The Guardian [quotidien britannique tirant à 403.000 ex]: Terreur en Chine

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Le mari de Zhizhen Dai a été kidnappé, torturé et tué par les autorités chinoises – simplement parce qu’il est un pratiquant de Falun Gong, une méthode d’exercices, de méditation et de croyances [spirituelles].
Stephen Moss l’a rencontrée le mercredi 7 août 2002.

Zhizhen Dai fixe la camera avec une détermination à toute épreuve, alors que sa fille de deux ans, Fadu, gigote et joue avec le photographe. Ceci est une aventure pour Fadu, un épisode de son voyage autour du monde ;
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Cette femme de 39 ans est devenue la porte-parole de son mari tué, et elle est déterminée à faire savoir au monde entier pourquoi son mari est mort. Dai est née en Chine mais est partie pour étudier en Australie en 1987 et est devenue un citoyenne australienne en 1992. « J’étais toujours à la recherche de quelque chose dans mon cœur », dit-elle. « L’histoire de la Chine est très triste et je ne voulais pas que ma vie soit une répétition de celle de mes parents ». Cependant, elle n’a pas trouvé en Occident les vérités qu’elle cherchait et est retournée en Chine en 1993, où elle est devenue une [pratiquante] de Falun Gong, mélange d’exercices, de méditation, de moralité (« Fa » signifie loi) […] qui a eu un immense succès dans le pays dans les années 90, attirant jusqu’à 100 millions de pratiquants.

Le Falun Gong, dit-elle, a fait d’elle une personne différente – compréhensive, compatissante, à l’aise. Elle est aussi tombée amoureuse d’un homme dénommé Chengyong Chen, dont le père était atteint d’une maladie très grave du rein qui a disparue lorsqu’il a commencé à pratiquer le Falun Gong. Le « miracle » a fait de Chengyong Chen et de sa sœur, Chengyan Chen, des pratiquants. Dai avait rencontré Chen à un meeting de Falun Gong en 1997 et ils s’étaient mariés peu de temps après.

Le couple a vécu dans la ville de Guangzhou, près de Hong Kong. Chen avait travaillé pendant 10 ans en tant qu’électricien dans une fabrique de papier ; sa sœur y avait travaillé pendant 18 ans. Dans les années 90, le gouvernement chinois tolérait le Falun Gong, mais au fur et à mesure que le [groupe] a grossi, le Parti Communiste l’a considéré comme une menace à son pouvoir. En juin 1999, le gouvernement lui a collé une étiquette de contre-révolutionnaire et l’a interdit. Chen et sa sœur étaient sur le point d’être propulsés sur le front politique.
“Lorsque la persécution a commencé en 1999, mon mari est allé à Pékin pour protester et dire au gouvernement à quel point notre famille avait bénéficié de la pratique de Falun Gong », dit Dai. « Il a été immédiatement arrêté et emprisonné pour 15 jours. En prison, la police l’a battu et a demandé aux autres criminels de lui donner des coups. La même chose est arrivée à la sœur de mon mari parce qu’elle était allée à Pékin pour protester aussi. Elle a été emprisonnée dans la prison souterraine de Pékin et ensuite transférée dans une prison de Guangzhou pour 15 jours ».

Les deux ont été relâchés, mais la persécution ne faisait que commencer. « Le gouvernement a demandé au chef de la société de mon mari de licencier les pratiquants de Falun Gong », a dit Dai. « S’ils refusaient, les chefs eux-mêmes seraient licenciés. Mon mari et la sœur de mon mari, n’abandonnant pas leurs croyances, ont tous les deux été licenciés ».

Cependant, ils ne se désavouèrent pas et le bureau responsable de la répression du Falun Gong à Guangzhou devenait progressivement oppressif. « En juillet 2000, mon mari a été kidnappé, en même temps que sa sœur. Nous vivions dans des districts différents, mais les deux ont été kidnappés suivant les mêmes consignes de la ville de Guangzhou et ont disparu au même moment. Nous ne savions pas s’il était vivant ou mort. Trois semaines plus tard, on l’a autorisé à rentrer à la maison. Il avait été soumis au lavage de cerveau. Pendant sept jours, on l’avait empêché de dormir – pas une seule minute de sommeil. Il était forcé de regarder la propagande. Lorsqu’il était fatigué, ils le battaient, lui donnaient des coups de pieds et lui jetaient de l’eau – tout était bon pour le tenir éveillé. Ils lui ont dit que s’il n’arrêtait pas le Falun Gong, cela lui arriverait à nouveau.

