Magazine Compassion : Le coût humain derrière les Jeux Olympiques

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(Un des articles tirés de la dernière édition du magazine Compassion, publication du Centre d’Information de Falun Dafa)

Les stades sont construits. Les métros sont en place. Mais un des éléments de la ‘’préparation’’ de Pékin pour les Jeux Olympiques 2008 est loin d’être aussi prestigieux : l’intensification dramatique de la campagne du Parti pour anéantir le Falun Gong. Des milliers de personnes ont été arrêtées, des centaines ont été envoyées dans des camps de travaux forcés, et au moins 12 sont décédées lors de gardes-à-vue policières en moins d’un mois de détention. Quels autres coûts humains demeurent encore cachés ?

Mme Chen Jiaolong est partie travailler à l’usine de décoration Jinkui de Pékin, comme d’habitude le 24 janvier 2008. Mais, le soir, Chen s’est retrouvée dans le centre de détention du district Dongcheng après que les agents de la sécurité chinois aient fait irruption dans l’usine, cherchant des pratiquants de Falun Gong.

Quelques mois plus tard, elle était en Mongolie Intérieure, débutant une condamnation de deux ans de ‘’rééducation’’ dans le camp de travail de Hohhot.

Le cas de Chen n’est qu’une histoire parmi des milliers que les adhérents de Falun Gong ont vécues depuis décembre 2007, alors qu’une intensification systématique de la campagne contre le groupe a été déployée. Elle est une des dizaines, probablement des centaines, qui ont été condamnés aux travaux forcés sans procès.

L’escalade a pris place dans le cadre d’un nettoyage plus large d’‘’ indésirables’’ entrepris par le Parti communiste chinois dans sa préparation des Jeux Olympiques.

‘’Il est de plus en plus clair que la vague actuelle de répression n'a pas lieu en dépit des Jeux Olympiques, mais bien à cause des Jeux Olympiques,’’ a dit Amnesty International dans un rapport publié en avril.

Comme cela a été souvent le cas lors de récentes répressions, les adhérents de Falun Gong se sont rapidement trouvés en haut de la liste des ‘’individus les plus recherchés’’.

Yu Zhou (à gauche) avec son orchestre ‘’Xiao Juan et les résidents de la vallée.’’ Yu est décédé suite aux mauvais traitements de la police lors d’une garde-à-vue, en février 2008, juste quelques semaines après son arrestation.

Le goutte à goutte de la politique officielle

Des indications selon lesquelles le Parti intensifierait la répression du Falun Gong à l’approche des Jeux Olympiques ont émergé dés le début 2005. En novembre de cette année, Intelligence On-line, un journal suivant les développements au sein du système de sécurité de la Chine, rapportait que les dirigeants ont émis des directives pour intensifier la campagne, de crainte que le Falun Gong ne puisse déclencher une révolution ‘’Orange’’ de type ukrainien.

‘’Le ministre adjoint de la sécurité publique de Chine, Liu Jing, a reçu pour consigne de détruire la pratique boudhiste-taoïste du Falun Gong avant les Jeux Olympiques 2008,’’ déclarait l’article

Alors que les Jeux approchent, les hauts fonctionnaires ont commencé à faire des déclarations publiques de la même veine. Selon Amnesty International, en mars 2007, l’ancien ministre de la sécurité publique, Zhou Yongkang a émis un ordre dans le contexte de traiter ‘’avec succès’’ les Jeux Olympiques déclarant : Nous devons frapper fort les forces hostiles chez nous et à l’étranger, tels que…Falun Gong.’’

L'année qui a suivi, des rapports de ‘’plans de sécurité des Jeux Olympiques’’ et des réunions de voisinage des agences concernées ont commencé à émerger alors que les acteurs locaux exploraient la façon de mettre en œuvre de telles directives.

Selon un affichage sur le site Internet du gouvernement de Liulitun, un faubourg du district Chaoyang de Pékin [voir image ci-dessous], une telle réunion s’est déroulée en janvier 2008. Y assistaient les ‘’secrétaires de Parti et les directeurs de dix communautés.’’

Le temps fort de la réunion était un discours de Chen Sumin du Bureau 610, un corps expéditionnaire extra-légal chargé de diriger la campagne contre Falun Gong.

