France 5 soulève la question du prélèvement forcé d’organes en Chine : “absolument glaçant !”

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Après une première émission, en janvier 2010 (Scandale trafic d'organes en Chine), sur le sujet sensible de prélèvements d’organes organisés à grande échelle par l’état chinois, la populaire émission de France 5, le Magazine de la santé, de Michel Cymes et Marina Carrère d'Encausse, l'aborde de nouveau dans son émission du 10 mars, en invitant cette-fois ci un neuro-biologiste, conseiller scientifique de DAFOH [Doctors Against Forced Organ Harvesting] , le Dr Genin.


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Marina Carrère d’Encausse (MCD) : Dr Génin bonjour, vous êtes neurobiologiste, conseiller scientifique de l’ONG DAFOH, qui dénonce la collecte et le prélèvement non éthique d’organes à travers le monde, quand on dit prélèvement non-éthique d’organes, ça veut dire quoi ?


Dr Genin (Dr G) : Eh bien, le don d’organes est régulé par des principes, et ces principes sont le don bénévole et volontaire d’organes. Dans la vie réelle, ce n’est pas ce qui se passe dans de nombreux pays où les organes sont devenus un trafic très lucratif, parce que en fonction de l’organe vous pouvez payer entre 50 000 et 100 000 dollars.


Benoît Thevenet (BT) : Alors quels sont ces pays qui sont dans votre collimateur ?


Dr G : Historiquement, l’Inde a été le premier pays à avoir un trafic très organisé d’organes dans les années 80 et 90, la loi a évolué dans ce pays et ça a fait dévier le tourisme médical vers d’autres pays. On peut citer le Brésil aussi, où ce sont essentiellement des réseaux mafieux qui achètent ou prélèvent de force les organes, et plus récemment, la Chine s’est vraiment placée en top 1 mondial.


MCD : Quelle est la spécificité de la Chine dans ce domaine ?


Dr G : On ne le savait pas jusqu’en 2006, on a vu dans les années 2000 une explosion du nombre des transplantations en Chine, on est passé de quelques centaines à la fin des années 90, à plus de 20 000 par an, là ce sont les statistiques officielles, à partir de 2005. Alors d’où viennent-ils ? La tradition chinoise du confucianisme est très hostile au prélèvement d’organes, parce que le corps doit être maintenu intact, donc il n’y a pas de dons spontanés d’organes en Chine et il n’y a pas non plus de programme pour stimuler les dons spontanés ; Alors après avoir longtemps hésité, le gouvernement chinois a finalement reconnu que ça venait parfois de prisonniers condamnés à mort, mais ça n’explique pas tout, Amnesty international pense qu’il y a environ 2000 exécutions en Chine chaque année, et il y a au minimum 20 000 prélèvements d’organes. Vous avez donc 18 000 prélèvements d’organes, 18 000 morts chaque année, qui sont complètement inexpliqués.


BT : Donc ça veut dire que là, il y a un trafic qui s’est mis en place. Est-ce que ce sont comme dans d’autres pays des réseaux mafieux ? où est-ce que là on passe à nouveau par une persécution de certains groupes de la population ?


Dr G : C’est la grande question que DAFOH s’est posée. DAFOH c’est Doctors against forced organs harvesting, qui a commence à enquêter sur la Chine en 2006 après que des allégations soient sorties dans la presse, selon lesquelles des prélèvements forcés étaient faits dans les hôpitaux militaires chinois, sur la base de prisonniers. C’étaient des allégations en 2006, donc ce qu’on a mené avec DAFOH, ce sont trois approches en parallèle. La première, essayer de voir dans les publications scientifiques chinoises si on trouvait trace d’un trafic potentiellement organisé. Et la deuxième c’est de mener deux enquêtes en parallèle, indépendantes, pour essayer d’identifier les sources de ces organes. Les résultats sont édifiants, lorsque vous regardez les articles scientifiques chinois, vous voyez dans les années 2000, des articles publiant des résultats sur des centaines et des centaines de transplantations, sans qu’on ait la moindre idée de l’origine des organes, et c’est ce qui a conduit, ça ce sont les résultats du travail de DAFOH, les grands journaux scientifiques à partir de 2011, à demander une traçabilité parfaite de ces organes. Mais les résultats les plus frappants viennent des deux enquêtes qui ont été menées, la première par un ancien secrétaire d’état aux Affaires étrangères canadien, David Kilgour, et la seconde par un spécialiste de la Chine Ethan Gutman. Dans la première enquête, David Kilgour a appelé des centaines de sites de transplantation en Chine avec un réseau d’enquêteurs, en demandant comment est-ce qu’on pouvait avoir accès à un organe. La réponse était : si vous pouvez payer, en 15 jours à 3 semaines vous avez un organe. Pour rappel, en France, 18 000 personnes sont en attente d’un organe, avec un temps d’attente moyen de 3 ans. En chine si vous avez de 50 000 à 100 000 dollars, en quinze jours vous les avez; Et lorsqu’ils ont voulu savoir d’où venaient ces organes, on leur a dit de façon très claire et très transparente, qu’ils venaient de prisonniers chinois, et en particulier, les pratiquants d’une méthode chinoise, qui est une sorte d’exercices physiques traditionnels qui s’appelle le Falun Gong. Première enquête. Deuxième enquête, Ehan Gutman, il avait pris une méthodologie tout à fait différente qui a été d’interviewer des chrétiens qui avaient été emprisonnés, des Tibétains des Ouïghours et également des Falun Gong, pour voir si dans ce qu’ils avaient observé dans les camps, les laogaï, on voyait une trace d’un système organisé de prélèvements. Et ce qu’il y avait d’absolument frappant, , il a montré que un prisonnier sur deux a une batterie de tests complète en étant dans un camp, qui ne sont pas des tests médicaux pour savoir s’il est en bonne santé mais des tests pour savoir si ses organes sont en bonne santé. Est-ce que ses yeux fonctionnent, est-ce qu’on va pouvoir prélever la cornée, est-ce qu’il a un bon rythme cardiaque, est-ce que son foie est en bonne santé.


