dr Torsten Trey, n’a reçu aucune réponse après avoir déposé en novembre 2023 une demande pour tenir un stand au Congrès américain sur la transplantation, le plus grand rassemblement du secteur en Amérique du Nord, qui réunit des milliers de personnes issues de l’écosystème de la transplantation.

DAFOH milite depuis près de deux décennies pour sa cause, des efforts salués par un législateur britannique qui a proposé la candidature de ce groupe de défense de l’éthique médicale au prix Nobel de la paix 2024.

« C’est peut-être le plus grand abus médical du siècle »

— Dr. Torsten Trey, fondateur et directeur de Médecins contre le prélèvement forcé d'organes

Le Centre de recherche sur le prélèvement d’organes en Chine, un autre groupe de recherche dédié à cette question, avait alors sélectionné un stand et reçu une facture. Fin janvier, les deux groupes ont reçu un courriel les informant qu’ils n’étaient pas les bienvenus à l’événement, qui devait se tenir au mois de juin.

L’équipe et les sociétés organisatrices du Congrès américain de la transplantation ont « décidé de prendre une autre direction pour 2024 », disait le courriel, envoyé aux deux organisations le même jour.Un rassemblement appelant à mettre fin aux prélèvements forcés d’organes en Chine, devant le Congrès américain de la transplantation 2024, à Philadelphie, le 2 juin 2024. (Andrew Li/Epoch Times)

Les deux ONG ont reçu un autre courriel de l’organisation en avril, leur demandant des informations détaillées sur leurs stands pour une possible réévaluation. Après plusieurs semaines, le dernier jour du mois, sur la même plage horaire que la fois précédente, elles ont reçu la décision : un refus.

Le revirement de situation fut déroutant. Les deux groupes avaient participé à la conférence pendant des années sans aucun problème, et le Dr Min Fu, du Centre chinois de recherche sur le prélèvement d’organes, n’a pas pu alors s’empêcher de remarquer le grand nombre de stands vacants les deux fois où la conférence médicale les avait refusés : environ la moitié lors de la première édition, et un quart pour la seconde.

« Ça n’a pas beaucoup de sens », a-t-elle confié à Epoch Times.

De son côté, le Dr Trey s’interrogeait sur l’expression « une autre direction ».

« Ça peut vouloir dire n’importe quoi », a-t-il déclaré à Epoch Times, se demandant si le Congrès américain de la transplantation cherchait à « cacher quelque chose ».

Son organisation était prête à ajuster tous les documents pour répondre aux exigences de la conférence, si c’était nécessaire pour présenter leurs recherches, a-t-il ajouté.

« Ils ne nous ont tout simplement donné aucune information. »

Il s’est dit « sans voix » à l’idée que les responsables de la conférence ont « pris la décision au nom des 4000 participants » de ne pas examiner les travaux de recherche de DAFOH.

« Il s’agit probablement du plus grand abus médical du siècle », a-t-il déclaré. « Si la communauté des spécialistes de la transplantation n’est pas disposée à se pencher sur la question, quelle image cela renvoie-t-il de cette communauté ? »

Le représentant Scott Perry (Parti républicain, Pennsylvanie), qui a présenté un projet de loi visant à sanctionner les responsables chinois, les chefs militaires ou toute autre personne complice dans le prélèvement forcé d’organes, a exprimé son indignation face à cet incident.

« Il est répréhensible et tout à fait inacceptable qu’une organisation, en particulier le Congrès américain sur la transplantation, censure quiconque tente de lutter contre le prélèvement forcé d’organes », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Les professionnels de la santé doivent être informés de l’infiltration réelle et continue du prélèvement forcé d’organes dans la communauté médicale moderne. »

Dr. Torsten Trey, fondateur et directeur de Doctors Against Forced Organ Harvesting, lors d’un événement sur le prélèvement forcé d’organes à l’Université Harvard à Boston, le 7 mars 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

Le Congrès américain sur la transplantation a déclaré que ses deux organisations hôtes, la Société américaine de transplantation et la Société américaine des chirurgiens spécialisés dans la transplantation, sont « pleinement engagées à faire progresser » le système de transplantation d’organes « sans compromettre les fondements éthiques et les pratiques qui ont rendu le système américain unique, fiable et efficace ».