Chen a pris la menace au sérieux et a passé peu de temps à la maison après cela. Mais en décembre 2000, il a emmené sa femme et sa petite fille à Pékin pour protester contre la persécution soutenue qui avait déjà fait des centaines de morts – principalement sous la torture – et des milliers de détenus en prison et dans des hôpitaux psychiatriques. Le voyage à Pékin devait être son acte final de protestation.
« Mon mari a déployé une bannière à Tian An Men », a dit Dai, dont les yeux se sont emplis de larmes plusieurs fois pendant son témoignage. « Il a été immédiatement arrêté et amené au poste de police de Tian An Men ; ce jour-là, plus de 100 pratiquants de Falun Gong avaient été arrêtés et amenés ici. Il a refusé de donner son nom ou de dire d’où il était, parce qu’auparavant, ceci avait causé des problèmes à sa famille, à son travail et au comité des résidents.

“Il a été envoyé au centre de détention de Yian Qin près de Pékin, où il a été torturé. Il a été méchamment battu et torturé avec des électrodes – ils voulaient savoir quel était son nom et d’où il était. Sa condition était très mauvaise et ils étaient préoccupés de le voir mourir, ils l’ont donc relâché et il est revenu nous chercher, notre fille et moi, à l’hôtel où nous étions restées à Pékin. Nous avons pris le train de retour pour Guangzhou et quatre jours plus tard, il a de nouveau été kidnappé. Depuis, nous n’avons pas eu de nouvelles de lui. Six mois plus tard [en juillet 2001], son corps a été trouvé dans une cabane abandonnée dans la périphérie de Guangzhou. La sœur de mon mari a identifié le corps. Le père de mon mari était en état de choc après avoir entendu la nouvelle et est mort peu de temps après ».

Dai n’était pas en Chine lorsque le corps de son mari a été retrouvé. La Chine ne permet pas la double nationalité : lorsqu’on lui a donné un passeport australien, elle a dû renoncer à sa nationalité chinoise, et au début de l’année 2001, le gouvernement lui avait dit qu’il ne renouvellerait pas son visa. « Il était difficile de quitter le pays alors qu’il était absent », dit-elle, « mais mon visa avait expiré. J’espérais toujours qu’il revienne ».

Elle a été forcée de retourner en Australie, où elle a appris la mort de son mari sur un site internet de Falun Gong. Sa belle-sœur est maintenant en train de purger une peine de deux ans au camp de travail de l’île de Cha Tou de Guangzhou : elle n’a pas droit de voir sa famille et n’a pas été autorisée à voir son père mourant ni d’assister à ses funérailles.

Dai a voulu récupérer les cendres de son mari et a essayé de retourner en Chine, mais on lui a refusé le visa. C’est à ce moment-là qu’elle a décidé sa campagne pour révéler la persécution en Chine. « J’ai porté mon bébé partout pour essayer d’obtenir de l’aide », dit-elle, « et huit mois plus tard, le service des affaires étrangères du gouvernement australien a récupéré les cendres et lui a envoyées. Lorsque je suis allée les récupérer, j’ai appelé les médias locaux et leur ai dit que j’avais besoin de leur aide pour que les australiens sachent que le gouvernement chinois tue des gens innocents pour leurs croyances ».

Elle dit que son histoire n’est pas extraordinaire. « Ceci est arrivé à des milliers de familles, et ils n’ont pas eu la possibilité d’en parler. Je suis allée aux Nations Unies à Genève et ai demandé leur aide pour arrêter la persécution. Plus de 1 000 pratiquants de Falun Gong sont morts – mon mari n’était que l’un d’entre eux ». Elle dit que ses actions ont fait empirer la situation de sa belle-sœur, mais qu’elle ne peut pas rester dans le silence. « Oser en parler est la seule façon d’arrêter tout cela ».
La mère de Dai est toujours en Chine, mais son téléphone est sur écoute et elles ne se parlent jamais. « Je ne veux pas lui causer de problèmes », dit-elle.

Alors que Dai parle, des larmes coulent sur ses joues, Fadu gambade dans la pièce, jouant avec joie. Mais Dai est inquiète des effets de la mort de son père sur sa fille. « Je ne sais pas comment lui dire ce qui est arrivé ou quoi lui dire lorsqu’elle demande, « Où est papa ? Je ne sais pas comment cette terreur affectera sa vie ». Ou comment cette terreur affectera la vie de son pays.

Source:
http://www.guardian.co.uk/china/story/0,7369,770378,00.html

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