Qu’est ce qui cloche dans le monde ?

La réponse de GK. Chesterton à une question séculaire
 
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Un détail de ' L’expulsion d’Adam et Eve du Paradis' 1866, de Gustave Doré pour ' La Grande Bible de Tours.'(US-PD)


C'est en 1910 qu'a été publié le livre de G.K. Chesterton “Qu'est-ce qui cloche dans le monde” , et le titre n’incluait pas de point d’interrogation.


En fait, le livre est un recueil d'essais sur des sujets d'actualité brûlants comme l'émancipation, les suffragettes, les écoles publiques, la propriété, et bien plus encore. Pour ceux qui ne connaissent pas ses œuvres (et Chesterton est étonnamment prolifique en tant qu'écrivain), je le recommande vivement. Ses écrits ont une portée, un flair et une brillance qui m'amènent à conclure qu'il est probablement le plus grand écrivain (à l’exception les poètes) du XXe siècle.


Parce qu’il n’y a pas de point d’interrogation dans le titre du recueil, nous voyons que Chesterton nous offre ses points de vue sur ce qui cloche effectivement dans le monde ; ou plus précisément, ce qui cloche dans le monde en 1910 tel qu’il le voyait.


Il faut garder à l’esprit qu’en 1910, la Première Guerre Mondiale n’avait pas encore eu lieu, et le monde semblait être un endroit un peu plus stable qu’il ne l’est sans doute aujourd’hui. Mais d’après un article du Magazine Gilbert!, de James V. Schall, un journal national de l’époque, appelé le Daily Herald (aujourd’hui disparu), a récupéré ce titre et pensé que cela pouvait faire une bonne question pour ses lecteurs, et il les a invités à écrire leurs observations sur ce qui cloche dans le monde.


Bien sûr, c’est une question fabuleuse et on pourrait imaginer des lecteurs d’Epoch Times écrire pour y répondre. Qu’est ce qui ne va pas dans le monde ? Peut-être certains diront les Démocrates. Ou les Républicains. Ou les Clintons ou Trump. Certains peuvent penser plus généralement : le communisme, le socialisme, le féminisme, la langue de bois politique, la Chine, la Russie, l’Iran, les alliés lamentables , la pauvreté, ou les sans-abri. Et la liste est encore longue, et sans doute chacun a ses raisons pour sa réponse particulière.


Chesterton, cependant, qui n'était pas homme à garder pour lui une opinion, a écrit et donné sa réponse en deux mots, que le journal a publié. Qu’est ce qui cloche dans le monde ? a dit Chesterton : ' Je suis.'


Autrement dit, Chesterton a assumé l’entière responsabilité de l’état du monde et réalisé qu’en le changeant, il devait commencer par se changer lui-même.


G.K. Chesterton au travail. Magazine Crisis.(Domaine Public)


Le jeu des Reproches

La réponse de Chesterton est radicalement différente de tout ce qui se passe en occident à l’heure actuelle. Nous avons des manifestants qui protestent, exigeant que quelqu’un d’autre – qui ? d’autres personnes ? le gouvernement ? des partis politiques ? - fassent du monde un meilleur endroit, mais dans tout cela, à aucun moment il n’y a un sens d’auto-examen : En quoi ai-je contribué au triste état du monde ?


Nous avons Greta Thunberg menant la " croisade des enfants " ainsi des millions d’enfants à travers le monde peuvent prendre un jour ou plus de congé scolaire et dire aux adultes, particulièrement leurs parents, comment ils se sont trompés du tout au tout. La mère et le père de Greta ne prennent plus l’avion et ne mangent pas de viande, étant donné que leur enfant leur apprend ce qui cloche dans le monde. Clairement, à ce rythme, nous devons accepter que des enfants de 10 ans puissent avoir le droit de vote et alors ce qui ne va pas dans le monde pourra finalement être corrigé.


Ou prenons le féminisme et le mouvement #MeToo. Il est bien évident que les hommes sont à blâmer et que les femmes n’ont jamais rien fait de mal. Bien sûr, les femmes ne veulent pas acheter des vêtements chers et attrayants. Absolument pas. Non, les femmes sont contraintes par les hommes de s’habiller de ces façons étonnantes, et sont contraintes par le patriarcat de se plier aux désirs masculins. Et ici bien sûr, et c’est important, des réparations doivent être faites.


Et des réparations doivent être faites ailleurs pour les responsabilités de quelqu’un d’autre. À Brighton alors que j’écris ceci (et je suis sûr qu’aux Etats-Unis il y a quelque chose de similaire), le Parti travailliste (socialiste) organise sa conférence annuelle. Dawn Butler, l’opposition au secrétaire d’état du gouvernement pour " l’égalité " (au Royaume Uni ces postes sont appelés des " ombres" parce qu’ils reflètent les rôles au sein du gouvernement actuel), exige des réparations à Londres, Glasgow, Liverpool et Bristol pour la traite négrière.


Accommodante, l’Université de Glasgow, une université financée par l’état, a récemment annoncé qu’elle paierait 20 millions de livres (approximativement, 25 millions de $) à titre de réparation pour son lien historique avec la traite négrière. Certes, l'élite supérieure de l'université s'est beaucoup félicitée de sa vertu palpable, mais qui, exactement, paie cet argent ? L'université ? L'élite senior elle-même ? En fait, c'est le contribuable qui paie, c'est-à-dire que j’y contribue moi-même.