BT : C’est absolument glaçant. Qui sont ces membres du Falun Gong qui ont l’air d’être persécutés, qui sont très très nombreux en Chine.


Dr G : Le Falun Gong, c’est la tradition chinoise un petit peu comme on fait du footing ici, en Chine il y a cette tradition d’exercices matinaux qu’on voit à travers le Taiji chuan, donc le Falun Gong c’est une sorte de yoga chinois. Et dans les années 1990, il y a eu une explosion de la popularité de cette pratique, telle que le gouvernement chinois estimait à la fin des années 90 que plus de 70 millions de personnes la pratiquaient.


BT : Et donc c’était un danger pour l’État ?


Dr G : Ça ne le serait nulle part ailleurs, mais dans un régime autoritaire ou plutôt une dictature comme l’est la Chine, soixante-dix millions de personnes qui ont une activité commune de tous les jours, sans contrôle du gouvernement, c’est un danger potentiel. Et donc, la répression de cette pratique a commencé, et les Nations Unies, donc le Commissariat aux droits de l’homme des Nations-Unies estime qu’entre 500 et 700 mille pratiquants de Falun Gong sont à n’importe quel moment dans ces camps de rééducation forcés. Les chiffres sont astronomiques mais il faut bien voir qu’on parle de la Chine avec 1,3 milliard d’habitants, et donc on a une réserve potentielle d’organes, de 700 000 personnes à n’importe quel moment en Chine.


MCD : Vous comptez sur l’Europe pour faire pression ?


Dr G . L’Europe a commencé, sur la base des résultats des enquêtes, on est passé ... on était donc en 2006 sur des allégations, après ces enquêtes, ce qui finalement est révélé, c’est qu’il ne s’agit pas d’allégations mais bien de faits, et qu’il ne s’agit pas d’un réseau mafieux, mais d’un réseau organisé au plus haut niveau de l’État chinois. Parce que les sites de prélèvement sont des hôpitaux militaires. Le Parlement européen a très vite réagi et a adopté fin 2013 une résolution condamnant de la manière la plus ferme ces prélèvements, et indiquant que c’était effectivement un réseau organisé au plus haut niveau, et que les pratiquants de Falun Gong en étaient les premières victimes.


MCD : Merci beaucoup, pour avoir l’adresse de votre site c’est www.dafoh.org et si vous voulez en savoir plus sur le sujet le livre Organes de l’état chez La Petite Édition.


Dr G : Si je peux me permettre, pour tous les spectateurs, si vous voulez faire quelque chose, il y a une façon très simple, sur le site web, une pétition est en ligne, déjà deux millions de signataires, allez-y ! Merci !


[la pétition est disponible sur ce site en ouvrant l'onglet soutien, en haut de la page d'accueil, puis DAFOH petition]

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Récapitulatif des avancées de ces trois derniers mois pour accroître la prise de conscience sur ces crimes :


" Human Harvest " (Récolte humaine) un documentaire primé qui dénonce le prélèvement d’organes sur des pratiquants de Falun Gong emprisonnés en Chine, a été diffusé sur 3 SAT, en Allemagne, Suisse et Autriche le 18 février à une heure de grande écoute.


Le documentaire a reçu l’attention des médias du secteur mondial de la radiodiffusion. Les chaînes TV de plus d’une vingtaine de pays ont diffusé le film, dont les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Autriche , la Suisse, la Norvège, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Pologne et des pays du Moyen-Orient.


Le 13 mars, la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis a amendé la résolution 343. La résolution demande au gouvernement chinois de cesser sa pratique de prélèvement d'organes approuvé par l'État sur des pratiquants de Falun Gong de leur vivant, et de coopérer avec les enquêtes sur ces crimes. La résolution a dores et déjà le soutien de 166 représentants des deux partis.


Lors de l'audition, le membre du Congrès Chris Smith (représentant du New-Jersey) a déclaré : " Je crois fortement que cette résolution est une étape importante pour apporter une mesure de responsabilité et de transparence à ce qui est possiblement un des plus grands crimes de ce 21e siècle : les 17 années d'efforts pour éradiquer le Falun Gong de la Chine."

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