France : Dénoncer les trafics d’organes en Chine

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Louise Nightingale
La Grande Epoque

mercredi 13 septembre 2006

A peine descendu de l’avion en provenance d’Helskinki où se tenait le forum Europe-Asie (ASEM), David Kilgour court vers une nouvelle conférence de presse, à Paris cette fois, en collaboration avec l’association Agir pour les Droits de l’homme (ADH).

L’air frais et reposé, David Kilgour, avocat, ancien député et secrétaire d’Etat au Ministère des affaires étrangères canadien a pourtant beaucoup voyagé ces derniers mois. On a pu le voir en Australie ou à Hong Kong en compagnie du Vice président du parlement européen, Edward Mac-Millan Scott, au Congrès américain à Washington ou encore au Parlement européen sur invitation de confrères députés ou d’ONG. Toujours pour la même raison : répondre aux questions que suscite depuis trois mois son rapport-choc de presque 80 pages sur les trafics d’organes en Chine – des trafics dont Kilgour et son collègue David Matas montrent que les principales victimes sont des pratiquants de la méthode bouddhiste Falun Gong.

Mardi 12 septembre, David Kilgour a donc répondu à la presse dans un restaurant du quartier Saint Germain à Paris, en compagnie de la présidente de l’association Agir pour les Droits de l’Homme (ADH) - Marie-Françoise Lamperti - et d’une pratiquante de Falun Gong torturée en Chine. Dans un cadre très « vieux Paris » - poutres apparentes, grosses pierres et grands crus de Bordeaux sagement alignés en vitrine, la convivialité des tables garnies de fleurs et de viennoiseries contraste avec la gravité des propos.

Madame Lamperti de ADH ouvre les échanges en rappelant que les trafics d’organes en Chine sont dénoncés par Amnesty International depuis 1999 ; c’est à cette date que l’organisation a révélé que des condamnés à mort chinois étaient utilisés comme donneurs d’organes sans leur consentement – information dont la réalité a été partiellement reconnue en début d’année par les autorités chinoises.

La Chine, s’indigne Mme Lamperti, a signé la Convention contre la torture, mais continue ces actes criminels. Au fur et à mesure que semble s’ébrécher cette grande muraille du blocus des informations, l’Occident réalise maintenant que ces prélèvements d’organes s’opèrent sur des condamnés à mort qui s’avèrent être aussi des dizaines de milliers de prisonniers de conscience. Pour rappel, la Chine est l’un des pays qui compte le plus de « dissidents » dans ses geôles qui ne sont rien d’autre que des citoyens arrêtés pour avoir pris la liberté de critiquer ou avoir exprimé leur désaccord avec la politique du régime.

C’est pour dénoncer ce qu’elle appelle une « moisson macabre », un commerce effroyable, que l’ADH a décidé de se mobiliser avec David Kilgour, pour alerter la communauté internationale, les journalistes, les politiques, de la situation.

Derrière son apparence élégante et posée, la voix est passionnée - et c’est comme par peur de se laisser emporter par son indignation que Mme Lamperti se hâte de donner la parole à son invité, David Kilgour.


Kilgour, qui a étudié le droit à Paris, parle sans traducteur, avec des mots qui semblent volontairement simples et directs. Il explique comment, avec l’avocat David Matas, ils ont été sollicités en début d’année, et ont examiné indépendamment 18 éléments-clés des allégations de prélèvements d’organes. Ils y ont trouvé un faisceau d’arguments convergents laissant peu de place au doute : les prélèvements ont lieu, et à grande échelle.

« Quand nous sommes allés en Australie, explique-t-il, nous avons appris que dans 4 ou 5 hôpitaux de l’Est de la Chine, plus de 85% des gens qui se font greffer un organe, sont des gens venus de l’étranger. Si c’est la même chose pour tous les hôpitaux en Chine, on peut en déduire que presque tous les patients greffés viennent d’autres pays que la Chine ».

Le nombre d’opérations était, rappelle-t-il, stable dans les années 1990, mais a triplé chaque année entre 1999 et 2003, cela coïncide avec le début de la répression du Falun Gong. David Kilgour ajoute comme si c’était une plaisanterie que plusieurs semaines après la publication de son rapport, le gouvernement chinois a mentionné y avoir trouvé deux erreurs (deux villes qui n’avaient pas été placées dans la bonne province.) C’est selon lui un aveu flagrant de la part du régime chinois qui signifie que tout le reste du rapport est juste…

Pourquoi dans les camps de travaux forcés chinois n’y a-t-il que les pratiquants de Falun Gong qui sont soumis à des examens médicaux chaque trimestre ? C’est la dernière intervenante, Mme Chen Ying, qui en parle. Pratiquante de Falun Gong torturée en Chine et maintenant réfugiée politique en France, Chen Ying raconte qu’on lui a prélevé du sang de force lors d’un examen médical au camp de travaux forcés de Pékin. « J’ai été détenue illégalement à trois reprises et chaque fois soumise de force à des examens médicaux. Je ne comprenais pas pourquoi on nous faisait passer des examens médicaux. Les gardiens répondaient : « c’est la procédure ». En observant la manière dont se déroulait l’examen je sentais que ce n’était pas pour notre bien, c’était plutôt parce qu’ils cherchaient quelque chose de bien précis en étudiant les résultats. » Elle raconte aussi que lorsque les prisonniers de droit commun les frappaient, les policiers leur disaient de ne pas frapper certains endroits comme le foie et les reins. C’est seulement en entendant parler des trafics d’organes que Mme Chen dit avoir compris la raison.
Surfant sur l’actualité chinoise avec passion, David Kilgour rappelle que dernièrement, le grand avocat chinois Gao Zhisheng, qui l’avait invité en Chine pour approfondir son enquête a disparu. « Pour quelle raison ? Pourquoi sa femme et ses deux enfants sont-ils assignés à résidence ? Est-ce que le gouvernement chinois pense que c’est dans l’esprit des Jeux Olympiques de traiter un avocat respecté en Chine et à l’étranger de cette manière ? »

L’homme aux allures de gentleman anglais fait place à l’humaniste et au militant : avec ses collègues canadiens, il a décidé de demander la nomination de Gao Zhisheng pour le prochain Prix Nobel de la Paix, ce qu’il compte faire « très rapidement ». David Kilgour voit dans celui qui a été appelé « l’avocat des pieds-nus » une personnalité de la trempe de Nelson Mandela ou du Mahatma Gandhi.

David conclut en disant que pour l’instant lui et ses collègues n’ont pas encore demandé le boycott des Jeux Olympiques à Pékin, mais que si ce crime contre l’humanité ne cesse pas, ils appelleront publiquement au boycott et avec tous les moyens à leur disposition. Les autorités chinoises nient de leur côté farouchement que des prélèvements d’organes non-consentis aient eu lieu, et parlent d’une tentative de déstabilisation à visée politique.

Lien vers le rapport Kilgour-Matas : http://investigation.go.saveinter.net/

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.

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