‘’Chaque communauté devrait traiter tous les articles de travail du Bureau 610 avec un grand sens de la responsabilité et importance, et ne donner aux pratiquants de Falun Gong aucune opportunité,’’ insistait Chen dans son discours, selon le site. ‘’En particulier, [nous devrions] mobiliser le pouvoir des masses des résidents [leur demandant de] dénoncer rapidement, s’ils découvrent quiconque distribuant des matériaux [liés à Falun Gong].’’

Pour s’assurer que de telles taches soient sincèrement exécutés, et en ligne avec la pratique commune du Parti, des incitations ont été mises en place.

Dans de nombreuses agglomérations, un système de récompense offre de l’argent à qui identifie les adhérents de Falun Gong auprès des autorités. Par exemple, le 11 juillet, Reuters a rapporté que la police de Pékin offrait jusqu’à 500 000 yuans ($73,150) aux personnes qui fournissent des dénonciations lors des Jeux Olympiques, entre autres groupes ciblés mentionnés le Falun Gong.

Un site Internet du gouvernement chinois du voisinage Liulitun du district Chaoyang de Pékin, qui héberge le Nid de l’Oiseau. La page décrit une réunion de janvier 2008 de fonctionnaires locaux sur la façon de traiter Falun Gong avant les Jeux Olympiques. Parmi les directives émises lors de la réunion par le Bureau 610, était la nécessité de ‘’mobiliser le pouvoir des masses des résidents pour dénoncer rapidement s’ils découvrent quiconque distribuant des matériaux [de Falun Gong].’’ Depuis lors, au moins 36 adhérents ont été détenus à Chaoyang et encourent un risque grave de torture et de condamnation à long terme.

Arrestations à grande échelle

Bien que de telles mesures semblent de prime abord ne concerner que la prévention de la distribution d’informations par les adhérents du Falun Gong sur la méthode et les mauvais traitements commis contre eux– droit garanti dans la constitution chinois—en pratique, les agences de sécurité chinoises ont mené des recherches de porte-à-porte, détenant un grand nombre de personnes simplement sur la base qu’ils sont connus pour pratiquer Falun Gong.

Selon des rapports de familles et d' amis des détenus, une majorité des arrestations suivent un schéma commun. Des agents du poste de police local, de la branche du Bureau de la sécurité publique (BSP), ou du Bureau 610 se rendent au domicile ou sur le lieu de travail d’un adhérent, à la recherche de n’importe quels matériaux liés au Falun Gong, et emmènent les personnes en garde-à-vue dans le centre de détention du district.

‘’Il était tôt, le matin, lorsque des agents de la sécurité publique et des Bureaux de la sécurité d’état sont venus au domicile de mes parents dans la province de Hebei, prés de Pékin,’’ a déclaré Si Yang, consultant en informatique vivant à Los Angeles. ‘’Ma sœur se trouvait au travail, alors ils y sont allés pour l’emmener. Puis, ils ont fouillé la maison et ont emmené mon père et ma sœur dans un centre de détention temporaire dans un hôtel.’’

Une fois dans le centre de détention, les adhérents font face à un interrogatoire intense qui inclue souvent des passages à tabac, des privations de sommeil, et dans quelques cas, des formes plus sévères de torture. L’interrogatoire vise à obtenir à la fois des informations sur d'autres pratiquants et un engagement de cesser la pratique. La majorité est encore détenue dans de tels endroits.

Dans plusieurs dizaines de cas, ceux qui sont détenus sont encore condamnés à la ‘’rééducation par les camps de travail’’ sans procès, option rendue possible parce que les lois chinoises permettent la condamnation jusqu’à trois ans sans nécessité de mener l’accusé devant un juge. En effet, des preuves fiables indiquent que les autorités ont pris avantage de ‘’l’efficacité’’ que permet cette procédure.

‘’Après quatre jours d’interrogatoire, ils ont libéré mon vieux père, mais en moins d’un mois, ma sœur a été condamnée à un an et demi dans un camp de travail,’’ déclare Si. ‘’Elle a été privée de sommeil dans le centre de détention, et maintenant nous ignorons sa situation parce qu’ils ne laissent pas mes parents lui rendre visite.’’

