Un maître chinois contemporain à la recherche de l’ancienne vertu martiale

Un concours dans l’état de New-York offre une plate-forme pour la tradition authentique
 
Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Des scènes d'un fonctionnaire ivre - le cadre chargé des rations de porridge - battant les personnes âgées et volant l'argent durement gagné envoyé par la poste aux soldats déployés à la frontière, alors que son village meurt de faim pendant le Grand Bond en avant à la fin des années 1950, sont parmi les souvenirs les plus poignants de Li Youfu quand il était enfant.


Il s'est vite décidé à étudier les arts martiaux.


C'était en 1961, Li avait alors 11 ans. Ces actes injustifiés lui avaient inculqué un sens aigu de la justice et le désir d'agir en conséquence. Mais au fur et à mesure que son entraînement progressait, il en est venu à réaliser que les arts martiaux traditionnels chinois, appelés wushu en mandarin et kung-fu en Occident, ne se limitent pas au combat, ni même strictement à la force physique.


"Il y faut la vertu martiale ", a dit Li dans une récente interview, faisant référence aux normes morales et spirituelles, longtemps négligées sur la scène moderne du wushu, qui définissaient autrefois l'ancienne tradition.


Ces idées, qui ont guidé l'essentiel de la carrière de Li dans les arts martiaux, la médecine traditionnelle chinoise et l'entraînement au qigong, font l'objet d'une importante plateforme dans l'État de New York cette année, avec un concours dont Li sera le président du jury. Li participe depuis près d'une décennie à la compétition internationale d'arts martiaux traditionnels chinois, organisée par un réseau de télévision chinois. L'événement de 2019 sera une nouvelle occasion de transmettre les racines authentiques du wushu à la jeune génération.


Racines classiques

 
Li Youfu pratiquant le cinquième exercice méditatif du Falun Gong: la non-action

Li, qui est compétent dans plusieurs écoles de wushu - du nord, du sud, interne et externe - paraît une décennie plus jeune que ses 66 ans. Lier toutes les écoles est une philosophie globale de force cultivée et d'exigence morale.


Pour le pratiquant traditionnel, le wushu n'est pas seulement un ensemble de techniques de combat, mais un art riche pour l'expression des vertus intérieures et du caractère. Le Wushu, explique Li, est à l'origine de la danse classique chinoise. Une grande partie du mouvement et de l'équilibre est identique.


“"La danse classique chinoise est belle et épanouissante", dit-il. "Le Wushu porte en lui une beauté qui lui est propre, l'application de principes mécaniques. Elle est aussi applicable dans le combat réel."


La grande diversité des arts martiaux chinois peut être divisée en deux écoles : interne et externe. Le wushu du Nord provient d'une multitude d'écoles, tandis que les disciplines du Sud ont une racine commune.


Les " disciplines internes " font référence à un style de wushu moins strictement physique, se concentrant sur le flux d'énergie, l'état mental et les processus de pensée. Parmi eux, il y a le Tai Chi, le Bagua Palm et le Xingyi Fist.


Le wushu " externe " adopte une approche opposée, en commençant par la forme physique et le contrôle des muscles avant de travailler vers l'intérieur.


En effet, comme Li l'explique dans ses enseignements sur la vertu martiale, il y a trois étapes dans la maîtrise du wushu, premièrement, attaquer, deuxièmement, défendre, et enfin, ni défendre ni attaquer, et "agir à volonté avec une maîtrise totale".


Malgré l'atmosphère politique difficile des années 1960 et 1970, Li s'est montré un étudiant digne de ce nom. "Pendant dix ans, j'ai fait la fierté de mon maître ", dit-il d'un instructeur avec qui il a commencé à apprendre en 1968, au plus fort de la Révolution culturelle. "Je m'entraînais sans relâche, que ce fût par un froid glacial ou une chaleur torride."


Le Flux d'énergie

À la fin des années 1980, en tant que pratiquant des arts martiaux et de la médecine traditionnelle chinoise, Li Youfu a fait partie d'une équipe de recherche dirigée par le célèbre spécialiste chinois des fusées Qian Xuesen. Mieux connu pour ses réalisations en tant que père du programme spatial de la Chine, Qian était aussi un puissant partisan de l'étude des effets des disciplines traditionnelles chinoises comme le wushu et le qigong.