« De plus, nous sommes conscients que certains avancent des idées visant à faciliter l’accès à la transplantation à partir de donneurs vivants, y compris la coercition forcée pour les transplantations d’organes, qui peuvent sembler opportunes mais qui pourraient avoir de graves conséquences négatives pour la transplantation et pour les patients », a déclaré une porte-parole à Epoch Times. « Ces propositions ont des conséquences imprévues graves tant pour les donneurs que pour la confiance du public dans le don d’organes. »

« Nous ne pouvons pas nous prononcer au nom d’autres institutions en dehors des États-Unis, mais nous rejetons fondamentalement toute tentative visant à modifier le système américain actuel en s’inspirant des pratiques en matière de recherche ou de transplantation d’organes dans des pays tels que la Chine, dont le gouvernement ne respecte pas ou ignore les normes internationales et américaines élevées en matière de recherche médicale éthique et de droits humains fondamentaux. »

Appels à la responsabilité

Le 1er juin, le Dr Gilcrease, directeur adjoint de DAFOH, s’est tenu devant le Centre des congrès de Pennsylvanie, lieu où se tenait le Congrès américain sur la transplantation, pour lancer un appel à la foule rassemblée.

Il a cité la censure exercée par le régime chinois à l’encontre d’un médecin, Li Wenliang, qui avait tenté d’alerter le monde sur la pandémie de Covid-19 à la fin de l’année 2019, mais qui avait été « contraint de signer un document affirmant que la vérité était fausse et que le mensonge était vrai », avant de succomber lui-même au virus.

« En Chine, on balaye les problèmes sous le tapis et on passe à autre chose. Cependant, dans le domaine médical, ce n’est pas envisageable. L’éthique médicale exige une prise de responsabilité », a déclaré le Dr Gilcrease.

La mission de DAFOH est de rechercher « la vérité, la transparence, le respect de la dignité humaine et la responsabilité », a-t-il déclaré. « Ces principes diffèrent-ils de ceux du Congrès américain sur la transplantation ? Si oui, en quoi ? Et si non, pourquoi restons-nous en dehors de la conférence ? »

Les pratiquants de Falun Gong ont tant souffert — pour quoi ? Pour avoir été pacifiques, bienveillants, disciplinés, en bonne santé ?

Pour M. Smith, la lutte contre le prélèvement forcé d’organes est « une question de droits humains qui n’a pratiquement pas d’équivalent ».

« Les pratiquants de Falun Gong ont tellement souffert, mais pour quelle raison ? Pour être pacifiques, bienveillants, disciplinés et en bonne santé ? Ils sont éliminés et tués à cause de leur bonne santé, ils sont en si bonne santé, ils prennent soin d’eux-mêmes, alors le Parti communiste chinois les considère comme des personnes à exploiter. »

Deux mois avant que son projet de loi ne soit adopté à la Chambre, M. Smith se trouvait à l’hôpital pour des problèmes de santé, et l’image de la cruauté qui sévit en Chine l’a frappé : un pratiquant de Falun Gong détenu, ou peut-être une victime d’un autre groupe persécuté, amené contre son gré.

« Ils sont allongés là, peut-être à demi conscients, sachant que ce médecin n’est pas là pour les soigner, mais pour les tuer comme un bourreau, et avant que l’exécution ne soit terminée, pour prélever deux ou trois de leurs organes », a-t-il déclaré.

Il lui a fallu trois ans pour convaincre ses collègues de soutenir la législation contre le prélèvement forcé d’organes.

Ce fut une lutte difficile, a-t-il reconnu, mais « maintenant, les gens semblent comprendre ».

« Puisque nous comprenons tous, faisons quelque chose à ce sujet », a-t-il ajouté.



Source : Epoch Times

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