La nature systématique des arrestations—et le fait que de nombreuses victimes avaient été détenues ou condamnées auparavant pour leur pratique du Falun Gong—suggère que les autorités utilisent une liste d’adhérents locaux compilée antérieurement , pratique commune du BSP. Selon l’ancien agent du BSP et agent du Bureau 610, Hao Fengjun, qui a déserté et est parti en Australie en 2005, les autorités de l’agglomération de Tianjin, où il travaillait auparavant, avaient une base de données de 30 000 noms de pratiquants de Falun Gong.

Géographie ‘’Olympique’’ des arrestations

Comme on pouvait s'y attendre, Pékin et ses districts hébergeant les sites Olympiques ont été des cibles privilégiées de la campagne. Au cours des derniers mois, le Centre d’Information de Falun Dafa (CIFDF) a rapporté les noms et des détails concernant 208 adhérents détenus dans l’agglomération depuis décembre 2007 ; le centre a reçu des informations sur des dizaines d’arrestations supplémentaires, mais ils manquent de détails suffisamment vérifiables pour les publier.

Sur les 208 connus pour avoir été détenus, 36 venaient du district Chaoyang, hébergeant le Nid de l’Oiseau et le Cube d’Eau, prévus pour accueillir entre autres les évènements de football et de natation; 28 adhérents ont été détenus dans le district Haidian, site du quartier général du comité olympique de Pékin ainsi que d'évènements comme le basket et le volley-ball.

En se basant sur l’information reçue par le Centre, à la fin juin 2008, 30 résidents de Pékin pratiquant le Falun Gong ont été condamnés aux camps de travail—prés de 15 pour cent des détenus. Les deux districts centraux de Chaoyang et Haidian comptaient à eux seuls plus de la moitié de ces cas.

Plus généralement, au moins une arrestation d’adhérents de Falun Gong a été rapportée dans chacun des districts de municipalités et comtés. Comme la porte-parole du CIFDF, Gail Rachlin l'a dit dans un récent communiqué de telles ‘’rues silencieuses, artificiellement stériles…devraient donner la chair de poule aux visiteurs .’’

Décès en augmentation

Encore plus inquiétante que les arrestations et les condamnations aux camps de travail est la hausse du nombre d'adhérents de Falun Gong rapportés morts suite aux mauvais traitements en garde-à-vue—en particulier ceux qui sont morts en l'espace de quelques jours, voire de quelques heures alors qu'ils étaient détenus par les autorités.

Durant les sept premiers mois de 2008, le centre a documenté 12 cas de morts de pratiquants se produisant moins d’un mois après l’arrestation et dans quelques cas, en quelques heures.

En comparaison, en 2007, en une année entière sept personnes sont décédées lors d'un temps de détention aussi court . Dans plusieurs des cas, les membres de la famille ont pu voir le corps avant sa crémation et ont vu des signes de tortures, dont des marques de strangulations ou de contusions causées par des matraques électriques.

‘’La vitesse avec laquelle les adhérents de Falun Gong sont arrêtés par la police, maltraités, et meurent est alarmante et répréhensible,’’ dit Rachlin. ‘’Ce sont des personnes qui n’auraient jamais du être arrêtées en premier lieu.’’

Un cas qui a été l'objet de beaucoup d'attention est la mort du musicien folk Yu Zhou en février 2008. [voir photo en haut de la page]

C’était aux alentours de 22 heures qu'un véhicule de police a arrêté Yu et son épouse Xu Na alors qu’ils revenaient d’un concert de son groupe ‘’Xiao Juan et les résidents de la vallée’’, fin janvier à Pékin.

Après une courte fouille du véhicule du couple, les agents ont découvert que tous deux pratiquaient Falun Gong. Ils ont été immédiatement arrêtés et emmenés dans le centre de détention du district Tongzhou.

Onze jours plus tard, les autorités ont notifié aux membres de la famille de Yu de venir au centre d’urgence Qinghe où ils l’ont trouvé mort, bien qu’il était, ont-ils dit, en bonne santé avant sa détention.

Notant les obstacles imposés par les autorités chinoises avant que les journalistes n'arrivent à investiguer de tels cas avant les jeux, un journaliste du Times (Londres) a reçu la réponse suivante après avoir demandé à un membre de l’orchestre de Yu de confirmer qu’il avait bien été tué: ‘’Il n’est pas raisonnable de répondre à cette question. Comme vous le savez, si je réponds qu’il l’a été, j’aurais des problèmes.’’