Comme les pratiques méditatives du qigong, qui sont généralement associées à la cultivation spirituelle taoïste ou bouddhiste, les arts martiaux prêtent aussi attention au flux du qi ou de l'énergie sur le corps. En pratiquant les mouvements lents du tai chi, par exemple, Li a pu acquérir une meilleure compréhension de la dynamique interne régissant le corps humain.


Alors que Li Youfu grandissait en notoriété, il a commencé à enseigner et à traiter des patients en appliquant les connaissances qu'il avait acquises dans ses études. Après avoir déménagé aux États-Unis au début des années 1990, Li est devenu un praticien autorisé de l'acupuncture ainsi qu'un docteur en médecine orientale, et a enseigné à l'Alhambra Medical University à Los Angeles pendant 20 ans.


Une loi pour gouverner le cœur

Pour un pratiquant d'arts martiaux traditionnel dévoué comme Li Youfu, la clé d'un niveau supérieur de performance réside dans un code spirituel intériorisé, appelé "xinfa" ou littéralement "loi du cœur" en chinois.


Li avait expérimenté toutes sortes de confessions et de philosophies, du bouddhisme et du taoïsme au christianisme. Il a cherché dans de nombreux temples et écritures pour finalement se rendre compte que l'essentiel n'avait pas été transmis.


"Peu importe à quel point j'ai essayé d'appliquer ce que les livres enseignaient, je n'ai connu aucune amélioration significative," dit Li. "Ils semblaient tous tourner autour du pot plutôt que de vous permettre de comprendre une signification plus profonde.


En 1996, Li a trouvé ce qu'il cherchait dans le Falun Gong, une discipline populaire de qigong qui s'est répandue à des millions de personnes depuis sa création en 1992. Un ténor d'opéra chinois renommé, Guan Guimin, l'a initié à la pratique : il n'a demandé aucuns honoraires, n'a exigé aucune inscription et a prescrit un ensemble simple d'exercices de méditation et un ensemble de normes sans prétention mais rigoureuses pour le perfectionnement spirituel selon les enseignements bouddhiste et taoïste.


"Après avoir commencé à cultiver le Falun Dafa [un autre nom pour Falun Gong], je n'éprouve plus aucun regret. La pratique surpasse de loin même les plus hauts niveaux de wushu."


Préserver l’essence du Wushu

La pratique du Falun Gong de Li l'a également rapproché d'une communauté d'artistes martiaux qui partageaient ses aspirations à atteindre non pas la gloire ou la richesse, mais des normes d'excellence toujours plus élevées dans les disciplines traditionnelles du wushu.


New Tang Dynasty Television (NTD), un diffuseur de langue chinoise farouchement indépendant du régime chinois, a encouragé cette communauté en 2008 lorsqu'il a accueilli la première compétition internationale d'arts martiaux traditionnels chinois.


Une partie de ce qui motive les organisateurs de l'événement est l'objectif de préserver les arts martiaux tels qu'ils étaient pratiqués autrefois, et non le mélange moderne d'acrobaties et de cascades théâtrales. La répression communiste avait créé un fossé entre les anciennes et les jeunes générations chinoises, le wushu a été modifié pour répondre à de nouveaux intérêts.


L'événement de NTD est strict quant au maintien de la compétition sur le wushu authentique. Nous ne voulons pas du " new fist " dans notre événement ", a dit Li. "Il a perdu le sens authentique et profond du wushu."


Les styles dits "new fist" ont dépouillé le wushu de sa composante spirituelle - les communistes étaient contre la foi religieuse ou les philosophies classiques - et l'ont depuis commercialisé, avec de graves conséquences pour la tradition et la signification interne des arts martiaux.


"Les éléments disciplinaires, liés à la santé, et pratiques ont tous disparu, a dit Li.


La compétition, dit Li, donne au public et aux participants un forum pour expérimenter et développer les arts martiaux traditionnels, et pour comprendre leur signification intérieure : "Il faut le connaître pour pouvoir l'apprécier et voir sa vraie valeur.”


Article originellement écrit par Léo Timm – Texte français fr.clearharmony

* * *

Facebook Logo LinkedIn Logo Twitter Logo Email Logo Pinterest Logo

Vous pouvez imprimer et faire circuler tous les articles publiés sur Clearharmony et leur contenu, mais veuillez ne pas omettre d'en citer la source.