Les péchés du père

Est-ce que je me sens responsable de la traite négrière ? Non, pas du tout. Je suis en fait contre l'esclavage et contre le racisme, mais je suis aussi contre cette méthodologie insidieuse de blâmer "les autres" en créant des foules qui exigent ceci et cela.


Pour replacer ceci dans un autre contexte, une des innovations les plus merveilleuses de la loi judaïque quand elle a émergé d’Israël était l‘idée quelque peu révolutionnaire que les enfants ne devaient pas être punis pour les péchés de leurs parents et vice versa.


Ce point a été rendu explicite dans Ezekiel 18:20: ' Le fils n’aura pas à porter le châtiment pour l’iniquité du père, et le père n’aura pas à porter le châtiment pour l’iniquité du fils '.


Dans l'ancien Moyen-Orient et ailleurs dans le monde, ainsi qu'actuellement en divers endroits, des familles entières sont éliminées lors d'exécutions judiciaires ou de pogroms ; il était d'usage de les éliminer et d'éliminer tous ceux (c'est-à-dire leurs esclaves, domestiques ou alliés) qui pourraient constituer par la suite une menace. En effet, la Bible elle-même donne plusieurs exemples brillants de ce processus. Par exemple, nous apprenons dans Esther 9:25 que lorsque le plan maléfique d'Haman pour détruire les Juifs est dévoilé, le roi Assuérus ordonne "que lui [Haman] et ses fils soient pendus à la potence".


"Haman implorant la pitié d’Esther " de Rembrandt. Musée national des arts de Roumanie, Bucarest, Roumanie. (Domaine Public)


La rétribution et la réparation s’arrêtent aux auteurs réels, autrement le processus est sans fin.


Individuellement, bien sûr, cela ne veut pas dire que nous ne devons pas contribuer au bien-être des autres, et particulièrement des défavorisés, et prendre la responsabilité de les aider ; après tout, toutes les religions prônent la compassion. Mais ceci n’a pas grand-chose à voir avec le jeu du blâme collectif qui est entièrement de nature politique.


Le péché auto-infligé du blâme

Blâmer les autres, alors, est le vice qui accable ce qui ne va pas dans le monde. En fait, c’est l’un des triumvirats des psychopathologies (avec la projection et le déni) qui nous afflige le plus en tant qu’être humain. Si nous prenons un moment et considérons l’histoire d’Adam et Eve dans le jardin au début, quand ils étaient parfaits, nous trouvons dans la chute de l’humanité ces trois triumvirats des psychopathologies sous forme virulente. Pour l’instant considérons seulement le blâme.


Ayant mangé le fruit défendu, Adam accuse Ève, et Ève accuse le serpent. En d'autres termes, ensemble et individuellement, ils ne sont pas responsables de leurs actes.


' Adam et Eve chassés du Paradis. ' 1866, de Gustave Doré pour ' La Grande Bible de Tours.' (US-PD)


On peut dire que le blâme et blâmer est le plus endémique, le plus pernicieux, et le plus dévastateur de tous les vices psychologiques qui assaillent l’humanité. C’est le pivot de tout ce qui est négatif en nous. Rien d’étonnant donc, que cela cause de tels ravages autour de nous. Et c’est très difficile à contrer.


Cela est peu admis, mais chaque fois que nous blâmons, nous sommes littéralement en train de nous tuer ; il y a la mort de soi impliquée dans le fait de blâmer les autres. Lorsque nous blâmons les autres ou quelqu’un, nous nions une part de la réalité qui a été créée, en disant que nous n’en faisons pas partie. Essentiellement, nous nous renions en tant que co-créateurs de la réalité et de l’acceptation des choses telles qu’elles sont.


C’est pourquoi le blâme est une sorte de blasphème, nous nions nos pouvoirs divins de co-créer.


Bref, nous sortons et nous nous isolons de la conscience qui anime l’univers et dont nous faisons partie. Dans le langage théologique : nous nous dirigeons vers l’enfer, mais dans cet environnement séculier maintenant, nous devons comprendre l’enfer non pas (seulement) comme un endroit au-delà de la vie, mais comme un état d’esprit dans lequel nous entrons ici et maintenant.


« Adam et Eve dans le Paradis Terrestre. » créé entre 1626 et 1677, par Willem van Herp l’Ancien. (Domaine Public)


Chesterton, alors, nous éloigne de tout cela. Qu’est ce qui ne va pas ? Moi. J’ai tort, et que vais-je faire par rapport à cela ? Pour être clair, il n’est pas question de me fouetter, générant une piètre estime de soi par l’autocritique ; c’est exactement l’inverse. C’est prendre la responsabilité pour moi-même et mes contributions. C’est la seule façon qui soit réellement durable.


James Sale est un homme d’affaire anglais dont la société, Motivational Maps Ltd, opère dans 14 pays. Il est l’auteur de plus de 40 ouvrages sur la gestion et l’éducation publiés par de grands éditeurs internationaux dont Macmillan, Pearson et Routledge. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de la Society of Classical Poets, et a récemment participé au premier Symposium du groupe qui s’est tenu au Princetown Club de New York.


Version originale

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