Implications à ‘’long termes’’

Quant à l’épouse de Yu, Xu Na, elle reste en garde-à-vue et attend sa condamnation. En avril, sa famille a été informée qu’elle avait été accusée d’ ‘’utiliser une organisation hérétique pour miner la mise en application de la loi,’’ une vague disposition du code pénal utilisé communément pour condamner les adhérents de Falun Gong à la prison pour des durées allant jusqu'à 12 ans.

Avec de si longues condamnations suspendues au dessus des têtes des détenus, et des dizaines déjà condamnés aux camps de travail pour plusieurs années, une couche de complexité est ajoutée à la question des relations entre les Jeux Olympiques et la récente escalade de la répression.

Les longues peines imposées aux pratiquants suggèrent que dans les cas du Falun Gong, l’intérêt du Parti n’est pas seulement d'interdire l'expression de toute forme de protestation ou de dissidence, aussi paisible soit-elle, des citoyens chinois lors des Jeux. Mais plutôt que les dirigeants ont aussi décidé d’utiliser les jeux comme une occasion d’aller plus loin dans une politique d’éradication poursuivie depuis 1999—tout en évitant la condamnation internationale en attribuant la répression aux besoins de la ‘’sécurité Olympique.’’

Comme cela a été le cas dans la campagne contre Falun Gong de façon plus générale, ceux qui ont été arrêtés proviennent de toutes les couches de la société. Ils incluent des professionnels tels des avocats, des comptables et des professeurs, aussi bien que des paysans et des ouvriers en retraite. De façon significative pour les adhérents et leurs familles, un certain nombre de ceux qui ont été arrêtés ont été forcés de laisser chez eux des petits enfants ou des parents âgés sans personne pour s’occuper d’eux.

Plus largement—comme les pétitionnaires et les activistes des droits de l’homme détenus—les adhérents de Falun Gong ont émergé comme un élément central d'un mouvement sans cesse croissant de Chinois devenant conscients de leurs droits, protestant de la brutalité du régime, et demandant une plus grande liberté.

‘’Le gouvernement s’est lui même enfermé dans la déclaration fictive que la population chinoise ne porte aucun intérêt aux droits de l'homme et n'a aucune critique quant à la préparation des Jeux Olympiques,’’ Nicholas Bequelin, chercheur pour Human Rights Watch à Hong Kong a déclaré récemment au Washington Post. ‘’Puisque ce n’est pas la réalité et que des milliers de personnes sont impliqués dans les activités de droits de l’homme, ils doivent réduire au silence pas mal de gens.’’

Comme l'explore plus en détail un autre article de ce magazine, une des méthodes utilisée par les adhérents pour éveiller les consciences est la distribution d'imprimés et de VCD faits à la maison au sujet du Falun Gong et de la persécution . Ces dernières années, ils ont toutefois ajouté des copies de publications qui traitent plus largement des droits de l’homme, comme les Neuf Commentaires sur le Parti communiste.

L’arrestation de milliers de personnes impliquées dans de telles activités de sensibilisation constitue donc une recul grave, non seulement pour la communauté du Falun Gong, mais aussi pour les Chinois en général et pour le potentiel du pays dans l’évolution vers une société libre.

Mais cette purge pré-Olympique du Falun Gong n'a pas seulement des implications à long terme pour les Chinois. Elle donne aussi à réfléchir à la communauté internationale qui a choisi de récompenser par les jeux, un régime comme le Parti communiste.

Etant donné que le Parti a utilisé les Jeux Olympiques comme excuse pour une campagne de persécution poussée contre des milliers de personnes de sa propre population, peut-être devrions-nous nous demander – quels dangers pouvons nous imposer aux citoyens chinois dans le futur, en récompensant à nouveau ce régime par un évènement international ?


Ke Lanyan est chercheuse au Centre d’Informations sur le Falun Dafa, elle a une licence en relations internationales

Date de l’article original: 20/7/2008

Version anglaise disponible à :
http://www.clearwisdom.net/emh/articles/2008/7/21/99136.html

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